Il existe en France, et plus particulièrement dans certains départements et régions d’outre-mer et collectivités d’outre-mer (DROM-COM), de nombreux enfants en provenance de pays étrangers. En 2019, 254 239 personnes auraient immigré sur le territoire français. Parmi ces migrants, 26 % seraient mineurs, d’après le ministère de l’Intérieur.1 La situation de « migrant » est définie selon l’Organisation des Nations unies (ONU) comme celle de « toute personne qui a résidé dans un pays étranger pendant plus d’une année, quelles que soient les causes, volontaires ou involontaires, et quels que soient les moyens, réguliers ou irréguliers ». Cette notion est étudiée juridiquement et administrativement sous un prisme différent lorsqu’il s’agit de mineurs : la vulnérabilité liée à l’âge doit primer les considérations liées à la légalité du séjour des étrangers.
Pour autant, l’organisation des structures d’accueil des enfants migrants reste fondée sur les différentes « catégories » de droit au séjour (
Procédure et structures d’accueil pour les mineurs non accompagnés
La définition de « minorité » semble évidente. Or elle ne l’est pas lorsqu’il s’agit d’enfants d’origine étrangère qui se trouvent privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille. Dans le monde, l’état civil n’est ni systématique ni fiable. La majorité n’est pas fixée à 18 ans dans tous les pays, et tous ne fêtent pas leur naissance. Les États signataires de la Convention internationale des droits de l’enfant doivent protéger ces enfants isolés (les « mineurs non accompagnés » [MNA], anciennement « mineurs isolés étrangers » [MIE]).
Pour se voir octroyer le statut de MNA, il faut réunir les conditions cumulatives suivantes : avoir moins de 18 ans, être de nationalité étrangère, être isolé sur le territoire français. Il existe différentes méthodes pour permettre aux conseils départementaux, compétents en matière de protection de l’enfance, d’évaluer ces critères (
D’abord une mise à l’abri provisoire
Pendant la période d’évaluation, le jeune migrant est hébergé par le département dans lequel il s’est présenté, le plus souvent dans un dispositif hôtelier géré par le secteur associatif, comme la Croix-Rouge française ou France terre d’asile. Cet accompagnement étant prévu pour quelques jours uniquement, il est souvent limité à la mise à l’abri, l’alimentation et l’hygiène de base. Les orientations médicales se font principalement pour les urgences. Des activités peuvent également être proposées.
Ordonnance de placement provisoire dans un deuxième temps
Une fois la minorité reconnue, le juge des enfants confie le demandeur par ordonnance de placement provisoire à l’aide sociale à l’enfance (ASE), lui octroyant les mêmes droits que l’ensemble des enfants français (santé, éducation…). L’enfant doit alors intégrer une structure d’accompagnement à l’autonomie jusqu’à sa majorité : famille d’accueil, foyer ou appartement, partagé ou non.
Un jeune évalué majeur peut saisir le juge des enfants
Si le jeune est évalué majeur, il sort du dispositif de mise à l’abri d’urgence et ne se voit pas proposer d’hébergement alternatif. S’il conteste la décision du département, il saisit le juge des enfants. L’autorité judiciaire peut alors ordonner une expertise des documents d’identité en premier lieu, puis, si le doute persiste et, en dernier recours, une expertise d’âge osseux (radiographie du poignet, qui doit être réalisée avec le consentement de l’enfant, en présence d’un traducteur le cas échéant, et dont les résultats interprétés par le corps médical sont peu fiables).
S’il est finalement confié en tant que mineur, il intègre le dispositif pérenne.
En revanche, si le juge réaffirme la décision du département, il sort des dispositifs pour MNA et entre dans le circuit de prise en charge des étrangers majeurs.
En 2019, hors Mayotte, ce sont 16 760 situations qui ont été portées à la connaissance de la cellule nationale de la mission mineurs non accompagnés, dont 95,5 % de garçons arrivant à un âge moyen de 16 ans. Ils étaient très majoritairement originaires de l’Afrique de l’Ouest : Guinée (31 %), Mali (20 %), Côte d’Ivoire (16 %).3
Procédure et structures d’accueil pour les demandeurs d’asile
Pour obtenir l’asile, la personne migrante doit constituer un dossier prouvant qu’elle est en danger réel dans son pays d’origine en raison de son ethnie, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. Ce dossier est ensuite étudié par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Lorsque la personne ne remplit pas ces critères, mais qu’elle risque d’être exposée à une menace grave dans son pays d’origine (peine de mort ou exécution, tortures, traitements inhumains ou dégradants, menace grave et individuelle), une protection subsidiaire peut lui être accordée.
