Les surdités congénitales moyennes à profondes (tableau) concernent 1 nouveau-né sur 1 000. Le plus souvent isolées, elles ne sont pas repérables dans les premiers mois de vie, hors dépistage systématique. La majorité sont d’origine génétique, mais le cytomégalovirus (CMV) est une cause fréquente et sous-évaluée. Les facteurs de risque (encadré 1) ne sont retrouvés que chez la moitié des nourrissons diagnostiqués : ils ne peuvent pas être des critères de sélection pour un dépistage.1
Le principal signe évocateur est le retard de langage (intimement lié à l’audition) mais cet élément clinique est très tardif. Le retentissement des surdités congénitales sur le développement de l’enfant dépend du moment de survenue, de l’importance du déficit et de la précocité de la réhabilitation. Chez un nourrisson, les domaines perceptif et linguistique sont impactés, mais aussi la dimension affective, relationnelle, scolaire, sociale…2-4 Le cortex auditif a une fenêtre de sensibilité maximale à la stimulation dans les premiers mois de vie. Une prise en charge précoce a donc pour but d’optimiser l’efficacité de la réhabilitation sur l’organisation du système auditif et le développement du langage.
Certaines formes congénitales légères ou d’aggravation secondaire ne peuvent pas être repérées en maternité. Ainsi, le dépistage doit être proposé à tout moment en cas de doute sur l’audition de l’enfant et lors des bilans prévus dans la petite enfance (cf. carnet de santé/ dépistage scolaire).

Quels tests ?

Le dépistage universel est systématisé en France depuis 2012 (Journal Officiel du 23 avril 2012). Organisé par les agences régionales de santé (ARS), un cahier des charges national en indique les modalités pratiques. Depuis, l’âge moyen au diagnostic est passé de 16,6 à 3,9 mois et celui de l’appareillage de 19,3 à 9,3 mois.2, 3
Les outils, faciles à utiliser, donnent une réponse binaire (pass : résultat négatif, pas de déficience ; refer : résultat positif, refaire le test), mais ne permettent pas de poser le diagnostic.
Les oto-émissions acoustiques provoquées (OEAP) sont des émissions sonores produites par la contraction des cellules ciliées externes (donc par l’oreille interne) en réponse à une stimulation calibrée à 35 dB, limite de la surdité légère (les clics sont émis par une sonde placée dans le conduit auditif externe). Le taux de faux positifs (absence d’OEAP alors que l’audition est normale) est de 3-8 % au premier test.5 Celui de faux négatif (résultat normal alors que l’enfant est sourd) est de 0,01 à 0,2 % en fonction des facteurs de risque (ce test ne détecte ni les neuropathies auditives ni les atteintes rétrocochléaires).
Les potentiels évoqués auditifs automatisés (PEAA) témoignent de l’activité électrique des voies auditives jusqu’aux premiers relais du tronc cérébral en réponse à une stimulation sonore aiguë de 35 dB (2 000-4 000 Hz). L’appareil est constitué de boîtier + écouteurs + électrodes cutanées. Taux de faux positifs : de 0,2 à 0,8 % ;5, 6 pas de faux négatif. C’est le test à choisir pour les enfants à risque, dans les maternités de niveau 3, les services de néonatalogie et de réanimation.
En maternité, le discours doit être très clair : les parents sont informés d’emblée qu’il s’agit d’un repérage et que l’audition sera peut-être à évaluer à distance.3 Le plus souvent, le re-test est normal : sur 1 000 bébés, 10 seront à contrôler, et 1 seul aura une perte auditive réelle.2, 7

Trois étapes

Première étape, le dépistage en maternité, réalisé par OEAP ou PEAA :
– si le test est satisfaisant des 2 côtés, les parents sont rassurés sur l’audition de leur enfant ;
– s’il est anormal des 2 côtés, le nouveau- né doit être revu et testé à nouveau en étape 2 ;
– s’il est normal d’un seul côté et s’il n’y a pas de facteur de risque : pas de contrôle systématique, on rassure les parents sur l’audition globale de leur enfant (il faut cependant rester vigilant au développement du langage) ;
en cas de facteur de risque : on donne un rendez-vous de contrôle (étape 2).
Deuxième étape. Elle a lieu hors maternité dans un réseau de soins : ORL, centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP) ou centre hospitalier de proximité. Les tests sont généralement les mêmes, mais des outils plus précis sont parfois disponibles dans les centres. Si le résultat est anormal, l’enfant est adressé au centre de diagnostic et d’orientation de la surdité (CDOS) pour confirmer le diagnostic. Dans certaines régions, les acteurs de l’étape 2 peuvent prendre en charge les surdités moyennes.
Troisième étape. Dans le CDOS référent, les bilans électrophysiologiques et étiologiques sont réalisés pour confirmer le diagnostic et, en cas de surdité, préciser le type d’atteinte auditive (transmission, perception, mixte) et le degré (de léger à profond). Prise en charge et suivi sont organisés. à noter que certaines atteintes syndromiques nécessitent une surveillance spécifique.6, 8

