Leptospirose
Cette zoonose a pour principal réservoir les rongeurs sauvages. Cosmopolite, elle est fréquente dans les régions chaudes et humides. En France métropolitaine, l’affection humaine est rare (5 cas par million d’habitants), mais est nettement plus fréquente dans les départements d’outre-mer1. Selon l’OMS, il y aurait plus de 800 000 cas annuels, dont 48 000 décès. Son diagnostic n’est pas facile car les signes cliniques sont très variés.
Cette affection, décrite par A. Weil en 1886 comme une « forme grave d’ictère flamboyant », est due à des spirochètes du genre Leptospira. Après la découverte du premier spirochète (Leptospiraicterohaemorragiae) en 1914, de nombreuses espèces ont été décrites en fonction des régions ou des professions exposées : leptospirose du chien (L. canicola), fièvre des marais (L. grippo-typhosa), fièvre de 7 jours du Japon (L. hebdomadis), fièvre automnale du Japon (L. autumnalis), maladie des porchers (L. pomona), fièvre de la canne à sucre (L. australis). En outre, il existe dans le sol et l’eau douce, de nombreuses espèces non pathogènes. Actuellement, 21 espèces ont été répertoriées, dont 10 pathogènes et plus de 300 sérovars, répartis en 24 sérogroupes. Ces bactéries sont des filaments spiralés, mobiles, ayant une longueur de 6 à 20 microns et un diamètre de 0,1 micron. Elles sont aérobies et se cultivent à 30 °C sur des milieux spéciaux.
Réservoirs : les rongeurs
Les réservoirs sont les rats, les rongeurs sauvages, mais aussi les chiens, les porcs et de nombreux mammifères (renards, ragondins, chevaux, bovins…). La plupart sont porteurs asymptomatiques : ils hébergent les leptospires dans les tubules rénaux et les éliminent dans les urines. Cependant, le chien peut avoir une fièvre avec des vomissements, une prostration et des hémorragies pouvant entraîner le décès en quelques jours ; même s’il est traité par antibiotiques, il continue d’éliminer des leptospires dans ses urines. Un vaccin chez le chien, contre L. canicola et L. ictero-haemorrhagiae, est disponible.
La leptospirose atteint essentiellement l’adulte masculin âgé en moyenne de 40 ans. Elle est présente toute l’année en zone tropicale, mais en France son incidence augmente très nettement en été, en raison des sports nautiques : baignade en rivière ou en lac, pêche en eau douce, promenade en canoë ou kayak, rafting, canyoning, spéléologie… Certaines professions sont particulièrement exposées : agriculteurs, vétérinaires, égoutiers, jardiniers, aquaculteurs…
À partir d’une eau souillée par les urines d’animaux infectés, l’inoculation survient à l’occasion d’une effraction cutanée ou muqueuse, ou à travers une peau saine mais ramollie par un séjour prolongé dans l’eau. La bouche, le nez ou les yeux peuvent être des portes d’entrée. Enfin, la contamination est possible par morsure ou léchage par un animal.
Un ictère flamboyant
Après pénétration cutanée ou muqueuse, les leptospires gagnent le sang et les tissus (foie, rein, cerveau, cœur), la gravité de la maladie variant selon l’importance de l’inoculum. En fonction des organes atteints, les symptômes sont très variés, rendant le diagnostic difficile. L’interrogatoire permet déjà une orientation (exposition professionnelle ou activités aquatiques).
Après une incubation moyenne de 1 à 2 semaines, apparaît un ictère fébrile « flamboyant » (associant une vasodilatation cutanée avec une teinte jaunâtre), dont la gravité dépend de l’atteinte hépatique et rénale (hépatonéphrite). Des manifestations hémorragiques sont possibles dans la forme classique de la leptospirose ictéro-hémorragique.
En fait, la forme pseudo-grippale est plus fréquente : fièvre à 39 °C, frissons, céphalées, myalgies. L’examen clinique note une hépatomégalie douloureuse et une hémorragie conjonctivale. Sans traitement, la fièvre régresse spontanément, mais surviennent des troubles neurologiques et oculaires (uvéite). En outre, divers symptômes rénaux, cardiaques et pulmonaires (hémorragies dans les alvéoles pulmonaires) sont possibles. Le degré de gravité va de la forme inapparente à la défaillance multiviscérale mortelle.
Diagnostic : par PCR
Les examens biologiques montrent une perturbation non spécifique des constantes hépatiques, rénales, musculaires (rhabdomyolyse). La recherche directe des leptospires est difficile. Le diagnostic est donc affirmé par le sérodiagnostic de dépistage par Elisa et confirmé par le test de micro-agglutination (ou MAT), qui détecte les 24 sérovars les plus fréquents, l’idéal étant de pouvoir pratiquer 3 sérologies à 15 jours d’intervalle. Récemment, une technique de RT-PCR permet un diagnostic précoce (attention : le MAT n’est plus remboursé, contrairement à l’Elisa et à la PCR). La méthode diagnostique dépend du délai par rapport aux premiers symptômes :
– J0 à J6 : PCR sang ;
– J7-J9 : PCR sang ; Elisa IgM sang ;
– > 10 : PCR urines ; Elisa IgM sang.
La prise en charge repose sur l’antibiothérapie (ampicilline ou doxycycline) pendant 10 jours, associée à des traitements symptomatiques selon l’organe atteint. Après guérison, les urines peuvent encore contenir des bactéries pendant plusieurs semaines.
Prévention
En France, la leptospirose est reconnue comme maladie professionnelle pour les professions à risques : entretien des voies d’eaux et égoûts, pisciculture en eaux douces, plongeurs professionnels… La prévention générale repose sur les campagnes de dératisation. Celle individuelle nécessite le port de vêtements de prévention (combinaisons, bottes, gants, lunettes) ; il faut éviter le contact des plaies cutanées avec l’eau. Ces précautions sont évidemment inenvisageables pour les personnes pratiquant les sports aquatiques de loisirs. Mais il serait utile de disposer d’une plaquette simple d’informations sur cette affection dans les centres de loisirs aquatiques.
Pour les professions à risques, un vaccin est disponible. Mis au point par l’Institut Pasteur en 1970, il est actif contre L. ictero-haemorrhagiae, forme la plus grave de la maladie. Le Spirolept nécessite 2 injections à 15 jours d’intervalle, un rappel à 6 mois puis tous les 2 ans. Il peut aussi être conseillé aux personnes pratiquant régulièrement les sports aquatiques.
Patrice Bourée, professeur au Collège de médecine, institut Alfred-Fournier, 75014 Paris.