Les points de vigilance pour les patients âgés qui voyagent incluent :
- le risque de décompensation de pathologies chroniques : insuffisance cardiaque ou respiratoire, diabète, épilepsie, maladies neurodégénératives… ;
- l’exposition potentielle à des températures extrêmes : diminution des capacités d’adaptation physiologique de l’hydratation et de la régulation thermique, moindre sensibilité aux signes de déshydratation ;
- le risque lié à certains traitements selon les conditions du voyage (par exemple, diurétiques et chaleur) ou à l’interaction du traitement au long cours avec de nouveaux médicaments prescrits pour le voyage ;
- l’incompatibilité éventuelle du type de voyage avec des troubles cognitifs ou locomoteurs ;
La consultation spécifique avant le départ aborde donc : les maladies chroniques et les traitements suivis, la mise à jour des vaccins (cf. recos aux voyageurs 2024) ou les contre-indications éventuelles à certaines vaccinations, la constitution d’un dossier médical de voyage et les précautions à adopter en fonction des conditions du voyage, en particulier en cas de voyage aérien (v. encadré).
Dossier médical et ordonnances
Tout voyageur atteint d’une ou plusieurs maladies chroniques doit emporter :
- un compte-rendu médical en anglais ou dans la langue du pays de destination, résumant la ou les pathologies, le traitement, les principaux signes cliniques ou paracliniques et la prise en charge des principales complications possibles (et une fiche pour le patient avec ces mêmes informations) ;
- une ordonnance nominative en anglais pour tous les médicaments et en particulier pour le transport du matériel d’injection ;
- les carnets de suivi des traitements chroniques nécessitant une surveillance ;
- les coordonnées d’une structure de santé ou d’un médecin correspondant spécialiste locaux : se renseigner sur le site du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ou auprès du prestataire d’assurance/assistance (v. ci-après).
Voyager avec des médicaments
Les patients sous traitement au long cours doivent emporter la totalité du traitement nécessaire durant le séjour avec une marge supplémentaire. Le voyage expose en effet au risque d’indisponibilité des médicaments dans le pays de destination, voire de contrefaçons, ou encore de prix très élevés (États-Unis).
L’ordonnance, en anglais, mentionne le traitement en DCI pour le passage aux douanes. Pour toutes les informations sur les contrôles de sécurité, les règles de transport des médicaments, des liquides et des dispositifs médicaux en cabine, le patient doit se renseigner auprès de sa compagnie aérienne ou auprès de la Direction générale de l’aviation civile.
Les médicaments sont transportés dans le bagage cabine pour ne pas risquer la perte entraînant une rupture de traitement et pouvoir faire face à une aggravation de la pathologie en cours de vol. Certains médicaments doivent être gardés à basse température et voyager en conditionnement isotherme.
Pour les médicaments dits courants, la quantité transportée doit correspondre à la durée du traitement ou à 3 mois de traitement maximum (espace Schengen). Hors espace Schengen, chaque pays applique ses propres dispositions : le patient peut se renseigner auprès de l’ambassade ou consulat en France du pays de destination.
Pour les médicaments stupéfiants ou psychotropes :
- dans l’espace Schengen : la quantité transportée est limitée à celle nécessaire pour un usage personnel et pour la durée du séjour ; une autorisation de transport délivrée par l’ARS de la région où le médecin prescripteur est enregistréest impérative (valable 30 jours). Le patient demande directement le formulaire à l’ARS (liste sur https ://www.ars.sante.fr/) en fournissant l’ordonnance.
- en dehors de l’espace Schengen : chaque pays applique ses propres dispositions (limitation du nombre d’unités et de jours de traitement, voire interdiction de certains médicaments) ; se renseigner auprès des ambassades et sur le site de l’Organe international de contrôle des stupéfiants. L’autorisation de transport est délivrée par l’ANSM ; la demande est à effectuer au moins 10 jours avant le départ en complétant un formulaire en ligne auquel il faut joindre la copie de l’ordonnance sécurisée, non postdatée, couvrant la période du séjour.
Assurances et assistance rapatriement
Pour les séjours au sein de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou en Suisse, la Carte européenne d’Assurance maladie peut être obtenue en ligne ou auprès de la caisse d’Assurance maladie du patient.
