Les psychotraumatismes diffèrent d’une réaction de stress transitoire. Il est crucial de savoir identifier les événements de vie stressants probablement en cause : l’individu est confronté de manière directe ou indirecte, unique ou répétée, à la mort, la menace de mort, une blessure grave ou des violences. Les événements traumatiques sont ceux qui retentissent sur la personne.
Les traumatismes psychiques ont diverses conséquences : le trouble stress post-traumatique (TSPT), mais aussi des troubles anxieux, somatoformes, des dépressions, des abus de substances. Les victimes sont plus vulnérables au développement de pathologies physiques et au risque suicidaire.
Dans les 48 premières heures, la réaction péritraumatique peut se manifester par des symptômes psychocomportementaux liés au stress et parfois une détresse intense ou des phénomènes de dissociation aiguë (dépersonnalisation, déréalisation).
Dans la première semaine peuvent survenir des symptômes d’intrusion (reviviscences, flashback, cauchemars traumatiques), des conduites d’évitement, des altérations négatives de la pensée (autour du monde ou de soi, culpabilité, honte), une hyperréactivité, des troubles du sommeil, de la mémoire et de l’attention. Le TSPT est constitué lorsque la réaction perdure au-delà du premier mois ou qu’elle altère le fonctionnement de l’individu.
Aujourd’hui, en population générale, le risque d’exposition à un trauma sur la vie entière serait de 70,4 % et la prévalence du TSPT > 8 %.1 Les femmes sont plus concernées que les hommes.
Autres facteurs de risque : jeune âge, faible statut socio-économique et éducatif, peu de soutien social et antécédents stressants antérieurs.
L’événement en lui-même est plus ou moins pourvoyeur de troubles, avec un risque plus élevé en cas d’exposition à un événement lié à un autre individu et en cas de réaction péritraumatique intense.2
Trois niveaux de prise en charge
La prévention primaire consiste à intervenir en amont par l’éducation ou l’information.
La secondaire a un champ d’action étendu : repérage, orientation et prise en charge pour éviter une évolution péjorative.
Enfin, la tertiaire consiste à soigner les troubles constitués afin d’éviter leur chronicisation.
Le médecin généraliste étant sollicité en premier recours participe au désamorçage des situations aiguës, il connaît l’état antérieur de son patient et a la capacité de dépister les troubles (prévention secondaire). Dans cette temporalité, il participe aussi à l’acceptation et à la déstigmatisation des soins. Il est le pivot de la coordination des interventions tertiaires qui sont multiples : médicale, psychologique, sociale, judicaire et associative.
Suites immédiates
C’est dans cette temporalité qu’interviennent les cellules d’urgence médico- psychologiques (CUMP). Elles opèrent immédiatement ou dans les jours suivant l’événement. Ce dispositif est le plus souvent déployé dans un contexte de catastrophes, d’accidents collectifs, d’événements impliquant de nombreuses victimes, ou d’incidents à forte répercussion psychologique.
Au cabinet, le médecin peut détecter les signes psychotraumatiques aigus et rechercher des facteurs de risque de développement ou de chronicisation. Les benzodiazépines sont proscrites du fait du risque d’addiction et de leur capacité à entretenir la mémoire traumatique.3 On privilégie l’hydroxyzine, dénuée d’effet addictogène et sur l’encodage du souvenir traumatique. Elle peut être utilisée pendant plusieurs jours.
L’intérêt du propranolol pour réduire l’encodage émotionnel du souvenir traumatique dans la phase aiguë a été évalué, mais d’autres études sont nécessaires.4 Des thérapies brèves en aigu sont possibles. En pratique, l’intervention psychothérapique post-immédiate (IPPI) est la règle, en proposant dans les jours suivant l’événement une rencontre avec 2 intervenants dans le but d’exprimer les émotions et cognitions qui lui sont liées. Des thérapies plus ciblées sont possibles en urgence comme l’EMDR ou désensibilisation par mouvement oculaire et retraitement.5
Troubles constitués
En première intention, EMDR, TCC centrées sur le traumatisme et thérapie d’exposition prolongée (TEP) sont à privilégier. L’EMDR utilise une stimulation sensorielle bilatérale (droite-gauche) qui se pratique par mouvements oculaires – le patient suit des yeux les doigts du thérapeute qui passent de droite à gauche – mais aussi par stimuli auditifs : on lui fait entendre alternativement un son à droite, puis à gauche – ou encore tactiles afin de désensibiliser et retraiter un souvenir traumatique.
La TEP a pour but de diminuer les symptômes et aussi d’améliorer la qualité de vie. Plutôt que de l’éviter, le sujet est exposé à son traumatisme afin d’y intégrer de nouvelles informations et de favoriser la digestion émotionnelle du souvenir.
