objectifs
Diagnostiquer un syndrome coronarien aigu, une angine de poitrine et un infarctus du myocarde. Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge préhospitalière et hospitalière. Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
Décrire les principes de la prise en charge au long cours.
Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité dans le monde. La maladie coronaire est principalement liée à l’athérosclérose. L’athérosclérose entraîne une diminution progressive de la lumière des vaisseaux, altérant la perfusion myocardique. L’inadéquation entre les besoins et les apports myocardiques en oxygène, notamment à l’effort, se manifeste par l’angine de poitrine, ou angor stable. L’infarctus du myocarde (IDM) correspond à une mort des cellules myocardiques causée par une ischémie prolongée. Le syndrome coronarien aigu (SCA) est l’expression clinique d’une souffrance myocardique aiguë d’origine ischémique.

Angor stable

Rappel de physiologie coronaire

L’ischémie est une insuffisance de perfusion d’un organe à l’origine d’un manque en oxygène et en substrat. L’hypoxie est un apport insuffisant en oxygène sans altération de la perfusion. Le métabolisme du cœur est aérobie, avec les acides gras comme substrat principal (puis les lactates et le glucose). L’extraction en oxygène est maximale (le sang du sinus coronaire a le contenu en oxygène le plus faible de l’organisme). En situation d’ischémie, les substrats et l’oxygène font défaut. Le métabolisme anaérobie prend alors le relais. La libération de lactates et la diminution de la production d’adénosine triphosphate (ATP) augmentent la perméabilité membranaire et altèrent les transports actifs. Les conséquences sont la perturbation des phénomènes électriques et l’altération de la contractilité myocardique.
Le débit de perfusion myocardique (Qc) dépend de la demande métabolique, du contrôle neuro-humoral autonome et de l’endothélium. Plus de 50 % des résistances coronaires siègent dans le compartiment distal artériolaire (< 100 µm), ou microcirculation, principal déterminant de l’autorégulation coronaire, qui permet le maintien d’un Qc stable pour des variations de pression de perfusion entre 50 et 150 mmHg.
Une sténose d’une artère épicardique causée par l’athérosclérose induit un gradient de pression de perfusion. Les résistances diminuent, conséquence d’une vasodilatation adaptative de la microcirculation. Ce mécanisme assure la perfusion myocardique jusqu’à un point (réserve de vasodilatation coronaire) au-delà duquel il est dépassé, et toute augmentation des besoins myocardiques (à l’effort) mènera à l’ischémie et ses conséquences cliniques (angor).

Diagnostiquer un angor stable

Seuls 10 à 15 % des patients présentent une symptomatologie « typique ». La douleur est caractérisée par :
  • un siège : rétrosternale ou précordial gauche, parfois épigastrique ;
  • une irradiation : aux mâchoires, épaules, avant-bras ou dans le dos ;
  • un type : oppression « sensation d’étau », lourdeur, brûlure, plus rarement une blockpnée. La fatigue, la baisse des performances physiques et les signes digestifs sont des manifestations atypiques ;
  • une durée : brève, dépendante de l’effort et cédant rapidement à l’arrêt de l’effort ou à la prise de trinitrine. Accentuée par le froid et la marche en plan incliné. Indépendante de la position et de la respiration. Rarement soulagée par la poursuite de l’effort (syndrome d’échauffement) ;
  • une intensité variable définie par la classification de la Canadian Cardiovascular Society (tableau 1).
Les examens complémentaires de première intention sont :
  • bilan biologique : hémoglobine, glycémie à jeun, recherche d’une anomalie lipidique, créatinine, BNP (brain natriuretic peptide) si suspicion d’insuffisance cardiaque ;
  • électrocardiogramme (ECG) 12 dérivations de repos ;
  • radiographie pulmonaire ;
  • échocardiographie transthoracique (ETT) : fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG).

Estimer la probabilité clinique d’une maladie coronaire avant le test diagnostique (probabilité pré-test [PPT])

La performance d’un test diagnostique dépend de la prévalence de la maladie dans la population étudiée. Un test diagnostique est d’autant plus contributif que la PTT est intermédiaire (> 15 %). Un modèle inspiré de la classification de Diamond et Forrester estime la probabilité d’une maladie coronaire selon les caractéristiques des symptômes, le sexe et l’âge des patients. Cette PPT pourra être pondérée selon le score calcique si disponible, la présence de facteurs de risque cardiovasculaire, l’analyse de l’ECG et la FEVG.