Pour les enfants seuls, le dossier est constitué avec l’aide d’un administrateur ad hoc désigné par le procureur de la République.
Pour ceux qui se trouvent en France avec au moins un représentant légal, une demande d’asile familiale est réalisée. Pendant les trois à six mois de l’instruction, la loi prévoit un hébergement dédié : c’est le dispositif national d’accueil géré par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) offrent une prise en charge complète dispensée par des professionnels formés : hébergement, accompagnement social, administratif et médical. Mais avec seulement 43 600 places au 1er janvier 2020, seuls 33,7 % des demandeurs d’asile éligibles y ont effectivement accès. Ceux qui n’y sont pas hébergés peuvent être accueillis dans des centres plus provisoires et précaires, comme les centres d’accueil et d’examen des situations (CAES) ou les hébergements d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA), dans d’autres lieux moins spécialisés comme les centres d’hébergement d’urgence (CHU), ou être retrouvés sur des camps de fortune, souvent dans le Calaisis ou en région parisienne.
S’il obtient le statut de réfugié, le mineur accompagnant est protégé en même temps que sa famille. Il peut alors opter pour une prise en charge dans un centre provisoire d’hébergement (CPH), réservé aux bénéficiaires de protection internationale.
En 2019, 21 841 mineurs ont réalisé une première demande d’asile en famille. Dans le même temps, 755 mineurs ont réalisé cette même demande seuls.4
Autres mineurs migrants et leur hébergement
Il existe des enfants migrants présents sur le territoire français qui ne relèvent pas de l’asile et ne sont pas isolés. Le mineur lui-même ne saurait être considéré comme « sans-papiers ». Néanmoins, le législateur considère que son intérêt supérieur est de maintenir le lien familial, c’est donc le statut de la famille qui lui est applicable.
Dans les familles en situation régulière
Les familles en situation régulière, qu’elles disposent d’un titre de séjour pour des raisons de santé, de travail ou à la suite d’un regroupement familial, bénéficient des mêmes aides que les Français. Elles peuvent être hébergées dans des dispositifs spécifiques comme les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), non réservés aux étrangers. Elles sont cependant le plus souvent dans le parc privé, soit en logement social individuel, soit en hébergement solidaire.
Dans les familles en situation irrégulière
Les familles en situation irrégulière, déboutées de l’asile ou du droit au séjour général (par exemple à la suite de la perte de l’emploi octroyant le titre de séjour salarié), sont particulièrement vulnérables.
L’accès à la santé hors urgence est limité aux dispositifs dédiés (comme les permanences d’accès aux soins de santé, cellules de prise en charge médico-sociale au sein des établissements publics de santé).
La scolarité des enfants est complexe, principalement pour des questions de domiciliation et donc de compétence territoriale, et les aides sociales sont limitées à l’extrême urgence.
Ces familles s’exposent par ailleurs à une rétention administrative en vue d’une expulsion si elles voient une ordonnance de quitter le territoire français prononcée contre elles.
Nombre de migrants sont ainsi sans statut administratif ou juridique spécifique. C’est le cas des familles itinérantes ou de voyageurs, des déboutés de l’asile, des étrangers non éligibles à l’asile se déclarant mineurs mais n’ayant pas été reconnus sous le statut MNA, principalement. Elles ne bénéficient d’aucune structure dédiée et se retrouvent souvent contraintes à vivre dans des conditions de grande précarité, notamment sur des campements de fortune plus ou moins insalubres.
Quelle prise en charge médicale ?
Les mineurs pris en charge au sein de structures de protection de l’enfance ou pour demandeurs d’asile bénéficient de la protection universelle maladie (PUMA, ancienne couverture maladie universelle, CMU). Ils bénéficient, durant leur parcours, d’un suivi médical global. Si les professionnels de santé ne sont pas présents sur le lieu d’accueil, ils rejoignent le parcours de soins de ville.
La réalisation d’un bilan médical complet est préconisée dans les quatre mois suivant l’arrivée. Couvert par l’Assurance maladie du patient le cas échéant, ce bilan peut également être réalisé gratuitement, lorsque l’enfant n’est pas pris en charge en structure, via les permanences d’accès aux soins de santé (PASS). Les soins spécialisés leur sont plus difficiles d’accès. Enfin, l’aide médicale de l’État (AME) permet l’accès aux soins de toutes les personnes en situation irrégulière en France, enfants compris. Il est à noter que ce dispositif (conditionné à une présence continue de trois mois) est applicable sur tout le territoire à l’exception de Mayotte.
Quelle prise en charge scolaire ?
