Sont donc exclues les surdités de perception d’apparition brutale dont la cause est évidente (exemple : traumatisme crânien, labyrinthite compliquant une otite moyenne aiguë [OMA]…) ainsi que les atteintes fluctuantes (installation lente, évolution marquée par des périodes d’aggravation et d’amélioration).
Le diagnostic n’est pas réservé à l’ORL,puisqu’il est fondé sur l’anamnèse, des tests simples au diapason : Weber latéralisé du côté sain, Rinne positif (encadré 1 et tableau) ; une otoscopie : tympan inchangé, sans bouchon de cérumen, corps étranger ni OMA. Il est confirmé par l’ORL qui pratique une audiométrie.
D’un point de vue épidémiologique,cette affection atteint plutôt l’adulte (bien qu’elle puisse survenir à tout âge, avec un léger pic vers la soixantaine). Son incidence mal connue varierait aux alentours de 5-20 pour 100 000 personnes-années (soit entre 3 250 et 13 000 cas annuels en France).
Un diagnostic d’élimination
Infections : labyrinthite survenant après une OMA, otosyphilis (pouvant mimer à l’identique une maladie de Menière) chez un sujet immunocompétent ou compliquant un sida, maladie de Lyme…
Médicaments :gouttes auriculaires ototoxiques (néomycine, tobramycine, gentamycine, irréversible), antibiothérapie par aminosides (idem), diurétiques de l’anse (réversible), quinine (généralement réversible), AINS (idem), chimiothérapie avec cisplatine (irréversible, atteignant 25 à 86 % des malades traités, à des degrés très variables).1
Néphropathies :insuffisance rénale chronique dialysée ou transplantée (environ 15 % des patients dialysés ou transplantés), probablement secondaire à une altération vasculaire importante.
Sonotraumatisme :l’exposition aiguë (concert) ou chronique (ouvrier dans le bâtiment maniant un marteau-piqueur) expose à une hypoacousie de perception uni- ou bilatérale.
Neurologiques :migraine basilaire (80 % de surdité associée), AVC vertébro-basilaire (impliquant l’artère cérébelleuse antéro-inférieure, surdité rarement isolée : instabilité, parésie faciale, hypoesthésie).
Pathologies hématologiques : celles augmentant le risque thrombo-embolique peuvent être à l’origine d’épisodes ischémiques labyrinthiques mimant une surdité brusque, tels que les maladies de Vaquez, Waldenström, cryoglobulinémie, leucémies…
Auto-immunes : la plupart des principales maladies systémiques avec auto-anticorps (lupus, Wegener, syndrome de Cogan…).
Tumorales : neurinome de la VIIIe paire crânienne (schwannome) essentiellement. Néanmoins, ces causes sont très rares.
La surdité psychogène principalement observée chez l’enfant représenterait 1 à 3 % des hypoacousies brusques dans cette population.2 Elle touche surtout des filles, entre 8 et 13 ans, anxieuses, dont l’intelligence est normale à supérieure. Il ne s’agit pas forcément d’une simulation, mais parfois d’une conversion hystérique.
Après avoir évoqué ces causes potentielles et fait une anamnèse orientée, on prescrit un bilan biologique et une IRM (encadré 2). En revanche, sauf suspicion forte de pathologie sous-jacente contre-indiquant une corticothérapie (ex : syphilis, possibilité d’anguillulose chez les patients vivant dans les départements-régions d’outre-mer…), il n’est pas nécessaire d’attendre les résultats du bilan pour débuter un traitement.
Pistes physiopathologiques
Que faire une fois le diagnostic posé ?
2 Quelles explorations demander ?
Bilan sanguin (dès le diagnostic suspecté) : NFS, CRP ; sérologies : VIH, TPHA-VDRL Lyme ; ionogramme, urée, créatinine ; glycémie à jeun, exploration lipidique.
à discuter : recherche de FAN (facteurs anti-nucléaires) et d’ANCA (anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles), électrophorèse des protides plasmatiques, recherche de cryoglobulinémie.
Consultation ORL avec audiogramme (dans les 3 jours).
IRM du conduit auditif interne + fosse postérieure + labyrinthe, sans urgence (dans les 3 mois), sauf signe neurologique associé.
Pas d’imagerie en urgence. Scanner si suspicion de pathologie aiguë de la fosse postérieure et si IRM indisponible (40 % de faux négatif).
Que dire à vos patients
éviter les traumatismes sonores et les environnements très bruyants (discothèques). Ouvriers du bâtiment, musiciens, travailleurs sur les tarmacs d’aéroports… peuvent bénéficier d’un arrêt de travail si nécessaire.
Proscrire les médicaments toxiques pour l’oreille, à vie : aminosides, sels de platine…
L’appareillage auditif est un traitement palliatif, de deuxième intention.
Le pronostic dépend de la sévérité de la baisse auditive, de l’aspect de la courbe de l’audiogramme et de l’âge.
Le délai de prise en charge n’influence que peu la récupération.
2. Schmidt CM, Zehnhoff-Dinnesen A, Deuster D. [Nonorganic (functional) hearing loss in children]. HNO 2013;61:136-41.
3. Flint PW, et al. Cummings Otolaryngology Head and Neck Surgery, 6th ed. Philadelphia: Elsevier Saunders; 2015.
4. Mosnier I, et al. Treatments of idiopathic sudden sensorineural hearing loss: retrospective study of 144 cases. Rev Laryngol Otol Rhinol (Bord) 1998; 119:119-28.
5. Tran Ba Huy P, et al. La surdité brusque idiopathique n’est pas, aujourd’hui, une urgence sensorielle. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 2007; 124:66-71.