Sélectionner le test diagnostique approprié

Le coroscanner est réservé aux patients sans antécédent coronarien avec une PPT basse et chez lesquels on s’attend à obtenir des images de bonne qualité (capacité à retenir son souffle, rythme sinusal ≤ 60 batt/min, poids adéquat). Il permet une évaluation anatomique non invasive, mais ne fournit aucune donnée fonctionnelle. Sa sensibilité (Se) est de 95,6 % et sa spécificité (Sp) de 81,5 % pour détecter une maladie coronaire obstructive (MCO), définie par la présence d’au moins une sténose coronaire ≥ 50 % de diamètre. L’absence de MCO au coro­scanner est associée à un excellent pronostic.
Les tests fonctionnels non invasifs sont l’échocardiographie de stress, d’effort ou à la dobutamine, (Se = 85 %, Sp = 82 %), la scintigraphie (SPECT) myocardique de stress ± sensibilisée par un agent vasodilatateur (Se = 87 %, Sp = 70 %) et l’IRM myocardique sous vasodilatateur ou dobutamine (Se = 90 %, Sp = 80 %). Quel que soit le test sélectionné, son interprétation dépend de l’expertise de l’opérateur. L’ECG d’effort n’est plus recommandé en première intention pour le diagnostic d’angor stable en raison de ses faibles performances diagnostiques (Se = 58 %, Sp = 52 %). Il reste néanmoins une alternative en cas de non-disponibilité des imageries de stress, utile dans l’évaluation de la performance physique, des symptômes, du rythme ou du profil tensionnel à l’effort. Réalisé démaquillé des traitements anti-ischémiques, l’effort est mené ≥ 85 % de la fréquence maximale théorique (FMT = 220 – âge). Un sous-décalage ST descendant ou horizontal ≥ 1 mm à 0,06-0,08 s du point J dans au moins une dérivation suggère une ischémie. La présence d’un bloc de branche, d’un stimulateur cardiaque, d’un syndrome de préexcitation, d’une élévation ST ≥ 1 mm au repos et d’un traitement par digitaliques gêne son interprétation.
La coronarographie d'emblée lorsque les tests non invasifs sont non contributifs, chez les patients à très haut risque d’événements ou restant symptomatiques malgré un traitement médical optimal. Elle ne doit pas être proposée aux patients refusant toute stratégie invasive et pour lesquels la revascularisation n’apporterait aucun bénéfice sur la qualité et/ou l’espérance de vie. Les sténoses intermédiaires (50-90 % de diamètre) ou les atteintes pluritronculaires justifient une évaluation fonctionnelle invasive par FFR (fractional flow reserve) avant revascularisation.
La FFR est obtenue à l’aide d’un guide de pression positionné en aval de la sténose. En théorie, il s’agit du ratio entre le débit myocardique maximal du vaisseau avec sténose et le débit myocardique maximal du vaisseau sain. La FFR est mesurée en hyperhémie grâce à une vasodilatation maximale obtenue par injection d’adénosine. Les résistances coronaires étant abolies, la FFR devient le ratio de la pression distale au guide (Pd) sur la pression aortique (Pa). La FFR donne une information sur le frein hémodynamique engendré par la sténose et prédit le bénéfice sur le débit coronaire après revascularisation. Une FFR < 0,80 est le seuil à partir duquel il existe un bénéfice clinique en cas de revascularisation. L’intégration systématique de la FFR lors de la coronarographie permet de réorienter les stratégies thérapeutiques dans près de la moitié des cas.

Stratifier le risque d’événements

L’évaluation du risque identifie les patients à haut risque pour lesquels une revascularisation aura un intérêt pronostique au-delà de l’amélioration des symptômes. Elle est fondée sur une évaluation clinique (SCORE) et le résultat des tests diagnostiques. Dans l’angor stable, le risque annuel de décès de cause cardiaque est considéré élevé si > 3 % par an et faible si < 1 % par an.

