objectifs
Connaître les facteurs de risque.
évaluer la situation de précarité, définir les différents types et niveaux de précarité.
Connaître les morbidités les plus fréquemment rencontrées et leurs particularités.
Évaluer la situation médicale, psychologique et sociale d'un sujet en situation de précarité.
Connaître les dispositifs médico-sociaux adaptés.
Connaître les facteurs de risque.
évaluer la situation de précarité, définir les différents types et niveaux de précarité.
Connaître les morbidités les plus fréquemment rencontrées et leurs particularités.
Évaluer la situation médicale, psychologique et sociale d'un sujet en situation de précarité.
Connaître les dispositifs médico-sociaux adaptés.
Si la santé a longtemps été considérée comme une absence de maladie, sa dimension sociale est acquise depuis 1946, lorsque l’Organisation mondiale de la santé la définit comme « un état de bien-être physique, mental et social ». La charte d’Ottawa, 40 ans plus tard, renforce cet aspect : « La santé est une ressourcede la vie quotidienne qui permet, d’une part, de réaliser ses ambitions et satisfaire ses besoins, d’autre part, d’évoluer avec le milieu ou s’adapter à celui-ci ».
Évaluer un état de santé est donc indissociable de l’évaluation des conditions de vie et ressources, et de la précarité. La réforme du 2 janvier 2002 de la loi dite « loi sociale » de 1975 stipule d’ailleurs que l’étanchéité entre le social et le sanitaire peut constituer un « frein à l’innovation et l’accompagnement décloisonné de certaines catégories de population ». Or, en France, la précarité, la pauvreté et les typologies de populations touchées ne font que croître. Les conséquences, reflétées par les inégalités sociales de santé, ne sont plus à prouver. Elles sont multidimensionnelles. Elles nécessitent, pour y remédier, un accès facilité au soin, une protection sociale juste, des dispositifs dédiés, une approche clinique spécifique, des parcours de soins adaptés.
Évaluer un état de santé est donc indissociable de l’évaluation des conditions de vie et ressources, et de la précarité. La réforme du 2 janvier 2002 de la loi dite « loi sociale » de 1975 stipule d’ailleurs que l’étanchéité entre le social et le sanitaire peut constituer un « frein à l’innovation et l’accompagnement décloisonné de certaines catégories de population ». Or, en France, la précarité, la pauvreté et les typologies de populations touchées ne font que croître. Les conséquences, reflétées par les inégalités sociales de santé, ne sont plus à prouver. Elles sont multidimensionnelles. Elles nécessitent, pour y remédier, un accès facilité au soin, une protection sociale juste, des dispositifs dédiés, une approche clinique spécifique, des parcours de soins adaptés.
Définir les différents types et niveaux de la précarité
La précarité
Du latin « precarius », précaire désigna successivement ce qui est « donné par complaisance, par la prière », ce « qui est incertain » puis qui est « sujet à révocation ». Ces trois regards sont toujours contenus dans son sens actuel : la dépendance à une puissance supérieure limitant l’autonomie, le manque d’assurance en particulier dans le temps, l’instabilité, avec une tolérance qui peut cesser (sens juridique). La force de ce mot est certainement dans son lien avec la temporalité, le Petit Robert définissant la précarité ainsi : « ce dont l’avenir, la durée ne sont pas assurés ». On voit ici que tous les hommes sont précaires, puisque mortels et sans date limite de fin de vie ! On considère ainsi que tous les êtres sont également précaires, mais que leur situation sociale l’est plus ou moins.
En 1987, Joseph Wresinski, père d’ATD Quart Monde, dans son rapport au Conseil économique et social, définit la précarité en tant que « [...] l’absence d’une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l’emploi, permettant aux personnes et aux familles d’assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir de leurs droits fondamentaux ». Il ajoute alors une notion supplémentaire au terme précarité : le manque, l’absence, le « sans » quelque chose de pourtant indispensable à la santé.
Cette définition a été reprise par les Nations unies, dans les travaux sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté. En France, le terme « précaire » va alors supplanter ceux de pauvre, indigent, clochard, exclu, sans domicile fixe qui sont plus restrictifs, et touchent un seul domaine de l’existence sans la notion de temporalité.
On comprend par ces définitions que la précarité est multifactorielle, qu’elle ne correspond pas à une catégorie sociale, et que c’est un phénomène réversible. Pour les sociologues, elle résulte d’un enchaînement d’événements qui fragilisent la situation sociale. La récupération d’une stabilité est incertaine dans un avenir proche. À cela il faut ajouter que la précarité est, dans une certaine mesure, subjective et relative. Subjective par exemple pour un employé en CDI qui perçoit son emploi comme plus ou moins précaire en fonction de son âge ou du plus ou moins plein emploi du pays où il exerce. Relative, puisqu’un intérim ne fragilise pas autant une famille qui vit d’un ou deux revenus. Aussi, ses contours sont flous et d’appréciation complexe.