Pour les séjours hors pays de l’UE inférieurs à 6 mois, il est recommandé de contracter une assurance couvrant les frais médicaux non pris en charge par l’Assurance maladie française. Les renseignements sur les démarches et les documents nécessaires pour avoir ce type d’assurance sur le site Ameli.
Les séances de dialyse à l’étranger peuvent être prises en charge par l’Assurance maladie avec des modalités différentes selon les pays.
L’assistance aux voyageurs est différente de l’assurance : ces contrats offrent notamment un rapatriement sanitaire. Pour les séjours inférieurs à 3 mois, de nombreux contrats d’assistance sont liés aux contrats d’assurances habitations, véhicules, ou aux cartes bancaires. Cependant, les plafonds peuvent être dépassés en cas de prise en charge lourde dans certains pays où les frais médicaux sont chers (États-Unis, Canada, pays d’Asie...). Pour les séjours supérieurs à 3 mois, il est recommandé de souscrire un contrat d’assistance spécifique.
Attention aux clauses d’exclusion présentes dans la plupart des assurances, notamment en cas de maladie chronique ayant conduit à une hospitalisation récente (dans les 6 mois précédents), qui doivent être clairement énoncées dans la notice d’information.
Focus sur le voyageur diabétique
Une consultation avec le diabétologue référent est souhaitable avant le départ pour vérifier l’équilibre glycémique et le schéma d’administration d’insuline le cas échéant.
Une carte « J’ai un diabète » en français, espagnol et anglais peut être obtenue auprès de la Fédération des diabétiques.
Concernant le matériel(aiguilles, lancettes, coton, désinfectant, lecteurs de glycémie et de cétonémie avec piles, stylo auto-piqueur, bandelettes urinaires, insulines, glucagon, pompe de remplacement...), il est recommandé de prévoir le double des quantités nécessaires et de le répartir entre plusieurs bagages.
En cas d’achat d’insuline dans d’autres pays, il convient de rappeler aux patients que la concentration peut ne pas être la même qu’en France et en Europe (100 UI/ml).
À l’aéroport et pendant le vol
Le transport de seringues et d’aiguillesdans la cabine peut être soumis à autorisation (se renseigner auprès de la compagnie aérienne). Un certificat médical en anglais ou dans la langue du pays de destination peut être demandé.
Les pompes à insulineet dispositifs de contrôle de glycémie en continu ne doivent pas être exposés aux rayons X : les patients concernés doivent avertir les services de sécurité́ des aéroports lors des contrôles aux portiques automatiques. Consulter le guide « Le diabète à l’aéroport » rédigé par la Direction générale de l’aviation civile et la Fédération française des diabétiques.
Pendant le vol :
- prévoir des sources de sucres rapides pour corriger une éventuelle hypoglycémie ;
- du fait des variations de pression en cabine, des bulles d’air peuvent se former dans le dispositif des pompes à insuline (cartouche et ligne) : au décollage, lorsque la pression baisse, les bulles peuvent conduire à un excès d’administration d’insuline, et à des hypoglycémies durant le vol ; à̀ l’atterrissage, l’augmentation de pression suspend à nouveau dans la solution l’air des bulles et peut entraîner des diminutions de la dose administrée et des hyperglycémies. Le patient peut donc être amené à déconnecter la pompe au décollage, puis à la reconnecter en altitude de croisière après avoir purgé les bulles, et répéter la même procédure à l’atterrissage ;
- certains appareils de mesure continue de la glycémie peuvent également dysfonctionner en situation de pression atmosphérique plus faible.
Adaptation de l’insulinothérapie si plusieurs fuseaux horaires (> 3 heures) sont franchis
Si la durée du séjour est inférieure à 3 jours : garder le schéma habituel d’injections avec les heures françaises.
En cas de séjour plus long, pour un traitement par injections, l’utilisation de schéma basal (lente) + bolus (rapide) est préférable à une insuline mixte pour un meilleur ajustement à la glycémie. Des bolus d’insuline rapide sont faits au moment des repas, et le basal est ajusté.