Prendre en charge l’angor stable


Intervention sur le mode de vie

Il s’agit de :
  • la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire ;
  • l’hygiène alimentaire (régime riche en fruits, légumes et céréales complètes, acides gras saturés < 10 % des apports, alcool < 100 g/sem ou 15 g/j) ;
  • l’activité physique régulière (30-60 min d’activités physique modérée 5 j/sem) ;
  • l’obtention d’un poids idéal pour un indice de masse corporelle < 25 kg/m2 ;
  • le contrôle des facteurs psychosociaux et environnementaux ;
  • la vaccination antigrippale annuelle ;
  • la réadaptation cardiovasculaire.

Traitement pharmacologique

Le traitement optimal est celui qui soulage les symptômes tout en prévenant les complications de l’athérosclérose avec une adhésion maximale et le minimum d’effets indésirables.
Traitement antiangineux :
  • lors de la crise aiguë : arrêt de l’effort en cours et dérivés nitrés à action rapide par voie sublinguale. La persistance de la douleur justifie l’appel du 15 ;
  • traitement de fond : bêtabloquants en première intention (les plus utilisés sont les bloqueurs sélectifs du récepteur ß1 : nébivolol, bisoprolol, métoprolol et aténolol). Les inhibiteurs calciques (bradycardisants [vérapamil ou diltiazem] ou dihydropyridines) et l’ivabradine sont indiqués en cas d’intolérance aux bêtabloquants ou en association. Les autres (nicorandil, molsidomine et trimétazidine) sont des traitements adjuvants.
Prévention des événements cardiovasculaires :
  • antiagrégants plaquettaires (aspirine ou clopidogrel, en association en post-angioplastie) ;
  • hypolipémiants (statines ou ézétimibe ou anti-PCSK9) avec un objectif de LDLc ≤ 0,55 g/dL ou une diminution ≥ 50 % du taux initial ;
  • inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II), en cas d’hypertension artérielle (HTA), fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) ≤ 40 %, diabète ou insuffisance rénale.

Revascularisation myocardique

Les indications sont pronostiques (sténose du tronc commun > 50 %, sténose de l’interventriculaire antérieure (IVA) proximale > 50 %, atteinte bi- ou tritronculaire avec sténose > 50 % et FEVG ≤ 35 %, ischémie à l’imagerie de stress > 10 % du myocarde, sténose isolée > 90 % ou mesure de la réserve coronaire (FFR) < 0,80) ou symptomatiques (sténose avec FFR < 0,80 ou > 90 % du diamètre avec persistance des symptômes sous traitement optimal). La revascularisation est chirurgicale (par pontage aortocoronaire) ou percutanée (par angioplastie). Les modalités sont discutées lors d’une réunion multidisciplinaire (heart team).
Une étude clinique récente (ISCHEMIA) n’a pas retrouvé de bénéfice sur la survenue d’événements cardiovasculaires à 3 ans d’une revascularisation précoce comparée au traitement médical seul dans l’angor stable avec ischémie modérée à sévère. Néanmoins, il semblerait exister un bénéfice fonctionnel en cas de revascularisation.

Infarctus du myocarde (IDM)