Les Anglo-Saxons préfèrent à « precariousness » les termes de « poverty » ou de « deprivation ».
En 1987, Joseph Wresinski, père d’ATD Quart Monde, dans son rapport au Conseil économique et social, définit la précarité en tant que « [...] l’absence d’une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l’emploi, permettant aux personnes et aux familles d’assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir de leurs droits fondamentaux ». Il ajoute alors une notion supplémentaire au terme précarité : le manque, l’absence, le « sans » quelque chose de pourtant indispensable à la santé.
Cette définition a été reprise par les Nations unies, dans les travaux sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté. En France, le terme « précaire » va alors supplanter ceux de pauvre, indigent, clochard, exclu, sans domicile fixe qui sont plus restrictifs, et touchent un seul domaine de l’existence sans la notion de temporalité.
On comprend par ces définitions que la précarité est multifactorielle, qu’elle ne correspond pas à une catégorie sociale, et que c’est un phénomène réversible. Pour les sociologues, elle résulte d’un enchaînement d’événements qui fragilisent la situation sociale. La récupération d’une stabilité est incertaine dans un avenir proche. À cela il faut ajouter que la précarité est, dans une certaine mesure, subjective et relative. Subjective par exemple pour un employé en CDI qui perçoit son emploi comme plus ou moins précaire en fonction de son âge ou du plus ou moins plein emploi du pays où il exerce. Relative, puisqu’un intérim ne fragilise pas autant une famille qui vit d’un ou deux revenus. Aussi, ses contours sont flous et d’appréciation complexe.
Les Anglo-Saxons préfèrent à « precariousness » les termes de « poverty » ou de « deprivation ».
Les différents types de précarité
Joseph Wresinski définit la précarité par « l’absence d’une ou plusieurs des sécurités… ». Il existe donc des sécurités indispensables ou des domaines qui solidifient. Selon Wresinski, Townsend ou la charte d’Ottawa, certaines conditions sont nécessaires à la santé : habitat, emploi, ressources financières, alimentation, culture et éducation, accès aux soins mais aussi stabilité de l’écosystème.
L’individu sans logement stable entre dans une spirale infernale : perte ou difficulté à retrouver un emploi, dégradation de son état de santé, souffrance psychique, déstructuration des liens sociaux. Le lien avec l’emploi est franc : éloignement des zones attractives à la recherche de logement à moindre coût, majoration des temps et des coûts des transports pour se rendre sur le lieu de travail.
On distingue les « sans logis » des « mal logés ».
L’absence de logement personnel touche 900 000 personnes qui regroupent ceux qui ne sont pas hébergés, les 140 000 SDF, et ceux en hébergement instable chez des tiers (640 000), ou indignes dit de fortune (squat, campement, cabane, bidonville, locaux impropres à l’habitation : 85 000). Les programmes anglo- saxons « Housing First » ou français « Le logement d’abord » ont prouvé leur efficacité, mais leur mise en œuvre est loin d’avoir abouti.
Les conditions de logement très difficiles le sont par insalubrité, surpeuplement, précarité énergétique. Le froid à domicile touche 3,5 millions de personnes.
L’insécurité du logement peut être liée à un effort financier excessif pour se maintenir dans un logement (5,5 millions), à des impayés de logement (1,2 million), à la non-propriété de son logement, à la menace d’expulsion ou à l’isolement de l’habitat.
Elle fait référence à une carence financière. La pauvreté monétaire est relative dans le temps et l’espace : elle est établie à un moment donné par comparaison avec la population d’une même zone géographique. Est considéré comme pauvre un ménage qui vit au-dessous du seuil de pauvreté. Ce seuil est fixé à 50 % ou à 60 % du niveau de vie médian, qui est le revenu au-dessus et au-dessous duquel vivent 50 % de la population. Il était de 1 797 euros en 2015 (Insee). Il est pondéré en fonction du nombre de parts dans le foyer (unité de consommation). En 2015, pour un seuil respectivement à 50 % et 60 %, le taux de pauvreté en France était estimé par l’Insee à 8,1 % (5 millions) et 14,3 % (9 millions).
La pauvreté peut aussi faire référence au « peu » ou au « manque » de ressources matérielles jugées comme nécessaires telles qu’alimentaires, vestimentaires, culturelles, d’habitat, de chauffage et autres. L’indice de pauvreté en conditions de vie repose sur le cumul de plus de 8 sur 27 des items de privation retenus. En 2013, 12,8 % des ménages étaient pauvres selon cet indice.
