En France, l’incidence du syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) est estimée à 1,3 ‰ naissances vivantes par an. Ainsi, 700 à 3 000 enfants (sur 750 000 naissances annuelles) seraient concernés par un SAF grave, selon l’expertise collective de l’Inserm « Alcool, effets sur la santé » publiée en 2001 ;1 ces chiffres sont confirmés par une enquête de l’Institut de veille sanitaire (InVS) menée de 2006 à 2008.2 Or, selon une étude d’OpinionWay, 66 % des médecins généralistes se déclarent mal informés sur le SAF.3 

La disparition du Dr Philippe Dehaene, survenue le 9 décembre 2022, est la triste occasion d’y revenir. Ce pédiatre humaniste installé à Roubaix s’était engagé dans la reconnaissance et la prévention du SAF depuis 1973 : il avait ouvert une consultation spécifique pour les femmes consommant de l’alcool et ayant déjà donné naissance à des enfants malformés ; il avait également collaboré avec la chercheuse américaine Ann Streissguth, permettant d’apporter des données épidémiologiques à ce problème de santé publique ; enfin, il avait formé de nombreux médecins sur ce sujet.4

L’exposition prénatale à l’alcool, tératogène et neurotoxique, est un facteur de risque ­embryo-fœtal à tous les stades de la grossesse. Ce risque existe avec tous les types de boissons alcoolisées (vin, bière, cidre, spiritueux, etc.), que la consommation en soit ponctuelle ou régulière.5 L’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale désigne toutes les répercussions (physiques, cognitives et comportementales) liées à l’exposition à l’alcool pendant la grossesse et représente un continuum : du syndrome d’alcoolisation fœtale dit « incomplet » (ou « partiel ») au syndrome d’alcoolisation fœtale dit « complet ».

Le SAF incomplet, forme la plus fréquente, est responsable de troubles neurodéveloppementaux, d’échec scolaire, de troubles des conduites, de consommation de toxiques à l’adolescence. 

Le SAF complet, le plus sévère, se caractérise par l’association d’un faciès particulier (fentes palpébrales raccourcies, sillon naso­labial lisse, allongé, effacé, lèvre supérieure mince), d’un retard de croissance aspécifique pré- et/ou post-natal (taille, poids ou périmètre crânien), de possibles malformations et de troubles du développement neurologique (parfois retard mental ; plus souvent difficultés d’apprentissage avec troubles de l’attention, de la mémoire, du raisonnement abstrait ; troubles du calcul ; troubles du langage ; déficience sensorielle, surtout visuelle ; troubles du comportement et troubles des facultés d’adaptation et des conduites sociales, sources de difficultés d’insertion sociale).

Le rôle du médecin traitant est d’informer, pour une prévention la plus précoce possible (dès l’adolescence, puis, par exemple, lors de l’entretien préconceptionnel), de dépister ces troubles et d’accompagner vers le sevrage. 

Le développement de centres ressources dans chaque région de France pourrait permettre de former les professionnels de santé, d’aider au diagnostic, de prendre en charge et d’agir pour la prévention des SAF. 

Références
1. Inserm (dir.). Alcool : effets sur la santé. Rapport. Paris : Les éditions Inserm, 2001, XII-358 p. Expertise collective.
2. Bloch J, Cans C, De Vigan C, et al. Faisabilité de la surveillance du syndrome d’alcoolisation fœtale, France, 2006-2008. Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n° 10-11, 10 mars 2009.
3. Sondage OpinionWay à la demande de SAF France. https://bit.ly/3ITp4pw
4. Subtil D, Fourmaintraux A, Dehaene P. Alcool pendant la grossesse : tératogène et neurotoxique. Rev Prat Med Gen 2004;18(652):611-5.
5. Larroque B, Kaminski M. Prenatal alcohol exposure and development at preschool age: main results of a French study. Alcohol Clin Exp Res 1998;22(2):295-303.
Pour en savoir plus :
Ministère de la Santé, Direction générale de la santé. Alcool et grossesse, parlons-en. Guide à l’usage des professionnels. Juin 2011. https://bit.ly/3CQ6Kdd
Haute Autorité de santé. Troubles causés par l’alcoo­li­sation fœtale : repérage. Recommandation de bonne pratique. Juillet 2013. http://bit.ly/3IRx8qF