La maladie de Parkinson (MP) est bien connue pour sa tétrade motrice : bradykinésie, tremblement de repos, troubles de la marche et rigidité plastique avec roue dentée. Cependant, c’est avant tout une affection systémique caractérisée par une myriade de symptômes non moteurs (SNM).1 Ces derniers sont liés à la maladie elle-même ou aux effets indésirables des traitements.

Des symptômes nombreux

Contrairement à une idée reçue, lors du diagnostic, seuls 50 % des patients ont un tremblement ; en revanche, plus de 90 % ont des SNM depuis plusieurs années : constipation, syndrome dépressif, troubles de l’odorat, du comportement en sommeil paradoxal, génito-urinaires. Ces symptômes ne sont pas spécifiques, mais chez les parkinsoniens, ils s’associent (plus de 4 SNM au moment du diag- nostic).2
D’après plusieurs études, ils auraient un impact plus important sur la qualité de vie que les anomalies classiques, même au début de la maladie.Ils peuvent fluctuer comme les signes moteurs (ou non). Ainsi, dépistage et prise en charge doivent être précoces.
Le repérage des SNM est difficile car bien souvent ils ne sont pas mentionnés par les patients. En effet, ces derniers soit ne les relient pas à la MP, soit sont gênés d’en parler. Une méthode simple au cabinet est de remettre au malade un autoquestionnaire avant la consultation : le questionnaire NMS (30 questions à réponse binaire, encadré).3 Leur prise en charge est avant tout symptomatique.4

Divers types de douleurs

Les douleurs neurogènes centrales sont directement liées à la MP. Elles se manifestent par des brûlures, une sensation d’étau, des paresthésies, des crampes et des myalgies localisées dans l’hémicorps le plus atteint, mais s’associent également à des douleurs viscérales profondes.
Les traitements dopaminergiques sont parfois efficaces. Lorsque cela ne suffit pas, on peut envisager de prescrire : duloxétine, antiépileptiques, prégabaline, kinésithérapie. Stimulation électrique cutanée, relaxation, acupuncture… peuvent soulager certains patients.
Les radiculalgies périphériques sont en lien avec des comorbidités (canal lombaire étroit, hernie discale, arthrose). Les antalgiques de palier 1 et 2 sont habituellement efficaces.
Les douleurs musculosquelettiques répondent assez souvent aux médicaments dopaminergiques et aux antalgiques classiques.
Enfin, les dystonies en « off » (périodes de blocage) surviennent généralement le matin au réveil, et sont soulagées par la prise d’un dopaminergique d’action rapide (lévodopa orodispersible, ou apomorphine sous-cutanée).

Dysautonomie : précoce

L’hypotension orthostatique, fréquente, peut entraîner malaises, chutes, vertiges, asthénie… Elle doit être systématiquement recherchée en consultation, en prenant la PA en position allongée puis 3 minutes après le lever. On propose d’abord des mesures non médicamenteuses (hydratation, bas de contention, éducation) ; en cas d’échec, on peut utiliser la midodrine (débutée à 2,5 mg 3x/j ; 40 mg/j max ; CI : HTA, cardiopathie, AOMI, vasospasme, Raynaud, hyperthyroïdie déséquilibrée) ou la fludrocortisone (100 μg/j ; 400 μg/j max).
Les troubles génito-urinaires sont également courants et doivent être identifiés car source d’inconfort. Nycturie, urgenturie, pollakiurie, incontinence, troubles de l’érection, vaginisme, dyspareunies… Le traitement est essentiellement symptomatique (anticholinergiques, inhibiteurs de phosphodiestérase-5, lubrifiants…).
L’hypersialorrhée gêne de nombreux patients. La scopolamine en patch (Scopoderm collé durant 72 h derrière l’oreille) peut être efficace (EI : glaucome à angle fermé, constipation, rétention urinaire, aggravation d’un état respiratoire sévère). Des injections de toxine botulique dans les glandes salivaires sont possibles.
Citons également l’hypersudation, la constipation, la gastroparésie, la dysphagie et les troubles de la déglutition. Ceux-ci imposent une rééducation orthophonique, au pire une gastrostomie.