Les Anglo-Saxons, les pays en voie de développement et l’ONU parlent de pauvreté absolue par opposition à la relative : elle n’est pas établie par comparaison. Est pauvre celui qui n’a pas les conditions indispensables à sa survie, appelées « panier de biens ». Son seuil est fixé une fois pour toutes (il est normatif), indépendamment des évolutions du niveau de vie de la population. Le plus courant est celui fixé par la Banque mondiale à 1 dollar quotidien de 1995, soit 1,6 dollar (1,30 euro) en 2017. Il est peu utilisé en France.
Les sociologues voient plus large en définissant l’exclusion sociale comme un « processus de cumul de ruptures avec les formes essentielles du lien social : habitat, famille, couple, travail et avec les formes essentielles des modes de vie dominants dans une société donnée » (René Lenoir).
La précarité est alors, en tant que « processus », une réalité sociologique dynamique qui peut aller jusqu’à l’« anomie sociale » (R. Castel).
Si l’exclusion ne peut être considérée comme une maladie, elle ne peut être ignorée dans une prise en charge médicale : l’absence de reconnaissance par la société, voire la non reconnaissance de son existence par la société entraîne une souffrance psychique. Le mal-être social retentit sur l’état psychique et par ricochet sur l’« être organique ».
Chiffrer l’exclusion serait peu commun car cela reviendrait à sélectionner des catégories d’oubliés de la solidarité nationale (personnes âgées isolées ou jeunes déscolarisés, mères célibataires, chômeurs longue durée, les sans logement…).
(tableau 1) .
(v. Focus) .
Si chaque type de précarité a un intérêt clinique et épidémiologique, pour le repérage de personnes fragilisées, il ne faudrait pas oublier que la précarité est avant tout multidimensionnelle.
Précarité d’emploi
En France, le salaire minimum protège de la précarité les travailleurs. Mais la précarité liée à l’emploi reste prégnante. On distingue :- l’absence d’activité professionnelle : en 2017, 9,7 % de la population active est au chômage, soit 2,7 millions de personnes. L’inactivité est d’autant plus déstabilisante qu’elle est durable (4,2 % de la population active) et survient à un âge avancé (6,4 % des plus de 50 ans) ou très jeune (21,9 % des jeunes de moins de 25 ans). Ce taux est plus élevé que dans la plupart des pays européens. L’allocation chômage diminue ses effets mais insuffisamment ;
- l’instabilité de l’emploi : contrat court (intérim, contrat à durée déterminée, temps partiels subis…), secteur en crise ou hyperspécialisé où la mobilité est difficile alors que la flexibilité du travail est de plus en plus la norme ;
- l’instabilité ou l’insuffisance des revenus : phénomène récent des années 2000, on parle de travailleurs pauvres quand les revenus du travail ne permettent pas une vie décente.
Précarité de logement
La raréfaction de l’offre, la progression du coût du logement auxquelles s’ajoutent les exigences des bailleurs expliquent pour partie l’aggravation incessante de la crise du logement. En 2017, 15 millions de personnes sont considérées en fragilité de logement dont 4 millions de personnes « mal logées » (Fondation Abbé Pierre). Le logement est, de tous et de loin, le facteur le plus déstabilisant.L’individu sans logement stable entre dans une spirale infernale : perte ou difficulté à retrouver un emploi, dégradation de son état de santé, souffrance psychique, déstructuration des liens sociaux. Le lien avec l’emploi est franc : éloignement des zones attractives à la recherche de logement à moindre coût, majoration des temps et des coûts des transports pour se rendre sur le lieu de travail.
On distingue les « sans logis » des « mal logés ».
L’absence de logement personnel touche 900 000 personnes qui regroupent ceux qui ne sont pas hébergés, les 140 000 SDF, et ceux en hébergement instable chez des tiers (640 000), ou indignes dit de fortune (squat, campement, cabane, bidonville, locaux impropres à l’habitation : 85 000). Les programmes anglo- saxons « Housing First » ou français « Le logement d’abord » ont prouvé leur efficacité, mais leur mise en œuvre est loin d’avoir abouti.
Les conditions de logement très difficiles le sont par insalubrité, surpeuplement, précarité énergétique. Le froid à domicile touche 3,5 millions de personnes.
L’insécurité du logement peut être liée à un effort financier excessif pour se maintenir dans un logement (5,5 millions), à des impayés de logement (1,2 million), à la non-propriété de son logement, à la menace d’expulsion ou à l’isolement de l’habitat.
