Le tabagisme accroît les risques liés à l’infection tuberculeuse, mais l’arrêt du tabac améliore le cours de la maladie. L’investissement de tous les professionnels de santé est primordial pour promouvoir le sevrage tabagique des fumeurs atteints de tuberculose.
La tuberculose et le tabagisme causent des millions de morts dans le monde chaque année. Les principaux moteurs de l’épidémie tuberculeuse sont la propagation du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), la précarité économique des populations et l’émergence de cas de tuberculose résistante aux antituberculeux. Le tabagisme est également un cofacteur de tuberculose. Sa prévalence, qui s’accroît dans les pays émergents et chez les plus précaires, fait redouter l’augmentation du nombre de tuberculoses sévères.
Effets du tabagisme sur la tuberculose
Augmentation du risque et de la sévérité
Le tabagisme augmente le risque de tuberculose (odds ratio [OR] : 2,6 ; intervalle de confiance à 95 % (IC 95 %] : 2,1-3,4) : on estime que 12 à 20 % des cas de tuberculose sont directement liés à l’usage de tabac ;1 une étude fondée sur une modélisation mathématique du tabagisme a évalué qu’il pourrait augmenter le nombre de cas de tuberculose dans le monde de 18 millions entre 2010 et 2050.2
Les fumeurs, comparativement aux non-fumeurs, ont un risque plus élevé d’infection tuberculeuse latente (ITL) et de conversion des ITL en tuberculose maladie, avec des signes sévères comprenant l’altération de l’état général, la perte de poids, la toux et la dyspnée, des lésions radiologiques étendues souvent bilatérales, excavées et parfois des formes miliaires (fig. 1 ), une négativation plus lente des examens bactériologiques (expectoration et culture) qui marque une contagiosité importante comme un risque d’hospitalisations longues.1,3
Une association positive et dose-dépendante de l’usage de tabac est identifiée entre le tabagisme et le risque de décès par tuberculose (risque relatif [RR] : 2,15 ; IC 95 % : 1,38-3,35) et de récidives de la maladie dans les six mois qui suivent la fin du traitement (RR : 3,1 ; IC 95 % : 1,6-6).1,3
Les fumeurs sont moins observants du traitement antituberculeux et ce risque est indépendant de tout autre facteur.
Les fumeurs sont plus fréquemment exposés au risque de formes résistantes aux antituberculeux (OR : 1,70 ; IC 95 % : 1,30-2,23)4,5 ou marquées de séquelles radiologiques, fonctionnelles et de survenue ultérieure de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ou de cancer du poumon.1,2,5,6
L’usage associé de substances psychoactives, les comorbidités somatiques (infections par le VIH, de l’hépatite B ou C [VHB/C]), la précarité sociale sont plus fréquents chez les patients fumeurs et sources d’une plus grande sévérité de la tuberculose, avec un accès plus tardif aux soins ; la toux peut être rattachée au tabagisme ou à l’usage d’autres substances psychoactives de façon inappropriée, retardant le diagnostic de tuberculose.2-6
Les fumeurs, comparativement aux non-fumeurs, ont un risque plus élevé d’infection tuberculeuse latente (ITL) et de conversion des ITL en tuberculose maladie, avec des signes sévères comprenant l’altération de l’état général, la perte de poids, la toux et la dyspnée, des lésions radiologiques étendues souvent bilatérales, excavées et parfois des formes miliaires (
Une association positive et dose-dépendante de l’usage de tabac est identifiée entre le tabagisme et le risque de décès par tuberculose (risque relatif [RR] : 2,15 ; IC 95 % : 1,38-3,35) et de récidives de la maladie dans les six mois qui suivent la fin du traitement (RR : 3,1 ; IC 95 % : 1,6-6).1,3
Les fumeurs sont moins observants du traitement antituberculeux et ce risque est indépendant de tout autre facteur.
