Pour faciliter la prévention et la prise en charge des personnes concernées par cette maladie chronique, la HAS met à jour les parcours de soins avec des recos spécifiques pour le médecin traitant, de nouvelles consignes pour le suivi après chirurgie bariatrique et pour l’accompagnement de populations particulières (handicap, grossesse, ménopause).

En France, l’obésité touche 4 % des enfants et adolescents de 6 à 17 ans et 17 % des adultes. En intégrant le surpoids, cette prévalence passe respectivement à 17 % et à 49 %. L’obésité est quatre fois plus fréquente chez les personnes défavorisées socialement, et cela de façon plus marquée chez les femmes. C’est une maladie chronique complexe à part entière, source de morbidité (diabète de type 2, maladies CV…) et de mortalité.

Pour améliorer la prévention et l’accompagnement des personnes, la HAS met à jour les parcours de soins en intégrant des recos pour les MG, des précisions sur la prise en charge pré- et post-chirurgie bariatrique et des consignes sur l’accompagnement de populations particulières (handicap, grossesse, ménopause). Pour rappel, le parcours spécifique à l’enfant et à l’adolescent a été mis à jour en 2023, précisant les examens biologiques à réaliser.

Rôle du MG : les 4D

Le médecin généraliste, en première ligne, connaît son patient. Son intervention se résume en quatre actions, « les 4D » (figure ci-contre ; infographie parcours de soins personnalisé).

1. Dépister systématiquement un surpoids ou une obésité tout au long de la vie

À chaque consultation : calculer l’IMC, mesurer le tour de taille et suivre annuellement leur évolution. Être attentif aux signes d’alerte et aux situations à risque : repérer des perturbations de l’alimentation, les TCA, des difficultés psychologiques, des troubles psychiatriques... Promouvoir les habitudes de vie favorables à la santé.

2. Diagnostiquer

Formuler le diagnostic avec « les bons mots » selon la capacité à comprendre et entendre du patient, repérer les possible comorbidités : malnutrition, diabète, troubles musculosquelettiques… Définir la complexité car la prise en charge en dépend : surpoids ou obésité sans complications, dite non complexe ; obésité dite complexe ; obésité dite très complexe.

3. Discuter

S’accorder sur le projet de soins. Accompagner toute difficulté psychologique, autostigmatisation, toute forme de vulnérabilité. Proposer une éducation thérapeutique (activité physique, alimentation, environnement).

4. Décider ensemble

Co-construire un projet de soins personnalisé, un plan global (alimentation, activité, modifications de comportement, environnement) avec des objectifs réalistes, planifier des consultations dans le temps. Pour la mise en œuvre de ce point, la HAS s’est prononcée en faveur du remboursement des consultations longues initiales et de suivi (aujourd’hui elles ne sont remboursées que pour la prise en charge des enfants jusqu’à 12 ans).

Selon les cas, le médecin traitant peut s’appuyer sur une équipe de professionnels de ville, comme le diététicien, l’infirmier, le professionnel de l’activité physique adaptée, le psychologue ou encore le travailleur social. Huit fiches décrivent le rôle de chaque professionnel dans le parcours : comment intervenir et à quel moment.

Dans les situations d’obésité complexe ou sévère, le médecin généraliste peut faire appel à un médecin spécialiste de l’obésité, à une équipe hospitalière spécialisée ou à un centre spécialisé de l’obésité (CSO). Il reste le coordonnateur et assure le suivi de son patient à chaque étape du parcours, et aussi en cas de chirurgie bariatrique.

Quatre messages clés pour le MG

1. L’obésité est une maladie complexe à part entière, chronique, avec des conséquences sur le plan psychosocial. Il ne faut pas hésiter à se former et à s’appuyer sur les associations de patients.

2. En priorité : modifier les habitudes de vie

Quelle que soit la complexité de la situation, accompagner les modifications des habitudes de vie en première intention : alimentation, activité physique du quotidien, rythmes de vie, etc. Cet accompagnement est à co-construire avec le patient et à adapter à sa situation. Des séances d’éducation thérapeutique et ou d’accompagnement psychologique voire psychiatrique peuvent aussi être mis en œuvre pour former le patient, lui (re)donner confiance et faciliter son engagement dans le projet de soins. Enfin, il est important de soutenir dans la durée ces nouvelles habitudes de vie, qu’elles soient ou non associées à un traitement chirurgical ou médicamenteux.