Respecter le choix des parents

Chaque enfant sourd et sa famille bénéficient d’un projet individuel.4 Selon les recommandations de la HAS, 2 options sont envisageables : communication orale ou mixte orale et gestuelle (appareillage auditif/implant cochléaire) ou uniquement gestuelle (pas d’appareillage).4
Lors du dépistage, les surdités se répartissent ainsi : moyennes dans 50 % des cas, sévères dans 20 % et profondes (30 %).7 Le plus souvent, les parents sont demandeurs d’un projet oraliste et l’enfant sera appareillé.
Pour les formes sévères à profondes, un appareillage auditif en contour d’oreille est proposé dès l’âge de 3 à 4 mois ; une rééducation orthophonique est associée, le plus souvent au sein d’un centre de soins (mais une prise en charge en ville est possible). Une implantation cochléaire est envisageable en cas de surdité profonde confirmée après 7 mois de vie ; 70 % des enfants implantés auraient une scolarité identique à celle de leurs pairs entendants.
Dans les surdités moyennes, on propose des contours d’oreille, dès le diag- nostic affirmé, en pratique autour des 6 mois. La prise en charge orthophonique est le plus souvent réalisée en ville. Il est parfois assez long de distinguer une surdité permanente d’une secondaire (et transitoire) à un épanchement rétrotympanique (otite séromuqueuse).
C’est dans ce groupe que l’on compte le nombre le plus élevé de pseudo-normalisation de l’audition dans les premiers mois de vie (25 %) mais aussi une forte proportion de perdus de vus (25 %).7
Les surdités légères ne sont repérées qu’en partie par le dépistage néonatal, car le seuil des tests est à 35 dB ; diag- nostic et appareillage auditif sont donc généralement plus tardifs.

Accompagnements

Dès l’annonce du diagnostic, l’équipe médicale et paramédicale se mobilise afin d’accompagner au mieux l’enfant et sa famille.2 Un suivi psychologique ponctuel ou longitudinal est proposé.
Ces enfants sont à risque de retard psychomoteur, soit par atteinte vestibulaire souvent associée (syndrome CHARGE, CMV…), soit en raison de l’agent causal de la surdité. Une prise en charge adaptée est alors nécessaire, au sein d’un centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP) ou d’un service d’accompagnement familial et d’éducation précoce (SAFEP).
Il faut aussi aider les familles dans les démarches administratives : prise des rendez-vous auprès des différents professionnels (coordonnées des centres de soins, orthophonistes, audioprothésistes), prise en charge à 100 %, documents MDPH (maison départementale pour les personnes handicapées).
On conseille de remettre aux parents une plaquette d’information sur la surdité, les coordonnées des associations, une liste des ouvrages de référence accessibles sur internet (cf. Pour en savoir plus).
Encadre

1. Facteurs de risque et causes de surdité

Prématurité, PN < 1 500 g, anoxie néonatale (Apgar < 4 à 1 min, < 7 à 5 min), ventilation assistée pendant plus de 5 jours.

Hyperbilirubinémie > 300-350 µmol/L.

Embryofœtopathie : CMV, toxoplasmose, rubéole, herpès, syphilis.

Traitements ototoxiques de plus de 5 jours (fin de grossesse ou néonatal).

Méningite bactérienne ou encéphalite, atteinte neurologique centrale.

Antécédents familiaux (appareillage auditif avant 50 ans).

Signes de syndrome associé avec surdité, malformations cranio-faciales (trisomie 21, BOR, Franceschetti, del18q…).

Encadre

2. Repérer les infections à cytomégalovirus ?

La fœtopathie à CMV est la seconde cause de surdité en France. Elle est difficile, voire impossible, à affirmer après 2 ans. Un diagnostic précoce aurait un impact en termes de pronostic personnel et familial : en effet, un traitement antiviral pourrait être proposé systématiquement (en cours d’évaluation).