L’IDM correspond à une mort des cellules myocardiques causée par une ischémie prolongée. En 2018, la Société européenne de cardiologie a publié une 4e définition de l’IDM. Elle comprend 5 sous-types. Les types 4 et 5 font référence aux IDM post-procéduraux (type 4 après une angioplastie, type 5 après un pontage aortocoronarien). La définition de l’IDM commune aux types 1, 2 et 3 est une augmentation ou une diminution du taux de troponines cardiaques (cTnI ou T) avec au moins une valeur > 99e percentile de la valeur limite de référence et :
  • des symptômes d’ischémie myocardique aiguë ;
  • ou des modifications récentes à l’ECG en faveur d’une ischémie ;
  • ou l’apparition d’une onde Q de nécrose ;
  • ou un trouble de la cinétique segmentaire ventriculaire, d’origine ischémique, à l’imagerie ;
  • ou la présence d’un thrombus intracoronaire à la coronarographie ou lors de l’autopsie (IDM de type 1).
L’IDM de type 1 correspond à une complication aiguë de l’athéro­sclérose dont le mécanisme principal est la thrombose coronaire à l’occasion d’une rupture ou d’une érosion de plaque (fig. 1).
L’IDM de type 2 correspond à un déséquilibre entre les besoins et les apports myocardiques en oxygène, en dehors de toute complication aiguë de l’athérosclérose. L’IDM de type 2 est fréquemment rencontré en pratique clinique. Les mécanismes physiopathologiques sont variés : hypotension/état de choc, anémie sévère, hypoxémie, hypertension artérielle sévère ± hypertrophie ventriculaire gauche, tachyarythmie soutenue, valvulopathie sévère… La co-existence d'une athérosclérose coronaire est fréquente, aggravant alors l’ischémie myocardique.
Les IDM de type 3 sont les morts subites dont la cause coronarienne est suspectée devant des symptômes et/ou des anomalies de l’ECG.
La distinction entre STEMI (sus-décalage ST) et NSTEMI (pas de sus-décalage ST) lors d’un IDM aigu dépend de l’analyse de l’ECG, élément clé dans la décision du traitement adapté.
Il est important de préciser qu’en dehors de l’ischémie myocardique, les causes d’élévation des troponines cardiaques sont nombreuses, on parle alors de souffrance myocardique.

Syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segment ST (ou STEMI, pour ST-elevation myocardial infarction)

Le STEMI est l’expression d’une occlusion aiguë d’une coronaire, dont le mécanisme principal est la thrombose. La mortalité à 6 mois du STEMI en France est estimée à 5,3 %. Les hommes représentent près des trois quarts des STEMI avant 60 ans, au-delà le ratio homme/femme s’équilibre. Les femmes ont une symptomatologie atypique dans 30 % des cas et se manifestent plus tardivement que les hommes.

Diagnostic

La douleur est angineuse, intense, persistante (> 20 min), de repos ou à l’occasion d’un effort. Elle irradie dans le cou, la mâchoire inférieure et/ou le bras gauche et s’accompagne de manifestations neurovégétatives (sueurs, nausées, vomissements…) ou peut se présenter sous une forme atypique.
La trinitrine n’a aucune valeur diagnostique dans le syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segment ST, et son utilisation, possiblement délétère, doit être abandonnée dans ce contexte.
L’ECG 12 dérivations (souvent complété des dérivations droites et postérieures) est réalisé dès le premier contact médical. La présence d’un sus-décalage du segment ST avec miroir électrique suggère l’occlusion aiguë d’une coronaire : dans ≥ 2 dérivations adjacentes, élévation du segment ST ≥ 2 mm au niveau du point J chez l’homme > 40 ans (≥ 2,5 mm chez l’homme < 40 ans) ou ≥ 1,5 mm chez la femme dans les dérivations précordiales et ≥ 1 mm dans les dérivations frontales (fig. 2-7).
Le dosage des troponines cardiaques n’a pas sa place dans le diagnostic de syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segment ST (STEMI). Il est réalisé a posteriori lors de la surveillance après reperfusion.

Traitements de reperfusion : angioplastie primaire ou thrombolyse ? (fig. 8)

