Diagnostic et évaluation initiale
Le SQTL est une anomalie de la repolarisation ventriculaire d’origine génétique. Il se caractérise par une anomalie de la repolarisation ventriculaire consistant en un allongement de l’intervalle QT sur l’électrocardiogramme (ECG) en 12 dérivations, exposant les patients qui en sont atteints à un risque significatif de syncope ou de mort subite dû à des troubles du rythme ventriculaire graves : torsades de pointes (figure) ou fibrillation ventriculaire.
L’exercice physique ou le stress émotionnel sont des facteurs déclenchants fréquents de ces syncopes ou morts subites, qui peuvent aussi survenir lors de stimulations sonores brutales (sonneries…) voire, plus rarement, pendant le sommeil. La prévalence est de l’ordre de 1/2 500 naissances. Il faut y penser devant une syncope, ou en cas de mort subite d’un parent proche.
Il s’agit d’une « canalopathie » en rapport avec une mutation dans l’un des gènes intervenant dans le fonctionnement de canaux ioniques. Actuellement, 17 gènes codants ont été identifiés, mais la majorité des anomalies génétiques (de l’ordre de 85 %) sont identifiées dans 3 gènes : KCNQ1 (syndrome SQTL 1), KCNH2 (syndrome SQTL 2) et SCN5A (syndrome SQTL 3).
La transmission de ce syndrome est généralement de type autosomique dominant (risque de transmission de 50 % à chaque naissance), impliquant la nécessité d’organiser le dépistage familial pour permettre une prise en charge précoce.
Le diagnostic repose essentiellement sur la mesure de l’intervalle QT corrigé afin de tenir compte de la fréquence cardiaque (QT corrigé ou QTc). Un système de score (tableau) a été établi, prenant en compte des paramètres ECG et cliniques personnels et familiaux. L’ECG en 12 dérivations permet de mesurer l’intervalle QT, préférentiellement en D2 ou V5, et de calculer le QTc selon la formule de Bazett : QTc (en ms) = QT (en ms)/√RR (en s), où RR représente l’intervalle entre 2 QRS. En cas d’arythmie sinusale marquée, on fait la moyenne de 3 valeurs de QTc consécutifs.
Le Holter complète les informations rythmiques, tandis que l’échocardiographie confirme la normalité, habituelle, des structures cardiaques. La vérification de l’ionogramme (avec dosage correct de la kaliémie : prélèvement à jeun, au repos, sans massage ni mouvement du bras du côté du prélèvement, et sans garrot) doit être systématique.
Un bilan génétique est indispensable pour analyser, au moins, les 3 principaux gènes impliqués. Il nécessite une consultation de cardiogénétique avec prélèvements réalisés dans l’un des centres de référence ou de compétences (ci-dessous). Les délais de réponse sont longs (plusieurs mois) et l’absence de mutation dans l’un des 3 gènes n’élimine pas le diagnostic de SQTL, compte tenu de l’existence de formes génétiques très rares. Une génétique positive confirme le diagnostic dans environ 60 % des cas et permet de dépister les apparentés au premier degré, une génétique négative n’élimine pas le diagnostic mais rend impossible le dépistage génétique des apparentés.
Diagnostics différentiels
Le principal est une prolongation acquise de l’intervalle QT par prise de certains médicaments ou par trouble électrolytique, hypokaliémie, hypomagnésémie voire hypocalcémie, ou lors de bradycardies majeures. La présence d’une cardiopathie est également un facteur d’allongement acquis du QT (Takotsubo, infarctus récent du myocarde), tout comme certains AVC ou les hémorragies méningées, voire, plus rarement, la prise de cocaïne ou de méthadone (des cas de torsades de pointes y ont été associés).
On peut aussi rencontrer un allongement de l’intervalle QT chez les athlètes pratiquant le sport de façon intensive (plus de 10 heures par semaine).
Enfin, il ne faut pas confondre une syncope due au SQTL avec une crise épileptique.
Prise en charge thérapeutique
Le risque d’accident rythmique grave (qui dépend du sexe, de l’âge, du QTc et de la forme génétique) est clairement diminué avec un traitement bêtabloquant (10 fois moins de morts subites). Ce traitement est de préférence le nadolol, recommandé pour tous les patients avec un diagnostic clinique de SQTL. Attention : contrairement à tous les autres bêtabloquants, le sotalol est strictement contre-indiqué car il allonge l’intervalle QT.
Pour les patients avec un diagnostic génétique, un bêtabloquant est à considérer, quelle que soit la valeur de QTc. Pour les enfants, il faut demander un avis spécialisé (dans un centre de référence ou de compétence) afin de préciser les modalités de suivi et le moment opportun pour l’instaurer.
Les sports de compétition sont contre-indiqués. Les sports de loisirs sont autorisés sous réserve d’absence de symptômes, de niveau d’effort modéré et de contrôle du traitement bêtabloquant à l’épreuve d’effort (fréquence cardiaque maximale < 150/mn ou < 70 % de la fréquence maximale théorique, FMT : 220 – l’âge). L’autorisation de pratiquer la natation et les sports aquatiques est une décision très délicate en cas de SQTL1. De même, l’évitement des situations de stress sonore est à discuter pour les SQTL2. La prévention des désordres métaboliques (hypokaliémie, hypomagnésémie) est nécessaire dans tous les cas.
La prise en charge psychologique est essentielle. Il faut expliquer au patient :
– la nécessité légale d’informer (lui-même ou via le médecin après autorisation écrite) les membres de sa famille (parents, fratrie et descendance) de l’existence du syndrome du QT long ;
– qu’il s’agit d’une affection risquant d’être transmise une fois sur deux à chaque grossesse, quel que soit le sexe.
Signes d’alerte et prise en charge des événements évolutifs de la maladie
Le SQTL peut être émaillé de syncopes (parfois confondues avec des crises d’épilepsie, notamment chez l’enfant) ou d’arrêts cardiaques. Le traitement préventif des syncopes est le traitement de la maladie. La prise charge des SQLT peut se faire en ALD au titre des troubles du rythme graves : troubles du rythme ventriculaire pouvant entraîner une instabilité hémodynamique et une mort subite cardiaque (ALD5).
Quelques informations utiles
Liste des médicaments susceptibles d’allonger le QT : https://www.crediblemeds.org/
Site internet de la filière Cardiogen : https://www.filiere-cardiogen.fr
Centre national de ressources psychologiques : on peut contacter une psychologue de la filière Cardiogen pour toutes questions sur l’accompagnement psychologique ou conseils d’orientation au 01 42 16 13 62 ou par mail à : psychologues@filiere-cardiogen.fr
Association de patients : Association des maladies héréditaires du rythme cardiaque – AMRYC 85 avenue de Ségur 75015 Paris : https://amryc.org/ ; courriel : contact@amryc.org
Coordonnées des centres de référence et des centres de compétences : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-10/1._protocole_national_de_diagnostic_et_de_soins_syndrome_du_qt_long_cardiogen_isabelle_denjoy.pdf
HAS. Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS). Syndrome du QT long. 11 octobre 2021.