La recherche du CMV est faite par PCR dans la salive ou les urines si l’enfant a moins de 3 semaines, et sur les sérologies ou le carton de Guthrie (rempli à la maternité et jeté à 24 mois) avant 2 ans.

En cas d’infection congénitale à CMV authentifiée, le valganciclovir peut éventuellement être prescrit.8

Encadre

3. Réactions aux stimulations sonores

0-6 mois : réaction à la voix forte

> 6 mois : réaction à l’appel à différentes intensités

6 mois-2 ans et demi : reconnaissance et désignation d’objets à voix chuchotée

> 2 ans et demi : répétition des mots, réponses adaptées à l’interrogatoire

Encadre

4. Principales étapes du développement du langage

Nouveau-né : cri indifférencié

2 mois : babil

6 mois : redoublement de syllabes

14 mois : premiers mots en relation avec l’objet

2 ans : mots isolés juxtaposés

4 ans : phrases complètes

Encadre

Que dire à vos patients

En cas de dépistage douteux en maternité, dans 9 cas sur 10, le re-test sera normal, mais il est important de le réaliser.

S’il est anormal sur un côté seulement, il faut rester vigilant au développement du langage de l’enfant et éventuellement contrôler son audition vers 12 mois.

La plupart des surdités sont congénitales isolées, d’origine génétique, sans antécédent familial.

Un diagnostic précoce permet de réhabiliter de façon optimale toutes les surdités, même profondes bilatérales.

En cas de projet de communication orale, l’enfant est appareillé (contour d’oreille ou prothèses/implant cochléaire, selon la gravité).

La famille est libre de choisir une réhabilitation gestuelle, sans appareillage.

Pour en savoir plus
1. Anaes. Évaluation clinique et économique : dépistage néonatal de la surdité permanente par les otoémissions acoustiques. Juin 1999. https://bit.ly/2Gb41hm
2. HAS. Évaluation du dépistage néonatal systématique de la surdité permanente bilatérale. Janvier 2007.
3.  Arrêté du 23 avril 2012 relatif à l’organisation du dépistage de la surdité permanente néonatale. Mai 2012. https://bit.ly/2uVbISo
4. HAS. Surdité de l’enfant : accompagnement des familles et suivi de l’enfant de 0 à 6 ans. Décembre 2009.
5. Rawlinson WD, Boppana SB, Fowler KB, et al. Congenital cytomegalovirus infection in pregnancy and the neonate: consensus recommendations for prevention, diagnosis, and therapy. Lancet Infect Dis 2017;17:e177-e188.
6. Blanchard M, Thierry B, Marlin S, Denoyelle F. Genetic aspects of congenital sensorineural hearing loss. Arch Pediatr 2012;19:886-9.
7. Antoni M, Rouillon I, Denoyelle F, et al. Newborn hearing screening : Prevalence and medical and paramedical treatment of bilateral hearing loss in a neonatal series in the Île-de-France region of France. Eur Ann Otorhinolaryngol Head Neck Dis 2016;133:95-9.
8. Caluraud S, Marcolla-Bouchetemblé A, de Barros A, et al. Newborn hearing screening: analysis and outcomes after 100,000 births in Upper-Normandy French region. Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2015;79:829-33.
Sites gouvernementaux/administratifs
solidarites-sante.gouv.fr/prevention
www.legifrance.gouv.fr/
www.has-sante.fr
www.onisep.fr
www.mdph.fr
handicap.gouv.fr
Haute Autorité de santé. Annoncer une mauvaise nouvelle. Février 2008. www.has-sante.fr
Sites d’information pour parents/professionnels
Action connaissance formation pour la surdité (ACFOS)
www.acfos.org
www.surdi.info
https://www.auditionconseil.fr
Centre d’information sur la surdité et l’implant cochléaire (CISIC) https://www.cisic.fr
Livrets information pour les enfants et parents
C’est quoi la surdité (ACFOS) www.acfos.org/publication/
Déficits auditifs en France : livre blanc (UNSAF) www.unsaf.org/doc/
Livre blanc. La surdité de l’enfant. http://www.acfos.org/livreblanc_acfos2006.pdf

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essentiel

Le dépistage universel de la surdité est réalisé dans les maternités depuis avril 2012.

Dans les formes sévères à profondes, appareiller avant 6 mois ; dans celles moyennes, avant 9 mois.

Poursuivre la surveillance même si le premier examen est normal, surtout si l’enfant a des facteurs de risque.