Précarité financière et pauvreté
La pauvreté est l’état d’une personne qui manque de moyens matériels, de ressources pour mener une vie décente.Elle fait référence à une carence financière. La pauvreté monétaire est relative dans le temps et l’espace : elle est établie à un moment donné par comparaison avec la population d’une même zone géographique. Est considéré comme pauvre un ménage qui vit au-dessous du seuil de pauvreté. Ce seuil est fixé à 50 % ou à 60 % du niveau de vie médian, qui est le revenu au-dessus et au-dessous duquel vivent 50 % de la population. Il était de 1 797 euros en 2015 (Insee). Il est pondéré en fonction du nombre de parts dans le foyer (unité de consommation). En 2015, pour un seuil respectivement à 50 % et 60 %, le taux de pauvreté en France était estimé par l’Insee à 8,1 % (5 millions) et 14,3 % (9 millions).
La pauvreté peut aussi faire référence au « peu » ou au « manque » de ressources matérielles jugées comme nécessaires telles qu’alimentaires, vestimentaires, culturelles, d’habitat, de chauffage et autres. L’indice de pauvreté en conditions de vie repose sur le cumul de plus de 8 sur 27 des items de privation retenus. En 2013, 12,8 % des ménages étaient pauvres selon cet indice.
Les Anglo-Saxons, les pays en voie de développement et l’ONU parlent de pauvreté absolue par opposition à la relative : elle n’est pas établie par comparaison. Est pauvre celui qui n’a pas les conditions indispensables à sa survie, appelées « panier de biens ». Son seuil est fixé une fois pour toutes (il est normatif), indépendamment des évolutions du niveau de vie de la population. Le plus courant est celui fixé par la Banque mondiale à 1 dollar quotidien de 1995, soit 1,6 dollar (1,30 euro) en 2017. Il est peu utilisé en France.
(Précarité ou) insécurité alimentaire
Conséquences de ressources financières insuffisantes, l’insécurité alimentaire est un accès restreint en quantité ou en qualité à l’alimentation. Bien qu’elle se recoupe avec la précarité financière, elle permet de repérer aisément ceux qui sont « border line ». Peu utilisée en épidémiologie, elle est très utile en soin. Les femmes et les célibataires sont particulièrement touchés. Les premiers aliments limités sont la viande, le poisson, les fruits et légumes frais. Elle concerne environ 11 % des Français (Insee 2012, Anses 2006). Les actions des associations limitent l’insécurité alimentaire, qui est donc probablement sous-évaluée. En 2013, il y avait près de 4 millions d’usagers de services d’aide alimentaire (6 % de la population).Précarité relationnelle, affective ou des liens sociaux
La précarité relationnelle est définie par l’instabilité, l’appauvrissement voire l’abolition des relations avec les autres hommes, tant sur le plan des affects donnés que reçus. Elle peut toucher les relations familiales, extrafamiliales (dits liens de participations électives ou organiques : relations amicales, professionnelles, commerciales, de voisinage, professionnelles…) ou citoyennes. Elle peut être la cause ou la conséquence des autres types de précarité, particulièrement de maladies physiques et encore plus psychiques, de l’absence de logement stable ou de l’instabilité voire de l’absence d’activité professionnelle. Elle limite l’intégration sociale et aboutit à l’isolement. Elle alimente le phénomène d’exclusion, la personne isolée perd sa reconnaissance par la société, sa complémentarité.Exclusion et précarité sociale
Les exclus sont ceux qui ne sont pas acceptés, pas admis dans un groupe ou une situation (Petit Robert). Ils sont mis de côté, à part, marginalisés, oubliés. Dans sa forme la plus restreinte, juridique, ils désignent les exclus des droits, soient les sans-papier, les illégaux.Les sociologues voient plus large en définissant l’exclusion sociale comme un « processus de cumul de ruptures avec les formes essentielles du lien social : habitat, famille, couple, travail et avec les formes essentielles des modes de vie dominants dans une société donnée » (René Lenoir).
La précarité est alors, en tant que « processus », une réalité sociologique dynamique qui peut aller jusqu’à l’« anomie sociale » (R. Castel).
Si l’exclusion ne peut être considérée comme une maladie, elle ne peut être ignorée dans une prise en charge médicale : l’absence de reconnaissance par la société, voire la non reconnaissance de son existence par la société entraîne une souffrance psychique. Le mal-être social retentit sur l’état psychique et par ricochet sur l’« être organique ».
Chiffrer l’exclusion serait peu commun car cela reviendrait à sélectionner des catégories d’oubliés de la solidarité nationale (personnes âgées isolées ou jeunes déscolarisés, mères célibataires, chômeurs longue durée, les sans logement…).
Précarité par non-accès aux soins de santé
L’absence ou la limitation d’accès aux soins constitue des facteurs de précarité : ils sont source de détérioration de la santé, et de vulnérabilité. La couverture maladie en est un refletAutres types de précarité
Ils sont nombreux, tels que le non-accès à l’éducation, à la scolarité, à la culture, la vie dans une société instable (pays en guerre, instabilité politique ou économique) mais aussi une situation administrative irrégulièreSi chaque type de précarité a un intérêt clinique et épidémiologique, pour le repérage de personnes fragilisées, il ne faudrait pas oublier que la précarité est avant tout multidimensionnelle.