3. Éviter les ruptures de soins

La concertation et la coordination des professionnels impliqués dans le parcours de soins doivent permettre de mieux soigner le patient, de mieux l’accompagner et d’éviter toute rupture de soins, surtout si l’obésité entraîne d’autres maladies. Par exemple, aujourd’hui seuls 50 % des patients opérés bénéficient d’un suivi à deux ans. Souvent le MG n’est même pas informé de l’intervention.

4. Lutter contre toute forme de stigmatisation et d’autostigmatisation

Un simple regard peut parfois affecter la relation médecin-patient, tout comme le choix des mots et l’environnement dans lequel il est reçu. Il est essentiel d’adopter une posture de non-jugement car l’engagement des patients dans leur prise en charge en dépend. Quelques exemples : proposer de peser la personne (« ça ne vous dérange pas si je vous pèse ? »), demander au patient de se dessiner (image qu’il a de soi) ; disposer d’un matériel adapté pour accueillir les patients (ruban assez long…).

Attention : l’autostigmatisation des patients est très fréquente et cela rend particulièrement difficile la relation aux soins.

Focus sur la chirurgie bariatrique : un suivi plus strict

Alors qu’on observe ces dernières années une augmentation du nombre de chirurgies bariatriques en France, la HAS rappelle que cette pratique doit intervenir en dernier recours et ne doit pas être pratiquée chez l’enfant sauf cas exceptionnels. De plus, la prévention des ruptures de soins après chirurgie bariatrique est essentielle pour favoriser le succès de la chirurgie et éviter les complications, alors qu’aujourd’hui seuls 50 % des patients opérés bénéficient d’un suivi à deux ans. Les nouvelles modalités d’organisation de la chirurgie bariatrique sont donc précisées dans ces recos.

Une préparation en amont, de 6 mois au minimum

La préparation à la chirurgie permet d’optimiser l’état de santé somatique et psychique et de débuter de manière concomitante les séances d’éducation thérapeutique spécifiques à la chirurgie bariatrique avec la participation de patients-ressources et d’associations d’usagers. Elle doit être de 6 mois au minimum.

Un suivi plus strict et coordonné

Le suivi après chirurgie bariatrique mobilise d’abord le médecin spécialiste de l’obésité et le chirurgien, puis une fois l’état de santé stabilisé, le médecin généraliste ou l’infirmier de pratique avancée (IPA) en alternance avec l’équipe spécialisée pluriprofessionnelle.

  • À chaque consultation : expliquer la nécessité d’analyser l’évolution de la courbe de poids sans en faire un élément prioritaire et central de la consultation ; repérer précocement et prendre en charge toute difficulté ou trouble qui peut apparaître ou resurgir : troubles de l’humeur (anxiété, idées suicidaires), signes de TCA, reprise de poids…
  • La 1re année, les consultations médico-chirurgicales et les séances éducatives (diététicien notamment) sont rapprochées : à 1, 3, 6 et 12 mois. À intervalle régulier entre les consultations spécialisées, le médecin généraliste assure la surveillance et l’ajustement du traitement des maladies associées à l’obésité, le renouvellement de la prescription des traitements, des suppléments en vitamines et en minéraux et du mode de contraception, repère les complications chirurgicales, digestives, nutritionnelles, les difficultés d’adaptation.
  • La 2e année, une alternance du suivi entre l’équipe médico-chirurgicale et le médecin généraliste ou l’IPA avec conduite à tenir précise est possible si l’état de santé est stabilisé. Dans le cas contraire, les consultations médico-chirurgicales se poursuivent.
  • À partir de la 3e année si l’état de santé est stabilisé, le suivi spécifique à la chirurgie bariatrique est réalisé tous les 6 mois par le médecin généraliste ou l’IPA. Le suivi spécialisé s’espace à 3 ans et à 5 ans après l’intervention.
  • Après la 5e année, le suivi spécialisé s’espace à tous les 3 à 5 ans si l’état de santé est stable avec un suivi annuel à vie par le médecin généraliste ou l’IPA.
  • Pendant les 2 premières années après chirurgie, les séances d’éducation thérapeutique sont poursuivies en adaptant leur fréquence et l’intervention des professionnels impliqués (diététicien, professionnel de l’APA, infirmier, etc.) aux besoins éducatifs. Ensuite, elles peuvent être reprises si nécessaire.