Le droit à l’éducation est l’un des cinq piliers de la Convention internationale des droits de l’enfant. En France, « l’instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l’âge de 3 ans et jusqu’à l’âge de 16 ans », selon l’article L131-1 du code de l’éducation.
L’Éducation nationale dispose d’une structure dédiée pour faciliter les démarches d’accès à la scolarisation des mineurs migrants : le Centre académique pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (CASNAV).
En 2012, des unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UP2A) ont été créées. Elles remplacent les anciennes « classes d’accueil » (CLA) et « classes d’initiation pour non francophones » (CLIN). Dans ces dispositifs, l’apprentissage de la langue française est renforcé. Cette classe est considérée comme une passerelle permettant aux élèves d’ajuster leur niveau avant d’intégrer le système scolaire classique.
Les enfants de plus de 11 ans arrivant sur le territoire doivent passer des tests d’évaluation réalisés au sein du centre d’information et d’orientation (CIO) avant d’intégrer le système scolaire français. Ces centres facilitent l’accès à des classes correspondant au mieux à leur niveau scolaire, en fonction notamment de leur âge et de leur scolarisation antérieure. À la suite des évaluations, le jeune se voit affecter un établissement scolaire adapté à son niveau et à ses qualifications.
Une grande complexité de l’accès aux structures
En France, l’organisation des structures d’accueil des enfants migrants reste intimement corrélée à la notion de légitimité de leur présence sur le territoire, qu’ils soient seuls ou en famille. Il existe une multitude de dispositifs d’hébergement, d’accompagnement social et d’accès aux soins pour couvrir l’ensemble des situations administratives et juridiques. Néanmoins, ils ne bénéficient pas à tous les enfants : 700 sont encore considérés quotidiennement à la rue uniquement à Paris, 20 000 sont hébergés à l’hôtel en Île-de-France dont 5 000 de moins de 3 ans en Seine-Saint-Denis.7
Toutes ces structures ont vocation à être provisoires : la dynamique de la prise en charge doit en principe permettre, au fur et à mesure de la reconnaissance du ou des statuts de l’enfant migrant (MNA, réfugié…), de s’émanciper pour s’intégrer au mieux dans la société française.
La complexité des démarches, les institutions souvent saturées ou inadaptées, le manque de temps et de formation des professionnels sont autant de causes identifiées générant des situations de carence d’accès au droit. La loi du 7 février 2022 « relative à la protection des enfants » est une avancée notoire en la matière, notamment en prohibant le recours à l’hôtel pour le placement des mineurs, massivement utilisé pour les migrants en protection de l’enfance. Les départements ont deux ans pour ouvrir des structures d’accueil adaptées.
Qu’en est-il en outre-mer ?
L’État français prévoit un fonctionnement similaire des dispositifs de prise en charge des enfants migrants sur l’ensemble du territoire. Cependant, les départements et régions présentent une grande disparité de richesse, d’accessibilité aux institutions mais également de réalité migratoire, particulièrement dans les DROM-COM. Mayotte ou la Guyane témoignent régulièrement du manque de moyens financiers, associatifs et même humains pour prendre en charge de façon adaptée et complète l’intégralité des individus le nécessitant. Ces territoires sont confrontés à un flux migratoire important, souvent combiné à un fort taux de natalité, complexifiant la prise en charge sanitaire et sociale des enfants. Selon le ministère de l’Intérieur,1 à Mayotte, 48 % des 256 000 habitants sont étrangers, 7 000 mineurs vivent dans des familles en situation irrégulière, 95 % d’entre eux sont originaires des Comores voisines.
1. Ministère de l’Intérieur. Les chiffres clés de l’immigration 2020. 2022. www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Actualites/Communiques/Statistiques-annuelles-en-matiere-d-immigration-d-asile-et-de-nationalite2
2. Convention internationale relative aux droits de l’enfant. 1989. Article 20.
3. Ministère de la Justice. Rapport annuel d’activité 2019 de la mission mineurs non accompagnés. Mai 2020. www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/274374.pdf
4. Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Rapport d’activité 2019. ofpra.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/rapport_dactivite_2019.pdf
5. Ministère de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports. La scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs. Mai 2022. www.education.gouv.fr/la-scolarisation-des-eleves-allophones-nouvellement-arrives-et-des-enfants-issus-de-familles-4823
6. Défenseur des droits. Les mineurs non accompagnés au regard du droit. 2022.
7. UNICEF. En France, des milliers d’enfants à la rue ou dans des hébergements précaires ! 2019. www.unicef.fr/article/en-france-des-milliers-d-enfants-la-rue-ou-dans-des-hebergements-precaires