Niveaux de précarité, degré de précarité = gradient social lié à la précarité
Dans son rapport, Joseph Wresinski écrit à propos de la précarité : « L’insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives ». Il laisse ainsi entendre qu’il y aurait des degrés ou des stades de précarité.
En effet, ce n’est pas la même chose d’être sans logis ou mal logé, sans travail depuis des années ou au chômage depuis quelques semaines. Un seul critère ne permet pas d’évaluer le degré de précarité. Il faut une approche multidimensionnelle englobant la santé, le logement, l’emploi, les diplômes, la protection sociale, les loisirs, la culture, les liens sociaux, la situation financière, etc.
En effet, ce n’est pas la même chose d’être sans logis ou mal logé, sans travail depuis des années ou au chômage depuis quelques semaines. Un seul critère ne permet pas d’évaluer le degré de précarité. Il faut une approche multidimensionnelle englobant la santé, le logement, l’emploi, les diplômes, la protection sociale, les loisirs, la culture, les liens sociaux, la situation financière, etc.
Évaluer la situation de précarité
Au-delà des types précédemment abordés, la précarité sociale peut être évaluée au niveau individuel ou collectif dit populationnel.
Score EPICES (tableau 2)
En 1998, le Centre technique d’appui et de formation des centres d’examens de santé (CETAF) cherche à repérer les personnes les plus à risque de problèmes de santé en raison de leur situation sociale. Le but final est de réduire les inégalités sociales de santé en proposant des examens systématiques aux plus fragiles. Pour cela, il établit un score individuel, le score Epices, pour Evaluation de la Précarité et des Inégalités de santé dans les Centres d’Examens de Santé). Il permet de repérer des individus à risques de problèmes de santé, avec une relation dose.
Critères socio-administratifs de reconnaissance de droits sociaux
L’évaluation se fait ici selon le repérage de catégories cibles, se rapprochant par là des types de précarité.
On retient alors :
On retient alors :
- les minima sociaux pour la précarité en lien avec la situation financière, l’emploi, l’âge, le handicap, ou la situation administrative
(tableau 3) ;
- l’AME, la CMUc, l’ACS, l’absence de complémentaire santé ou de couverture maladie pour la précarité d’accès aux soins
(tableau 1).
Évaluation de la précarité par zone géographique ou mesure contextuelle
D’autres proposent une évaluation reposant sur les caractéristiques de la population d’un bassin géographique. On parle d’indicateurs écologiques de défaveur. Ils s’appuient sur des bases de données existantes pour une zone géographique définie, sans tenir compte des données individuelles. Les indicateurs anglo- saxons retenus (indices de Carstairs et Townsend, Pampalon) sont le taux de chômeurs, de logements surpeuplés, de ménages sans voiture, d’ouvriers, de non-propriétaires. Ils semblent extrapolables en partie en France.
Il est cependant préférable d’utiliser ces deux types d’évaluation ensemble. On peut être défavorisé tout en vivant dans une zone qui ne l’est pas. De plus, défavorisée ou non, toute personne est influencée par le contexte social environnant.
Il est cependant préférable d’utiliser ces deux types d’évaluation ensemble. On peut être défavorisé tout en vivant dans une zone qui ne l’est pas. De plus, défavorisée ou non, toute personne est influencée par le contexte social environnant.
Facteurs de risque de la précarité
Tout événement qui déstabilise une situation fragile peut faire basculer dans la précarité. On retient en particulier :
. la découverte ou la décompensation de troubles et maladies psychiatriques ;
. les addictions.
Ces pathologies peuvent être à la source de difficultés d’insertion, de perte d’emploi ou nécessiter une reconversion professionnelle, engendrer une baisse de revenu, un isolement, une exclusion ;
- des facteurs sanitaires :
. la découverte ou la décompensation de troubles et maladies psychiatriques ;
. les addictions.
Ces pathologies peuvent être à la source de difficultés d’insertion, de perte d’emploi ou nécessiter une reconversion professionnelle, engendrer une baisse de revenu, un isolement, une exclusion ;
- des facteurs sociaux : emploi (perte et type de contrat), logement, famille, situation administrative…
Dispositifs
Pour répondre aux défis de la précarité, la France s’est dotée d’outils spécifiques sous-tendus par des lois.