Être attentif aux situations spécifiques

Personne en situation de handicap

  • Favoriser l’accès aux messages de prévention et à l’éducation thérapeutique pour accompagner les modifications des habitudes de vie, tout au long de la vie, en associant les proches et/ou les professionnels qui prennent soin de la personne.
  • Adapter les recommandations de pratique d’activité physique aux envies de pratiques, aux besoins et aux capacités fonctionnelles : évaluer le besoin d’une prescription d’APA.
  • Recourir à un avis spécialisé face à une obésité sévère associée à des TCA ou à des éléments cliniques évocateurs d’une obésité de cause rare.
  • Si une chirurgie bariatrique est proposée, s’assurer de l’accessibilité aux séances de préparation à la chirurgie, de leur adaptation.
  • Si handicap physique : améliorer le fonctionnement de la personne et son autonomie et son niveau d’activité physique avec l’aide d’un médecin de médecine physique et de réadaptation.

Chez la femme jeune et en cas de grossesse

  • Aborder le rapport au corps, le retentissement sur la vie affective et sexuelle, le souhait d’une contraception.
  • S’assurer de la régularité des examens gynécologiques et des seins, des frottis du col de l’utérus, dont la réalisation peut être plus longue ou plus difficile.
  • Proposer une consultation préconceptionnelle à toute femme en surpoids ou en obésité ayant un projet de grossesse : dépister les facteurs de risque cardiovasculaire, une dyspnée, un diabète.
  • La PMA ne devrait être ni retardée ni subordonnée à une perte de poids irréaliste.
  • Encourager la femme enceinte à débuter ou à poursuivre une activité physique régulière pendant la grossesse, avec des adaptations si besoin, à améliorer son alimentation.
  • Proposer aux femmes en surpoids ou en obésité avant la grossesse, ou dont l’IMC a augmenté durant la grossesse ou en postpartum sans perte de poids un an après l’accouchement, un projet personnalisé visant à stabiliser le poids puis à en perdre progressivement.
  • Organiser pour toute femme ayant eu une chirurgie bariatrique un suivi spécialisé dès le projet de grossesse. Le bilan biologique est trimestriel avec correction des déficits en fonction des résultats biologiques. Prévoir un lieu de naissance adapté au niveau de risque.
  • En l’absence de suivi nutritionnel après chirurgie bariatrique : prescrire une supplémentation minimale dès le projet de grossesse, intensifier le suivi avec des bilans biologiques trimestriels (vitamines et minéraux, statut protéique), un examen clinique, le suivi du poids, une consultation diététique dès le diagnostic de grossesse.

Chez la femme en périménopause ou ménopausée

  • Être vigilant face à un surpoids associé à un tour de taille élevé favorisant le risque cardiovasculaire.
  • Encourager les femmes à pratiquer une activité physique quotidienne : atténuation des symptômes périménopausiques, prévention de la diminution de la masse musculaire et d’une perte osseuse.
  • En cas de surpoids ou d’obésité : augmenter le niveau d’activité physique et, si cela n’est pas possible dans l’immédiat, diminuer modérément l’apport énergétique tout en améliorant l’alimentation et en veillant à un apport protidique suffisant.
Encadre

Outils

Une synthèse  sur les points critiques du parcours de soins

20 messages clés  : pour améliorer les pratiques

8 fiches  : rappelant le rôle de chaque professionnel et les modalités de partage d’informations avec le médecin traitant : psychologue, travailleur social, infirmier, diététicien, enseignant en activité physique adaptée, kinésithérapeute, ergothérapeute, psychomotricien.

Pour en savoir plus : Surpoids et obésité de l’adulte. Infographie parcours de soins personnalisé

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