Dans le syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segment ST (STEMI), chaque minute compte ! Le temps d’ischémie est étroitement corrélé à l’étendue de la nécrose myocardique et au pronostic du patient. La décision du traitement de reperfusion repose sur une collaboration étroite entre le service d’aide médicale urgente (SAMU), les services d’urgence et le centre de cardiologie interventionnelle. Un traitement de reperfusion est indiqué pour tout patient avec syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segment ST (STEMI) dans les 12 h suivant le début des symptômes. Au-delà et jusqu’à 48 h, une angioplastie primaire est discutée en fonction de la persistance des symptômes, d’une instabilité rythmique ou hémodynamique. Le 15 et le centre de cardiologie interventionnelle le plus proche sont contactés dès le diagnostic de STEMI posé et un transport médicalisé est organisé sans délai, quel que soit le traitement décidé.
La décision dépend du délai estimé entre le diagnostic de STEMI et le passage du guide d’angioplastie dans la coronaire occluse :
  • > 120 min : la fibrinolyse est administrée en bolus dans les 10 min suivant le diagnostic. Son efficacité est évaluée à 60-90 min du bolus. La disparition de la douleur, la régression > 50 % du sus-ST et les arythmies ventriculaires de reperfusion (rythme idioventriculaire accéléré [RIVA]) sont les critères de succès. La fibrinolyse est d’autant plus efficace que son administration est précoce par rapport au début des symptômes (< 3 h). Les contre-indications doivent être prises en compte. En cas d’échec, une angioplastie en urgence est réalisée. Sinon, celle-ci est proposée dans les 2 à 24 h suivant le diagnostic ;
  • < 120 min : une angioplastie primaire est indiquée, avec un transport médicalisé vers le centre de cardiologie interventionnelle le plus proche. La voie radiale (vs fémorale) et la pose de stents actifs (vs non actifs) sont recommandées.

Traitement adjuvant

Les principaux acteurs de la thrombose coronaire sont les plaquettes et la thrombine (voie de la coagulation).
Le traitement antithrombotique associe :
  • une double antiagrégation plaquettaire (DAPT) :
. aspirine en dose de charge IV 250 mg,
. ticagrélor en dose de charge orale de 180 mg ou prasugrel en dose de charge orale de 90 mg. Le clopidogrel est proposé en deuxième intention ou en cas de fibrinolyse. Le ticagrélor et le prasugrel sont contre-indiqués en cas de fibrinolyse devant un sur-risque hémorragique,
. anti-Gp IIb-IIIa IV réservés à la salle de cathétérisme ;
  • une anticoagulation :
. énoxaparine 0,5 mg/kg IV (si fibrinolyse : 0,3 mg/kg, puis 1 mg/kg/12 h SC),
. héparine non fractionnée (70-100 UI/kg IV),
. bivalirudine IV (sauf si fibrinolyse).
Le traitement symptomatique associe :
  • de l’oxygène en cas de désaturation < 90 %. L’hyperoxie semble délétère sur le myocarde en cas d’ischémie ;
  • des antalgiques. La titration de morphine, largement utilisée, retarde et diminue l’efficacité des antiagrégants plaquettaires administrés par voie orale ;
  • des anxiolytiques.

Traitement au long cours et suivi

Une surveillance en soins intensifs avec monitoring électrocardiographique est recommandée pendant au moins 24 heures suivant d’admission.
La mobilisation est précoce pour la majorité des patients. La durée d’hospitalisation est déterminée individuellement en fonction du risque cardiaque, des comorbidités, de l’autonomie et du soutien social du patient.
Le traitement pharmacologique associe :
  • une double antiagrégation plaquettaire pendant 12 mois (pour tout type de stent) : aspirine 75 à 100 mg et ticagrélor 90 mg matin et soir ou prasugrel 10 mg ou clopidogrel 75 mg. Au- delà, l’aspirine est poursuivie à vie. En cas d’anticoagulation curative au long cours, le clopidogrel est privilégié (l’aspirine est alors maintenue 1 à 6 mois en fonction du risque hémorragique du patient) ;
  • un bêtabloquant est recommandé pour tout patient en l’absence de contre-indication, surtout si insuffisance cardiaque et/ou FEVG ≤ 40 % ;
  • des statines à fortes doses (atorvastatine 80 mg ou rosuva­statine 20 mg) avec un objectif de LDLc ≤ 0,55 g/dL ou une diminution ≥ 50 % du taux initial ;
  • les IEC et ARA II sont indiqués en cas d’insuffisance cardiaque, de diabète, d’insuffisance rénale ou d’infarctus du myocarde antérieur ;
  • les inhibiteurs de la pompe à protons sont réservés aux patients à risque de saignements gastro-intestinaux pendant la durée de la double antiagrégation plaquettaire ;
  • la trinitrine en spray sublingual en cas d’angine de poitrine réfractaire.
Un programme de réadaptation cardiovasculaire, possiblement ambulatoire, est fortement conseillé. L’intervention sur le mode de vie comprend le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire, la reprise adaptée de l’activité physique et professionnelle et l’adhésion au traitement.
Deux consultations sont planifiées dans la première année, avec un bilan biologique (fonction rénale, bilan lipidique, numération formule sanguine plaquettes [NFS]), un électrocardiogramme, une échocardiographie, un test d’ischémie non invasif et un bilan vasculaire.