Prestations sociales (ou transferts sociaux)
Ce sont des versements, en nature ou en espèces, qui sont transférés d’organismes publics (deux tiers par la Sécurité sociale) à des individus ou des familles. Elles correspondent à une redistribution de l’argent de l’État collecté par les impôts (34 % du PIB, 746,6 milliards d’euros en 2016). Elles couvrent des dépenses de « protection de la personne » contre 6 risques :
(tableau 3) , les couvertures maladie (tableau 1) , les maladies professionnelles, indemnités journalières pour maternité, arrêts maladie et accidents de travail, les soins aux femmes enceintes et les différentes prestations familiales (allocations familiales, aides à la garde d’enfant), les dépenses de loyer ou de remboursement d’emprunt.
- 1. vieillesse et survie (45,6 % du volume financier des prestations) ;
- 2. maladie (34,9 %) ;
- 3. maternité et famille (7,7 %) ;
- 4. perte d’emploi et difficultés d’insertion professionnelle (6,2 %) ;
- 5. pauvreté et exclusion (3 %) ;
- 6. absence de logement (2,6 %).
Lieux (tableau 4)
Bien que tous les soignants et tous les lieux de soins soient implicitement associés à la lutte contre les inégalités sociales de santé, certains sont plus impliqués et méritent d’être connus :
- les médecins généralistes, par leur rôle de coordinateurs, et leur connaissance du milieu de vie de leurs patients ;
- les hôpitaux publics et semi-publics, les centres de santé, les centre médico-sociaux, par les missions spécifiques qui leur sont confiées par l’État et leur tarification en secteur 1 ;
- les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) ;
- les lits halte soins santé (LHSS) ;
- les lits d’accueil médicalisés (LAM) ;
- les centres médicaux psychologiques (CMP), et plus spécialement les équipes mobiles psychiatrie-précarité (EMPP) ;
- les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, les centres de soin et d’accompagnement et de prévention en addictologie ;
- les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic : la gratuité de leur offre de dépistage, d’information et de soins les rend plus spécifiquement au service de personnes plus fragiles ;
- les associations institutionnelles à but non lucratif, les organisations caritatives, les groupements d’intérêts généraux (GIP). Citons Emmaüs, Médecins du monde, Médecins sans frontières, le Samu social, les Restos du cœur, ATD Quart Monde, la Croix-Rouge...
Évaluer la situation médicale psychologique et sociale
Interrogatoire (tableau 5)
Capital, il faut y consacrer suffisamment de temps. Outre les questions portant sur la plainte du patient, il s’attache à repérer la fragilité des conditions de vie, égrenant alors les domaines suscités. Il comporte un volet dépistage et prévention. Il recherche une souffrance psychique.
Parmi les différents items sociaux à interroger, citons :
Concernant le dépistage et la prévention, le médecin aborde particulièrement :
Parmi les différents items sociaux à interroger, citons :
- le logement : le patient bénéficie d’un logement ou d’un hébergement ? Est-il stable ? S’il n’a pas de logement personnel, bénéficie-t-il d’une domiciliation (l'adresse postale est indispensable aux démarches administratives) ? Le chauffage est-il fonctionnel, un réfrigérateur est-il accessible, les sanitaires sont-ils dans le logement, sur le palier, personnels ou collectifs, a-t-il un matelas ? ;
- les ressources financières : sont-elles suffisantes pour assurer le minimum requis de la vie quotidienne ? ;
- la couverture médicale est-elle assurée ? avec ou sans complémentaire ? ;
- l’alimentation : est-elle restreinte en quantité ? qualité ? ;
- l’emploi : Le patient travaille-t-il ? En CDD ou CDI ? Légalement ou illégalement ? À temps partiel ou complet ? Dans un secteur en crise ? Est-il éloigné de sa résidence ? ;
- les autres activités : participation à des activités sportives, culturelles ou autres ? ;
- l’isolement : le patient vit-il seul ? La famille est-elle un soutien ? Sinon, le patient peut-il s’appuyer en cas de difficultés sur un relais associatif, amical ou autre ? Les antécédents sociaux sont recherchés, en particulier l’existence de rupture et de conflits ;
- pour les étrangers : la situation administrative est-elle régulière ? Des démarches sont-elles en cours ? Le parcours migratoire comporte-t-il des facteurs traumatiques ? Le motif de venue en France est-il en lien avec une souffrance au pays ou dans une quête précise ? Cette quête est-elle en voie d’aboutir ou dans une impasse ?
Concernant le dépistage et la prévention, le médecin aborde particulièrement :
- le statut vaccinal ;
- le frottis cervico-vaginal, le dépistage du cancer colorectal, du sein et de la prostate et l’exposition solaire ;
- la consommation de tabac, alcool et cannabis et autres ;
- la contraception ;
- les rapports sexuels à risque, les expositions aux VIH, VHB, VHC, syphilis ;
- les expositions au plomb, au CO, à l’amiante ;
- la toux chronique, les crachats hémoptoïques, les sueurs nocturnes, l'altération de l’état général (tuberculose) ;
- les violences subies ou reçues, la maltraitance.