Plusieurs protocoles d’adaptation du basal sont possibles. Par exemple :
- Voyages vers l’Est : la journée étant plus courte, les besoins en insuline sont moindres. Pour un décalage faible (1 à 6 heures en plus), avancer de 2 heures l’horaire de la dernière dose de basal prévue avant le départ (ex. : 17 h au lieu de 19 h, heure française), puis se mettre à l’heure locale et décaler l’horaire de la prochaine dose de basal de 3 - 4 heures (ex. : 22 h au lieu de 19 h, heure locale). Sur place, rapprocher ensuite progressivement l’horaire de la dose de basal vers l’heure habituelle (ex : 19 h). Pour un décalage important (plus de 6 heures en plus), faire la moitié de la dose de basal du jour du voyage à l’heure prévue (heure française ; ex. : 19 h) puis se mettre à l’heure locale et faire la dose basale suivante (complète) à l’heure prévue (heure locale, ex. : 19 h) ;
- Voyages vers l’Ouest : la journée étant plus longue, les besoins en insuline sont supérieurs. Pour un décalage faible (1 à 6 heures en moins), faire la dernière dose de basal la veille du départ à l’heure prévue (ex. : 19 h, heure française), puis se mettre à l’heure locale et faire la prochaine dose de basal à l’heure prévue (ex. : 19 h, heure locale), en complétant au besoin par de l’insuline rapide entre temps. Pour un décalage important (plus de 6 heures en moins), faire la moitié de la dose de basal du jour du voyage à l’heure prévue (heure française ; ex. : 19 h) puis se mettre à l’heure locale et faire la prochaine dose de basal (complète) à l’heure prévue (heure locale, ex. : 19 h).
Si le patient a une pompe à insuline, les bolus d’insuline rapide seront faits en fonction des repas et des glycémies. Il faut garder l’horloge de la pompe sur l’heure de la zone de départ durant tout le voyage aérien, et la régler sur l’heure de la zone d’arrivée à destination. Programmer durant le vol le plus petit basal d’insuline antérieurement utilisé.
Contrôle de la glycémie durant le séjour
Durant les premiers jours de voyage, contrôler plus souvent la glycémie et adapter les doses d’insuline si besoin.
Stocker l’insuline dans un endroit réfrigéré et sec sur place. Il existe des pochettes réfrigérantes ou des sacs isothermes pour le transport de l’insuline et du glucagon. Les stylos et flacons d’insuline en cours d’utilisation peuvent être le plus souvent conservés à température ambiante.
En cas de diarrhée ou de vomissements, ajuster les doses sans arrêter l’insuline.
Voyage en avion en cas de pathologie respiratoire chronique
La décompensation d’une pathologie respiratoire chronique est possible durant un vol en hypoxie relative.
Un test d’hypoxieavant le départ peut être réalisé à certains patients (BPCO dans certains cas, asthme sévère, patients à risque d’hypercapnie...), pour savoir si une oxygénothérapie durant le vol est nécessaires (recommandations de la British Thoracic Society, 2022). Il n’est pas indiqué pourles personnes ayant une maladie stabilisée (pas d’hospitalisation récente, d’exacerbations, de changement thérapeutique significatif).
Recommandations spécifiques pour certaines maladies respiratoires :
- BPCO : risque plus élevé de thrombose veineuse profonde : prévoir une prévention ;
- encombrement respiratoire chronique : obtenir des conseils de drainage pulmonaire auprès du kinésithérapeute avant le départ ;
- syndrome d’apnées du sommeil ou d’hypoventilation par obésité : privilégier les vols de jour, éviter alcool et sédatifs dans les 12 heures précédant le vol et durant celui-ci. L’utilisation pendant le vol d’appareils de pression positive continue peut nécessiter l’autorisation préalable de la compagnie aérienne ;
- asthme : les patients doivent être équilibrés avant le départ et emporter le traitement d’une exacerbation en bagage cabine, avec un plan détaillé du traitement d’exacerbation doit être disponible.
Société française de gériatrie & gérontologie. Entretien avec la Pr Claire Roubaud. « Personnes âgées : quelles précautions pour un voyage à cet âge ? » 24 mai 2024.
Martin Agudelo L. Recommandations aux voyageurs : nouveautés 2024 ! Rev Prat (en ligne) 21 juin 2024.
Assurance maladie. Vacances à l’étranger : votre prise en charge. 11 janvier 2023.
Schenckéry J. Voyager tranquille avec des médicaments stupéfiants. Rev Prat (en ligne) 21 juillet 2022.