Maigrir, c’est mourir… Chez les personnes âgées, la dénutrition provoque des complications multiples pouvant aller jusqu’au décès. La pandémie actuelle est un facteur de risque supplémentaire de dénutrition dans cette population. Tout ce qu’il faut savoir pour « renutrir » un sujet âgé en pratique, exemples de menus à l’appui.

 

 

La dénutrition touche 4 % des personnes âgées vivant à leur domicile (soit 300 000 à 400 000 individus en France), 30 à 70 % des patients hospitalisés, 15 à 38 % de ceux vivant en institution. Des chiffres qui pourraient s’accroître dans le contexte épidémique actuel. En effet, d’une part, l’infection par le SARS-CoV-2 est associée à un risque majeur de dénutrition chez les personnes âgées, d’autre part, le confinement et l’isolement liés à la pandémie sont des situations à risque. 

Les conséquences sont souvent graves : baisse de l’autonomie et de la qualité de vie, dégradation de l’état psychologique (dépression, troubles de la mémoire), altérations de la cicatrisation (en postopératoire ou en cas d’escarres), augmentation du risque d’hospitalisation, des fractures à la fois par ostéoporose, par réduction des capacités musculaires et de la masse grasse (perte de l’effet coussin lors des chutes)…

Le diagnostic de la dénutrition repose sur des outils simples : mesure du poids (perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10 % en 6 mois), IMC (< 21), dosage de l’albuminémie (< 30 g/L), de la préalbuminémie (< 110 mg/L), Mini Nutritional Assessment (score MNA < 17 ou ≤ 7 de la version simplifiée). Un seul critère fait le diagnostic !

Attention : le poids et l’IMC peuvent être mis en échec en cas de stockage hydrique. La recherche des œdèmes et de leur cause est donc essentielle.

 

Il est important d’identifier les facteurs susceptibles de diminuer les apports alimentaires (pathologies chroniques comme la maladie de Parkinson, syndromes inflammatoires, troubles bucco-dentaires et de la déglutition, régimes restrictifs, effets indésirables des médicaments, anorexie), mais aussi le contexte socio-environnemental et psychologique (perte d’autonomie, isolement, dépression, difficultés à s’approvisionner, à cuisiner ou à s’alimenter…). Il faut donc en premier lieu prendre en charge les pathologies sous-jacentes et corriger, si possible, les facteurs identifiés (par exemple : proposer une aide durant les repas ou pour faire les courses).

 

Comment augmenter les apports ?

Privilégier la renutrition orale en visant un apport énergétique de 30 à 40 kcal/kg/j (selon les personnes). En pratique : manger suffisamment pour reprendre du poids.

En cas de dénutrition sévère, les apports doivent être progressifs (risque de troubles de l’hydratation et des électrolytes sanguins).

Pour les protides (en raison d’une réduction du stock protéique avec l’âge) : de 1,2 à 1,5 g de protéines/kg/j ; en pratique : viande, œuf ou poisson 2 fois par jour et 3 à 4 produits laitiers par jour.

L’alimentation doit être « équilibrée » – la répartition calorique est habituellement de 12 à 15 % en protéines, 30 à 35 % en lipides et 50 à 55 % en glucides – et fractionnée en plusieurs repas : 3 principaux repas par jour, des collations interprandiales dans la matinée et/ou l’après-midi, voire dans la soirée, pour les personnes qui dînent tôt (éviter un jeûne nocturne dépassant 12 heures). 

Les menus (v. les exemples ci-dessous) doivent intégrer des produits riches en énergie ou en protéines et adaptés aux goûts du patient. La texture des aliments doit être compatible avec ses capacités de mastication et de déglutition (nourriture tendre, plats mijotés, plus goûteux, odorants avec oignons, ail, herbes, etc.). Prendre en compte son contexte environnemental est fondamental, que ce soit son autonomie vis-à-vis de l’alimentation, son état psychologique ou cognitif ou ses possibilités financières. En effet, le médecin traitant peut intervenir pour activer et/ou prescrire des aides diverses.

 

Comment enrichir l’alimentation ?

On peut accroître l’apport énergétique et la densité nutritionnelle d’une ration, sans pour autant en augmenter le volume, en intégrant différents produits hautement énergétiques et/ou protidiques : poudre de lait, lait concentré entier, fromage râpé, œufs, crème fraîche, beurre fondu, huile...

Les compléments nutritionnels oraux (CNO), disponibles sous de nombreuses formes et pris en charge par l’Assurance maladie pour les patients dénutris, sont aisés à mettre en œuvre. Ils sont présentés sous forme de boissons lactées, jus de fruits, crème, soupes, gâteaux, plats mixés, et existent également sous forme de poudres de protéines ou de maltodextrine (glucides complexes). Ils peuvent être fortement enrichis en énergie (produits hypercaloriques si > 1,5 kcal/mL), en protéines (produits hyperprotéiques si > 7 g de protéines/100 mL ou 100 g), ou à la fois en calories et protéines, et contiennent, sauf pour les poudres, des vitamines, des oligo-éléments et des sels minéraux. Il existe des produits avec ou sans gluten, avec ou sans lactose, avec ou sans fibres. Ces compléments doivent être pris si possible en plus de l’alimentation habituelle (et non à la place !), soit en fin de repas, soit en collation, à au moins à 2 heures de distance de chaque repas. Une prise nocturne est possible. Il est recommandé de prendre au moins une à deux unités par jour.

Dès la prescription, il faut signaler aux patients que les produits participent à leur traitement. La réévaluation à 15 jours permet de dépister une mauvaise tolérance (le plus souvent liée aux saveurs ou textures) et d’améliorer l’observance. L’acceptation est souvent meilleure si les produits sont frais. 

 

Mesures à associer 

Supplémentation systématique de vitamine D (lire notre article : « Vitamine D : qui et comment supplémenter cet hiver ? »)

Activité physique :

– limite la fonte musculaire, stimule l’appétit, préserve l’autonomie, améliore la qualité de vie ;

– potentialise l’effet de l’approche nutritionnelle sur la prise de poids et l’albuminémie.

 

Exemples de repas pour sujet âgé dénutri

Petit déjeuner :

– une boisson (thé, café, lait)

– si peu ou pas de lait : 1 yaourt, 1 fromage blanc ou 1 morceau de fromage ;

– 1/8 de baguette ou 3-4 biscottes avec beurre et confiture ;

– si la personne mange peu de viande, on peut ajouter un peu de jambon ou de saucisson.

Déjeuner :

– 1 entrée (3 à 4 cuillères) avec de la vinaigrette ;

– environ 100 g de viande ou de poisson (avec ou sans sauce) ;

– 3 à 4 cuillères de légumes ;

– 1 morceau de fromage (30 à 40 g) ;

– 1 portion de fruit ou un dessert ;

– pain.

Goûter :

– 1 produit lacté ou une crème dessert sucrée.

Dîner :

– 1 assiette ou 1 bol de soupe ;

– 3 à 4 cuillères de féculents avec des protéines, le mieux dans un plat composé (hachis Parmentier, lasagnes, quiche lorraine…) ;

– 1 morceau de fromage (30 à 40 g) ;

– 1 dessert ou 1 fruit ;

– pain.

 

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

D’après :

Raynaud-Simon A. Renutrir le sujet âgé. Rev Prat Med Gen 2019;33:778-82.

Desport JC, Jésus P, Fayemendy P, réseau Linut. Alimentation et dénutrition de la personne âgée. Rev Prat 2018;68(3);312-8

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