La maltraitance envers les enfants a été une pratique tristement courante pendant des siècles. Elle a longtemps été ignorée, car l’enfant était la « propriété » de la sphère familiale privée (constitution des États-Unis). Dès 1860, le légiste français Ambroise Tardieu a décrit cette maltraitance. À partir du début du XXe siècle, avec le développement de la radiologie, l’association d’un hématome sous-dural à des fractures des os longs suggère des violences volontaires.Dans les années 1970, le syndrome dit « du bébé secoué » (SBS) pouvant survenir sans signe extérieur de violence est individualisé. Depuis, les critères diagnostiques ont été affinés grâce aux performances croissantes des techniques d’imagerie en coupes (scanner, IRM). Les circonstances de survenue des secouements sont maintenant suffisamment connues pour être stéréotypées. Plusieurs consensus et recommandations existent dans le monde au sujet du diagnostic de SBS, pour lequel la preuve de l’acte manque souvent.La gravité du SBS est majeure, et plus de 10 % des enfants décèdent. Les survivants peuvent avoir des séquelles neurocognitives d’intensité variable (déficience motrice ou cognitive, troubles du comportement ou de l’attention, malvoyance, épilepsie…). La présentation clinique est variable : coma ou crises convulsives, hémorragies rétiniennes, épisodes de vomissements, du comportement, lésions antérieures passées inaperçues. À l’examen, des lésions cutanées, buccales ou squelettiques peuvent être présentes. Le scanner puis l’IRM mettent en évidence des lésions typiques : hématomes sous-duraux de localisation particulière (prédominance au sommet) avec arrachements des veines ponts, éléments très importants. Le diagnostic différentiel principal est le traumatisme accidentel, bien différent par sa présentation clinique et radiologique, mais il comprend aussi les hématomes sous-duraux obstétricaux, les troubles de l’hémostase, les méningoencéphalites, des maladies métaboliques, l’ostéogenèse imparfaite.Il existe également un déni actif relayé par les médias, remettant en cause l’existence même du SBS, notamment en France, en fabriquant de l’ignorance.Afin d’aider les médecins, la Haute Autorité de santé a publié des recommandations. Par ailleurs, le signalement judiciaire du SBS est le plus souvent issu d’un collège médical multidisciplinaire compétent. La désinformation a été menée par une association et une publication suédoise, laquelle a été fortement critiquée par une littérature scientifique robuste. La recherche doit aussi se poursuivre pour expliquer la fréquence élevée des cas masculins et les lésions anoxo-ischémiques.
Catherine Adamsbaum, université Paris-Saclay, faculté de médecine, AP-HP, CHU Bicêtre, service de radiologie pédiatrique, Le Kremlin-Bicêtre, France.
6 décembre 2022