Complications du syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du ST (STEMI)

Il s’agit de :
  • l’insuffisance cardiaque : de la congestion pulmonaire (Killip-Kimball II-III) au choc cardiogénique (Killip-Kimball IV) [tableau 2] ;
  • la tachycardie et la fibrillation ventriculaire (fig. 9)
  • la fibrillation auriculaire ;
  • le bloc auriculo-ventriculaire et dysfonction sinusale (fig. 10) ;
  • les complications mécaniques : rupture du pilier mitral (surtout postéro-médian), rupture septale, rupture de la paroi libre.

Syndrome coronarien aigu sans sus-décalage du segment ST (ou NSTEMI pour non ST-elevation myocardial infarction)

Le syndrome coronarien aigu sans sus-décalage du segment ST (ou NSTEMI) fait référence à un cadre nosologique plus vaste et hétérogène que le syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segment ST (STEMI). La distinction entre infarctus du myocarde de type 1 et de type 2 conditionne la prise en charge. Le dosage des troponines ultrasensibles (hs-cTn, en ng/L) joue un rôle central dans le triage des douleurs thoraciques suspectes de NSTEMI dans les services d’urgence. L’angor instable est une ischémie myocardique de repos sans nécrose identifiée La diffusion du dosage des hs-cTn dans les services d’urgence a induit une augmentation du nombre de diagnostics de NSTEMI au détriment de celui d’angor instable.

Diagnostic

La douleur angineuse survient au repos ou lors d'un faible effort, prolongée > 20 min ou sous la forme d'un angor de novo ou crescendo. L’examen physique recherche une instabilité hémodynamique, des signes d’insuffisance cardiaque, un souffle cardiaque, des signes en faveur d’une étiologie extracoronaire ou extracardiologique.
L’ECG 12 dérivations (complété par les postérieures et droites) est réalisé lors du premier contact médical en per- ou post-critique (fig. 11 et 12). Dans plus d’un tiers des cas, il est normal. Le dosage des hs-cTn complète la démarche diagnostique. Le seuil de positivité, défini comme étant le 99e percentile de la valeur limite de référence dans une population de sujets sains, dépend du kit des hs-cTn utilisé et du contexte épidémiologique local. L’algorithme de triage (fig. 13) actuellement recommandé s’appuie sur un dosage des hs-cTn à l’admission (H0) répété 3 h plus tard (H3), sauf si la douleur s’est manifestée ≥ 6 h avant l’admission. La valeur prédictive négative de cet algorithme dans le diagnostic d’IDM est de 99,6 %-100 %.

Traitement pharmacologique

Le traitement anti-ischémique a pour but d’optimiser l’apport d’oxygène au myocarde et d’en réduire ses besoins (oxygénothérapie, bêtabloquants sauf en cas d’insuffisance cardiaque, de dérivés nitrés).
Le traitement antithrombotique comprend l’aspirine administré dès le diagnostic de syndrome coronarien aigu sans sus-décalage du segment ST (NSTEMI). Le prétraitement par un anti- P2Y12 (ticagrélor, prasugrel, clopidogrel) est remis en question. La dose de charge sera administrée en salle de cathétérisme si une angioplastie est indiquée. L’anticoagulation repose sur le fondaparinux (2,5 mg SC). Un bolus complémentaire d’héparine non fractionnée (HNF) est administré lors de l’angioplastie.

Quand réaliser la coronarographie ?