Les TCC centrées sur le traumatisme sont semblables aux techniques habituelles en se focalisant sur ce dernier. Ces différentes approches, adaptées à la diversité des TSPT sont fondées sur la psychoéducation, la régulation émotionnelle, l’exposition imaginaire, le travail de restructuration cognitive et des stratégies d’adaptation face à une situation.7
Les psychotraumatismes peuvent être considérés comme des pathologies de la mémoire. Certaines des psychothérapies se servent de son caractère malléable pour la réactiver et diminuer la charge émotionnelle de l’événement traumatique. C’est le principe du blocage de la reconsolidation sous propranolol.8
En 2e ligne, la pharmacothérapie est surtout antidépressive. En France, paroxétine et sertraline (mêmes doses d’initiation que pour la dépression ; durée de 6 à 12 mois) sont efficaces sur les symptômes cognitifs, affectifs et de répétition, en modulant l’activité de régions cérébrales comme l’hippocampe ou le cortex préfrontal.9
Dix nouveaux lieux de soins
Jusqu’alors, l’accès aux soins était difficilement repérable, peu équitable et avec des délais plus ou moins longs selon les lieux de consultation.10 Après appel à projet ministériel en 2017, une offre spécialisée en psychotraumatologie se structure sur l’ensemble du territoire français.11 Ainsi, 10 centres de prise en charge sont ouverts dans les villes de Dijon, Fort-de-France, Lille, Lyon, Nice, Paris (2 centres), Strasbourg, Toulouse et Tours. Principales missions : prévention, information, prise en charge précoce et recherche. Les professionnels formés dans le domaine y pratiquent diverses thérapies ciblées afin de s’ajuster à tous les profils de patients.
Ces centres régionaux sont coordonnés par un centre national de ressources et de résilience (CN2R) qui répertorie les professionnels de santé et les rend plus accessibles pour les victimes, favorise la recherche et enfin crée ou initie des formations dans le domaine de la psychotraumatologie. Il est souhaitable qu’à terme l’offre s’élargisse pour un meilleur accès de toutes les victimes sur l’ensemble du territoire français.
Stress post-traumatique : nouvelles thérapies ?
De nouvelles stratégies de soins sont à l’essai afin d’élargir la palette des psychothérapeutes, notamment pour les TSPT complexes.
Ainsi l’hypothèse d’une dysfonction de réseaux neuronaux, de la mémoire principalement, dans le psychotraumatisme conduit à évaluer les techniques non invasives de neurostimulation, notamment la stimulation magnétique transcrânienne répétée (rTMS) des zones préfrontales.
Des trains d’impulsions magnétiques sont émis en apposant une bobine sur la tête du patient. Cette stimulation répétée module l’excitabilité de certaines zones cérébrales et modifie la plasticité du cerveau. Cependant les conditions d’utilisation et les indications nécessitent d’être affinées par de nouvelles recherches.6
1. Kessler RC, Aguilar-Gaxiola S, Alonso J, et al. Trauma and PTSD in the WHO World Mental Health Surveys. Eur J Psychotraumatol 2017;8(suppl 5):1353383.
2. Canini F, El-Hage W, Garcia R. ABC des Psychotraumas. Le trouble de stress post-traumatique. Villers-lès-Nancy: LaRéponseDuPsy-Mona éditions; 2017.
3. Guina J, Rossetter SR, DeRhodes BJ, Nahhas RW, Welton RS. Benzodiazepines for PTSD: A systematic review and meta-analysis. J Psychiatr Pract 2015; 21:281‑303.
4. Vaiva G, Ducrocq F, Jezequel K, et al. Immediate treatment with propranolol decreases posttraumatic stress disorder two months after trauma. Biol Psychiatry 2003;54:947‑9.
5. Tarquinio C, Brennstuhl MJ, Reichenbach S, Rydberg JA, Tarquinio P. Early treatment of rape victims: Presentation of an emergency EMDR protocol. Sexologies 2012;21:113-21.
6. Yan T, Xie Q, Zheng Z, Zou K, Wang L. Different frequency repetitive transcranial magnetic stimulation (rTMS) for posttraumatic stress disorder (PTSD): A systematic review and meta-analysis. J Psychiatr Res 2017;89:125‑35.
7. El-Hage W, Bilodeau M. Stratégies thérapeutiques des traumas. Tours: Presses universitaires François Rabelais; 2018.
8. Lonergan M, Leonard MJ, Brunet A, Saumier D. Reconsolidation mnésique dans le stress post-traumatique. Rev Prat Med Gen 2017;31:660‑1.
9. HAS. Affections psychiatriques de longue durée. Troubles anxieux graves. Décembre 2017.
10. Schäfer I, Hopchet M, Vandamme N, et al. Trauma and trauma care in Europe. Eur J Psychotraumatol 2018;9:1556553.
11. El-Hage W, Birmes P, Jehel L, et al. Improving the mental health system for trauma victims in France. Eur J Psychotraumatol 2019;10:1617610.