Examen clinique
Il est plus systématique et opportuniste. Il saisit l’occasion d’un dépistage et de prévention : pression artérielle, poids, auscultation cardiaque et pulmonaire, examen gynécologique, des nævi, des aires ganglionnaires, des pieds (cors, mycose et dyshidrose), des dents et de l’acuité visuelle.
Examens paracliniques
Ils seront guidés par l’interrogatoire et le motif de consultation en saisissant l’occasion d’un dépistage adapté et personnalisé : VIH, VHB, VHC, syphilis, PCR urinaire chlamydia, mycoplasme et gonocoque, glycémie, bilan lipidique, bandelette urinaire (recherche d’hématurie chez les migrants), hémogramme et ferritine (anémie par carence martiale, hyperéosinophile chez les migrants), bêta-hCG, radiographie thoracique.
L’évaluation de la situation sociale doit permettre au médecin de repérer ce qui fragilise le patient et peut nécessiter une adaptation des soins sans pour autant en diminuer la qualité.
L’évaluation de la situation sociale doit permettre au médecin de repérer ce qui fragilise le patient et peut nécessiter une adaptation des soins sans pour autant en diminuer la qualité.
Comorbidités associées à la précarité
Ainsi la précarité, quelle que soit sa nature, est associée à un risque accru de morbidité et de mortalité précoce et à une moindre prévention. Si certaines pathologies ont une prévalence supérieure, il n’y a pas pour autant de maladie spécifique de la précarité. Le concept d’inégalité sociale de santé est étudié depuis le XIXe siècle : « plus on est pauvre, moins on est en bonne santé » (OMS). Il existe effectivement des déterminants sociaux selon lesquels on a plus ou moins de risque de développer telle ou telle maladie. On parle de gradient social de santé, partant des catégories sociales les plus aisées aux plus défavorisées. Il est par exemple démontré que l’espérance de vie d’un ouvrier est moins élevée que celle d’un cadre.
Précarité et nutrition
La malnutrition est une des principales conséquences de la précarité ayant un retentissement sur la santé.
Si en France l’accès à l’eau potable n’est pas un problème, on rencontre les situations suivantes : carences en fer, en vitamine B12 et dénutrition protéique (alimentation peu carnée) ; carence en folates (légumes verts). Ces situations peuvent aboutir à des anémies, parfois profondes. Quelques cas de scorbut sont même décrits (fruits et légumes).
À l’inverse, l’obésité est prégnante dans les populations pauvres, avec son lot de complications, en premier lieu les dyslipidémies, l’hypertension et le diabète.
Si en France l’accès à l’eau potable n’est pas un problème, on rencontre les situations suivantes : carences en fer, en vitamine B12 et dénutrition protéique (alimentation peu carnée) ; carence en folates (légumes verts). Ces situations peuvent aboutir à des anémies, parfois profondes. Quelques cas de scorbut sont même décrits (fruits et légumes).
À l’inverse, l’obésité est prégnante dans les populations pauvres, avec son lot de complications, en premier lieu les dyslipidémies, l’hypertension et le diabète.
Précarité et maladies cardiovasculaires
Il est largement établi que la précarité peut augmenter le risque de survenue d’un événement cardiovasculaire et particulièrement :
- la malnutrition (difficultés d’accès à certains produits alimentaires pour des raisons financières, alimentation grasse et déséquilibrée) pouvant entraîner une obésité ou favoriser l’apparition d’un désordre métabolique de type dyslipidémie ou diabète ;
- le tabac, le stress, l’alcool ;
- les difficultés d’accès à une activité physique régulière (coût d’inscription, équipements, tenues vestimentaires...).
Précarité et addiction
L’addiction peut être un facteur de risque d’entrée dans la précarité par désocialisation, perte d’emploi, conflits familiaux, troubles du comportement (agressivité, repli sur soi, troubles psychiatriques).
L’addiction peut aussi être favorisée par la situation de précarité en elle-même (désœuvrement, recherche de sensations positives) en tant que moyen pour échapper aux difficultés quotidiennes.
L’addiction peut aussi être favorisée par la situation de précarité en elle-même (désœuvrement, recherche de sensations positives) en tant que moyen pour échapper aux difficultés quotidiennes.
Précarité et cancer
Le tabagisme et la consommation d’alcool sont plus répandues chez les personnes en situation de précarité. De plus, les campagnes de prévention et de dépistage ont moins d’impact sur cette population. Il existe donc un risque plus important de développer certains cancers (cancers liés au tabac, à l’alcool, expositions à divers toxiques...) et que ces cancers soient diagnostiqués à un stade avancé.
Précarité et dermatologie
On retrouve plus souvent certaines dermatoses infectieuses : gale, pédiculose, plaie surinfectée.
