FOCUS
C’est la plus récente cardiomyopathie décrite, la 1re série a été publiée en 2001. Syndrome du cœur brisé, apical ballooning, cardiomyopathie de stress, il faut aujourd’hui l’appeler cardiomyopathie ou syndrome de Takotsubo. Ce terme japonais désigne un vase de pêche traditionnelle servant à piéger les poulpes. Dans le tableau typique, en systole, le ventricule gauche prend la forme de ce vase. Cette affection, sidération myocardique complètement réversible, mime un syndrome coronaire aigu (SCA).1, 2
Elle touche surtout les femmes (dans près de 90 % des cas) ménopausées.1 L’âge moyen est de l’ordre de 70 ans. On estime qu’elle est la cause de 1 à 3 % des suspicions de syndrome coronaire aigu.
Son incidence serait de 30 nouveaux cas par million d’habitants et par an en Île-de-France.3
Actuellement, elle est définie par les critères de la Mayo Clinic :2
– dysfonction systolique ventriculaire gauche (VG) transitoire touchant ses portions moyennes (± les zones apicales), ne correspondant pas à un territoire coronaire. Un facteur déclenchant (stress) est habituel mais non obligatoire ;
– absence de lésion coronaire significative ou de rupture de plaque qui pourrait expliquer la dysfonction VG ;
– apparition de troubles de la repolarisation à l’ECG et/ou élévation modérée de la troponine ;
– absence de phéochromocytome et de myocardite.
Plusieurs hypothèses physiopathologiques ont été avancées. Actuellement on privilégie une décharge catécholergique secondaire à un stress aigu,4 les récepteurs adrénergiques β1 et β2 étant différemment répartis entre l’apex et la base du cœur.

Un diagnostic d’élimination

Le tableau clinique est celui d’un SCA : douleur thoracique d’allure angineuse. Cependant, d’autres signes témoignent de possibles complications à la phase aiguë : dyspnée (insuffisance cardiaque), syncope et exceptionnellement arrêt cardiorespiratoire (par trouble du rythme). Sa découverte peut être fortuite au décours d’un stress aigu.
L’interrogatoire recherche ce facteur déclenchant.
Émotionnel ou physique, il est parfois minime. Dans 25 % des cas, il est médico-chirurgical : toute pathologie aiguë ou toute procédure exploratoire (examens complémentaires ou chirurgie) peuvent potentiellement provoquer cette cardiomyopathie.
Devant un tel tableau, même si le Takotsubo est évoqué, on doit avant tout éliminer un SCA (et aussi myocardite, spasme coronaire). Premiers examens : ECG et dosage biologique des marqueurs cardiaques.
L’ECG est anormal dans la quasi-totalité des cas, avec des troubles importants de la repolarisation : sus-décalage du segment ST, ondes T négatives, rabotage de l’onde R en V1-V4 (fig. 1). Il fluctue quotidiennement. Un allongement du QT est possible à la phase aiguë. À distance, le tracé se normalise. Sur le plan biologique : élévation modérée des CPK et de la troponine.
L’échocardiographie faite à l’entrée en USIC recherche la forme évocatrice de piège à poulpe (fig. 2) et une éventuelle complication.
Cet examen a un rôle majeur à distance de la phase aiguë pour s’assurer de la récupération complète de la fonction ventriculaire gauche.
La coronarographie éventuellement couplée à une ventriculographie permet d’éliminer le SCA et d’affirmer le Takotsubo sur l’aspect pathognomonique de dysfonction VG (fig. 3).
L’imagerie par résonance magnétique montre cette dysfonction et l’absence de rehaussement tardif après injection de gadolinium (écartant les diagnostics de cardiopathie ischémique et myocardite).

Évolution et pronostic

À la phase aiguë peuvent survenir : insuffisance cardiaque, mitrale, dysfonction systolique ventriculaire droite, gradient intra-VG, troubles du rythme (plus souvent atrials que ventriculaires, choc cardiogénique et exceptionnellement thrombus apical intra-VG (avec ses complications emboliques).
La mortalité intrahospitalière est de l’ordre de 2 à 3 %. Le taux annuel de récidive est estimé à 1-2 %. La dysfonction VG est transitoire et la récupération précoce. Elle est complète à 1 mois pour la majorité des patients. Si elle persiste à distance, il faut remettre le diagnostic en cause. Le suivi échocardiographique est donc primordial. Le pronostic à long terme est débattu (données contradictoires).

Traitement

La prise en charge initiale doit être celle du SCA, jusqu’à exclusion de ce diagnostic. Une fois le syndrome de Takotsubo confirmé, et en raison de la dysfonction VG, bêtabloquants et IEC sont largement prescrits, jusqu’à la récupération complète de la fonction contractile.
Forme typique : akinésie des portions apicales et moyennes du VG, seule la collerette basale est contractile (70 à 80 % des cas ; fig. 3).5
Forme médiane (20 à 30 %) : seules les portions moyennes sont akinétiques.
Forme inversée (1 %) : akinésie des portions basales.
La forme focale, récemment décrite, est exceptionnelle.
La cardiomyopathie de Takotsubo mime un syndrome coronaire aigu ; c’est un diagnostic d’élimination.
Définie par une dysfonction systolique VG transitoire, elle touche surtout la femme ménopausée.
Des complications sont possibles à la phase aiguë (insuffisance cardiaque, troubles du rythme).
Le suivi écho-cardiographique est capital pour s’assurer de la récupération du VG.
Encadre

Trois principales formes de Takotsubo selon la morphologie du VG

Forme typique : akinésie des portions apicales et moyennes du VG, seule la collerette basale est contractile (70 à 80 % des cas ; fig. 3).5

Forme médiane (20 à 30 %) : seules les portions moyennes sont akinétiques.

Forme inversée (1 %) : akinésie des portions basales.

La forme focale, récemment décrite, est exceptionnelle.

Références
1. Pilgrim TM, Wyss TR. Takotsubo cardiomyopathy or transient left ventricular apical ballooning syndrome: a systematic review. Int J Cardiol 2008;124:283-92.
2.Prasad A, et al. Apical ballooning syndrome (Tako-Tsubo or stress cardiomyopathy): a mimic of acute myocardial infarction. Am Heart J 2008;155:408-17.
3. Mansencal N, et al. Prospective assessment of incidence of Tako-Tsubo cardiomyopathy in a very large urban agglomeration. Int J Cardiol 2013;168:2791-5.
4.Pelliccia F, et al. Pathophysiology of Takotsubo syndrome. Circulation 2017;35: 2426-41.
5.Templin C, et al. Clinical Features and Outcomes of Takotsubo (Stress) Cardiomyopathy. N Engl J Med 2015;373:929-38.

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essentiel

La cardiomyopathie de Takotsubo mime un syndrome coronaire aigu ; c’est un diagnostic d’élimination.

Définie par une dysfonction systolique VG transitoire, elle touche surtout la femme ménopausée.

Des complications sont possibles à la phase aiguë (insuffisance cardiaque, troubles du rythme).

Le suivi écho-cardiographique est capital pour s’assurer de la récupération du VG.