Troubles psychiatriques

30 à 40 % des parkinsoniens auraient des symptômes anxiodépressifs. Leur origine est probablement multifactorielle, liée au dérèglement des neurotransmetteurs et aux complications engendrées par la maladie. Leur prise en charge repose sur l’optimisation des traitements dopaminergiques, le soutien psychologique, les anxiolytiques au cas par cas et les antidépresseurs (ISRS en 1re intention : fluoxétine, paroxétine...).
Les troubles du contrôle des impulsions et les addictions se traduisent par un ensemble d’anomalies du comportement. On y rattache le syndrome de dysrégulation dopaminergique, qui correspond à la consommation excessive de médicaments antiparkinsoniens. La perte du contrôle des impulsions se manifeste par : jeu pathologique, hypersexualité, achats compulsifs ou tendance à la boulimie. Certains de ces comportements peuvent poser des problèmes médico- légaux.
Il est indispensable de prévenir les malades et leurs aidants de ce risque. Si un trouble apparaît, il faut agir vite : réduction ou suppression complète des agonistes dopaminergiques (pas d’arrêt brutal), suivi psychologique et si nécessaire sauvegarde de justice.
La psychose parkinsonienne s’exprime par des hallucinations (principalement visuelles) et des épisodes délirants paranoïdes. On arrête anticholinergiques, amantadine, on baisse les doses des agonistes dopaminergiques au profit de la L-dopa et, si nécessaire, on prescrit le seul neuroleptique atypique n’aggravant pas les signes moteurs : la clozapine. Souvent efficace, elle impose toutefois une surveillance hebdomadaire de l’hémogramme (risque d’agranulocytose).
Les troubles cognitifs légers concerneraient 25 % des sujets au début de la maladie. Ils sont bien souvent sous-estimés car ils n’entravent pas l’autonomie. Après 20 ans d’évolution, 80 % des patients seraient déments. On a peu de ressources thérapeutiques. Il faut arrêter benzodiazépines, anticholinergiques et proposer des approches non médicamenteuses (stimulation cognitive, orthophonie…).
Les perturbations du sommeil – insomnie et hypersomnie diurne – concernent plus de 95 % des patients. Les troubles du comportement en sommeil paradoxal se manifestent par une agitation nocturne intense et souvent violente, principalement décrite par les conjoints ; la mélatonine (doses > 3 mg) ou le clonazépam sont efficaces chez certains patients. Le syndrome des jambes sans repos semble plus fréquent dans la MP ; il est amélioré par les médicaments dopaminergiques, le clonazépam,la gabapentine ou la prégababline.
Encadre

Questionnaire NMS pour le malade parkinsonien

Avez-vous été incommodé par certains des problèmes suivants au cours du dernier mois (réponse binaire oui/non) ?

• Écoulement de salive durant la journée

• Perte ou changement dans votre capacité à goûter ou à sentir

• Difficulté à avaler de la nourriture ou des liquides, ou problème d’étouffement

• Vomissements ou nausées

• Constipation (< 3 selles/semaine) ou effort soutenu afin d’évacuer une selle

• Incontinence fécale

• Sensation que l’intestin n’est pas complètement vidé après être allé aux toilettes

• Sensation d’urgence urinaire qui fait courir pour aller aux toilettes

• Levers réguliers la nuit pour uriner

• Douleur inexpliquée (non causée par une maladie connue telle l’arthrite)

• Changement de poids (non causé par une modification de diète)

• Difficultés à se rappeler des événements récents ou oubli de faire des choses

• Perte d’intérêt pour ce qui se passe autour de vous ou pour des activités

• Voir ou entendre des choses alors que vous savez, ou que l’on vous a dit, qu’elles ne sont pas là

• Difficulté à se concentrer ou à être attentif

• Sensation de tristesse, de déprime ou diminution de l’énergie

• Sensation d’anxiété, de peur, de panique

• Moins d’intérêt pour la sexualité ou davantage

• Difficultés lors des relations sexuelles

étourdissement ou faiblesse quand vous vous mettez debout après avoir été assis ou couché

• Chute

• Difficulté à rester éveillé lors d’activités telles que travailler, conduire ou manger

• Difficulté à vous endormir ou à rester endormi durant la nuit

• Rêves intenses, d’apparence réelle ou cauchemars

• Parler ou bouger durant votre sommeil comme si vous « actiez » vos rêves

• Sensations désagréables dans les jambes le soir ou au repos, et besoin de bouger

• Enflure des jambes

• Transpiration excessive

• Vision double

• Croire que des choses vous arrivent alors que d’autres vous disent que c’est faux

Références
1. Pfeiffer RF. Non-motor symptoms in Parkinson’s disease. Parkinsonism Relat Disord 2016;22(Suppl 1): S119-22.
2. Durcan R, Wiblin L, Lawson RA, et al. Prevalence and duration of non-motor symptoms in prodromal Parkinson’s disease. Eur J Neurol 2019;26:979-85.
3. Romenets SR, Wolfson C, Galatas C, et al. Validation of the non-motor symptoms questionnaire (NMS-Quest). Parkinsonism Relat Disord 2012;18:54‑8.
4. Seppi K, Ray Chaudhuri K, Coelho M, et al. Update on treatments for nonmotor symptoms of Parkinson’s disease-an evidence-based medicine review. Mov Disord 2019;34:180‑98.

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essentiel

La maladie de Parkinson est une maladie systémique et pas seulement motrice.

Les symptômes non-moteurs précèdent les signes moteurs de plusieurs années.

Leur dépistage est capital (NMS-Questionnaire).

La prise en charge est avant tout symptomatique.