Précarité et affections psychiatriques
Le lien entre précarité et troubles mentaux est reconnu.
Le trouble le plus rencontré est la dépression, mais sont aussi fréquemment rencontrés : troubles psychotiques, troubles anxieux, troubles du sommeil, consommation excessive de benzodiazépines. Chez les migrants, les psychotraumatismes sont prégnants. En dehors de ces pathologies, une grande souffrance psychologique est souvent ressentie : sensation d’isolement, découragement.
Le trouble le plus rencontré est la dépression, mais sont aussi fréquemment rencontrés : troubles psychotiques, troubles anxieux, troubles du sommeil, consommation excessive de benzodiazépines. Chez les migrants, les psychotraumatismes sont prégnants. En dehors de ces pathologies, une grande souffrance psychologique est souvent ressentie : sensation d’isolement, découragement.
Précarité et gynécologie
La précarité est un frein à l’accès aux soins, particulièrement pour le suivi gynécologique.
Les femmes démunies réalisent moins le frottis cervico-utérin et la mammographie. Il existe donc un risque plus élevé de découverte de lésions cancéreuses à un stade avancé.
La contraception est aussi à considérer : le manque d’éducation, et d’observance augmentent les risques de grossesse non désirées dans des situations sociales déjà compliquées.
Les grossesses sont plus souvent insuffisamment suivies. Il est nécessaire de rappeler l’importance des consultations et des examens de suivi auprès de ces patientes.
Les femmes démunies réalisent moins le frottis cervico-utérin et la mammographie. Il existe donc un risque plus élevé de découverte de lésions cancéreuses à un stade avancé.
La contraception est aussi à considérer : le manque d’éducation, et d’observance augmentent les risques de grossesse non désirées dans des situations sociales déjà compliquées.
Les grossesses sont plus souvent insuffisamment suivies. Il est nécessaire de rappeler l’importance des consultations et des examens de suivi auprès de ces patientes.
Précarité et infectiologie
Il existe une prévalence élevée d’infections par le VIH et les hépatites B et C (toxicomanie, conduites à risque, migrants...).
La tuberculose, qui reste avant tout une maladie de la pauvreté, est plus fréquemment retrouvée, en particulier chez les migrants, en milieu carcéral, dans les centres d’hébergement et chez les SDF.
En cas de pneumopathie aiguë communautaire, l’insalubrité, l’isolement, l’absence de domicile sont des facteurs de risque vers une évolution grave et peuvent justifier une hospitalisation.
Enfin, en cas de plaie (traumatique, ulcère...), en raison des conditions d’hygiène, une surinfection bactérienne est plus souvent observée.
La tuberculose, qui reste avant tout une maladie de la pauvreté, est plus fréquemment retrouvée, en particulier chez les migrants, en milieu carcéral, dans les centres d’hébergement et chez les SDF.
En cas de pneumopathie aiguë communautaire, l’insalubrité, l’isolement, l’absence de domicile sont des facteurs de risque vers une évolution grave et peuvent justifier une hospitalisation.
Enfin, en cas de plaie (traumatique, ulcère...), en raison des conditions d’hygiène, une surinfection bactérienne est plus souvent observée.
Précarité et ophtalmologie/ORL/stomatologie
De nombreux patients ont des difficultés d’accès financier à ces spécialités où le secteur 2 est fréquent, aux lunettes, aux prothèses auditives et dentaires mal remboursées.
Précarité et grand âge
Le sujet âgé est d’autant plus fragile qu’il est en situation de précarité : le maintien de l’autonomie et de la qualité de vie sont complexes.
Précarité chez l’enfant
La précarité des parents retentit sur leurs enfants :
- le taux de prématurité et d’hypotrophie néonatale est plus important ;
- le risque d’obésité est supérieur ;
- l’état buccodentaire est plus souvent détérioré ;
- le taux de couverture vaccinale est plus faible.•
Points forts
Sujets en situation de précarité
Il existe des déterminants sociaux de santé. Chez les sujets en situation de précarité, il y a une plus grande prévalence de certaines pathologies. Intégrer la précarité dans la prise en charge des patients est un enjeu de santé publique mais aussi un enjeu éthique et humain. Repérer les situations de précarité est un temps essentiel de la consultation. La prise en charge des patients en situation de précarité doit être pluridisciplinaire et doit faire appel, si nécessaire, aux dispositifs spécifiques.
Dans cet article
- Définir les différents types et niveaux de la précarité
- Niveaux de précarité, degré de précarité = gradient social lié à la précarité
- Évaluer la situation de précarité
- Facteurs de risque de la précarité
- Dispositifs
- Évaluer la situation médicale psychologique et sociale
- Comorbidités associées à la précarité