Elle doit être réalisée :
  • en urgence (moins de 2 h) en cas d’instabilité hémodynamique ou de choc cardiogénique, de douleur thoracique persistante ou récidivante malgré le traitement anti-ischémique, d’arrêt cardiaque ou d’arythmie ventriculaire menaçante, de complications mécaniques post-infarctus du myocarde, d’insuffisance cardiaque ;
  • avant 24 h en cas d’élévation significative des troponines, d’anomalies dynamiques de la repolarisation, de score GRACE (Global Registry of Acute Coronary Events) > 140 (tableau 3) ;
  • avant 72 h en cas de diabète, d’insuffisance rénale, de FEVG < 40 %, d’angor précoce post-infarctus du myocarde, d’antécédent d’angioplastie ou de pontage, de score GRACE > 109
Chez les patients à bas risque, une stratégie non invasive peut se discuter (coroscanner ou test d’ischémie non invasif) avant d’envisager la coronarographie.
La revascularisation par angioplastie est proposée en première intention lorsqu’une lésion dite « coupable » est clairement identifiée. Une double antiagrégation plaquettaire est introduite pour une durée de 12 mois (réduite en cas de risque hémorragique élevé). La FFR ne permet pas d’identifier la lésion coupable dans le syndrome coronarien aigu sans sus-décalage du segment ST (NSTEMI). Le pontage aortocoronaire est proposé lors de la même hospitalisation pour les atteintes du tronc commun ou pluritronculaire. Dans 10 % des cas, aucune sténose ≥ 50 % n’est identifiée, le traitement est alors médical.
En l’absence de sténose coronaire à la coronarographie, la myocardite, le Tako-Tsubo, un spasme épicardique ou micro- vasculaire, une dissection coronaire spontanée ou un embole coronaire sont des diagnostics à évoquer. Le recours à l’IRM cardiaque, aux tests de provocation (Methergin) ou à l’imagerie endocoronaire est à discuter.
Points forts
Syndromes coronariens aigus

POINTS FORTS À RETENIR

La caractérisation de l’angor, le recueil des antécédents et des facteurs de risque cardiovasculaire sont déterminants dans le diagnostic de l’angor stable.

La probabilité prétest conditionne le choix du test diagnostique.

Le traitement pharmacologique et le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire sont la base de la prise en charge de l’angor stable.

L’indication d’une revascularisation est symptomatique ou pronostique et est discutée lors d’une réunion heart team. L’information et le consentement du patient sont des obligations légales.

Le STEMI est l’expression d’une occlusion aiguë d’une coronaire dont le mécanisme principal est la thrombose. Il s’agit d’une urgence absolue.

Le diagnostic repose sur les caractéristiques des symptômes et l’analyse de l’ECG.

Deux délais sont importants dans le STEMI :

- le délai entre le début des symptômes et le diagnostic de STEMI < 12 h et traitement de reperfusion (angioplastie primaire OU fibrinolyse) ;

- le délai estimé entre le diagnostic de STEMI et le passage du guide d’angioplastie dans la coronaire occluse si > 120 min fibrinolyse, si < 120 min angioplastie primaire.

Le NSTEMI est un cadre nosologique plus hétérogène. Peut être une complication aiguë de l’athérosclérose (IDM de type 1) ou l’expression d’un déséquilibre entre les besoins et les apports en oxygène au myocarde (IDM de type 2).

La troponine ultrasensible joue un rôle central dans la démarche diagnostique.

La coronarographie est proposée dans des délais qui dépendent du niveau de risque du patient. Pour les patients à faible risque, une évaluation fonctionnelle non invasive est raisonnable.

Message auteur

Syndromes coronariens aigus

Le STEMI doit être parfaitement connu car sa prise en charge est une urgence absolue.

Le NSTEMI est une présentation plus hétérogène devant laquelle il est nécessaire de prendre du recul sauf en cas de signes cliniques de gravité.

Exemple de Cas clinique

Patiente de 79 ans avec douleur thoracique et palpitations depuis 2 heures. L’ECG (n° 1) montre une FA avec sous-décalage diffus marqué. Il existe un souffle de rétrécissement aortique. La troponine sera à H+6 à 170 ng/L. Il s’agit d’un NSTEMI mais sur un mécanisme d’IDM de type 2. La réduction de la FA permet une normalisation de la repolarisation (ECG n° 2). La coronarographie ne retrouve pas de sténose > 50 %. Le rétrécissement aortique nécessite un complément de bilan. La prise en charge concerne la FA et le rétrécissement aortique.

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