Les fumeurs sont plus fréquemment exposés au risque de formes résistantes aux antituberculeux (OR : 1,70 ; IC 95 % : 1,30-2,23)4,5 ou marquées de séquelles radiologiques, fonctionnelles et de survenue ultérieure de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ou de cancer du poumon.1,2,5,6
L’usage associé de substances psychoactives, les comorbidités somatiques (infections par le VIH, de l’hépatite B ou C [VHB/C]), la précarité sociale sont plus fréquents chez les patients fumeurs et sources d’une plus grande sévérité de la tuberculose, avec un accès plus tardif aux soins ; la toux peut être rattachée au tabagisme ou à l’usage d’autres substances psychoactives de façon inappropriée, retardant le diagnostic de tuberculose.2-6
Altération des défenses immunitaires
Le tabagisme, actif ou passif, altère les mécanismes de défense contre l’infection par Mycobacterium tuberculosis. La fumée de tabac diminue la clairance mucociliaire, la fonction phagocytaire des macrophages alvéolaires et l’activité des cellules tueuses naturelles. La nicotine est impliquée dans une production réduite de cytokines pro-inflammatoires telles que TNF-α, IL-1, IL-6, IL-8, IL-12 ;1 la diminution du taux d’interféron gamma (IF-Y) peut expliquer une moindre sensibilité diagnostique de son dosage chez le fumeur.7
Bénéfices du sevrage tabagique
De nombreux travaux ont révélé que l’arrêt du tabac chez un patient atteint de tuberculose réduit le risque de décès – avec un retour de la mortalité à un niveau analogue à celui des non-fumeurs –, qu’il diminue le risque de récidive, de séquelles radiologiques ou fonctionnelles ainsi que la durée d’hospitalisation. En outre, il s’accompagne d’une meilleure observance du traitement antituberculeux et de l’amélioration de la qualité de vie des patients.1,2,6
Sur la base de ces constats, l’Organisation mondiale de la santé a recommandé, dès 2007, que l’aide à l’arrêt du tabac chez les tuberculeux fumeurs soit conduite conjointement au traitement de la tuberculose.6 Cette mission est dévolue aux centres de lutte antituberculeuse (CLAT) depuis 2020.8 Les professionnels de ces structures ont initialement souligné un manque de formation pour mener cette intervention mais se sont adaptés pour mener à bien cette nouvelle mission.9
Sur la base de ces constats, l’Organisation mondiale de la santé a recommandé, dès 2007, que l’aide à l’arrêt du tabac chez les tuberculeux fumeurs soit conduite conjointement au traitement de la tuberculose.6 Cette mission est dévolue aux centres de lutte antituberculeuse (CLAT) depuis 2020.8 Les professionnels de ces structures ont initialement souligné un manque de formation pour mener cette intervention mais se sont adaptés pour mener à bien cette nouvelle mission.9
Aider les fumeurs tuberculeux à arrêter le tabac
L’aide à l’arrêt du tabac concerne l’ensemble des professionnels de santé des CLAT.
Le conseil d’arrêt du tabac est donné au patient fumeur dès le diagnostic de tuberculose, et les bénéfices de l’abstinence lui sont décrits, la motivation au changement de comportement peut être renforcée selon la stratégie « 5 A », fondée sur un soutien professionnel marqué d’empathie, en cinq étapes : Ask (identifier le tabagisme), Advise (conseiller l’arrêt), Assess (évaluer les souhaits du patient), Assist (aider l’arrêt), Arrange (organiser la prise en charge).2,10
Ces mesures permettent de doubler le taux d’abstinence au terme du traitement de la tuberculose (versus l’absence d’intervention).2,11
La réduction de la consommation de tabac n’est jamais une fin en soi car elle ne réduit pas la toxicité de l’usage résiduel. Toutefois, elle peut représenter, aidée par l’utilisation de substituts nicotiniques qui évite le phénomène d’hyperextraction de nicotine, une première étape vers l’arrêt complet.2
Les fumeurs dépendants à la nicotine (test de Fagerström ≥ 3 [fig. 2 ])12 relèvent du traitement substitutif nicotinique par pastilles ou gommes, au mieux associés à des patchs, conjugué à un soutien psychologique (thérapies cognitivo-comportementales) ;2,10 cette prise en charge permet d’augmenter le taux d’abstinence au terme du traitement de la tuberculose sous réserve que la posologie initiale du traitement substitutif nicotinique soit suffisante puis diminuée très graduellement, par paliers de deux mois et à chaque fois de 5 à 7 mg.
Outre les médecins, les sages-femmes, les médecins du travail, les chirurgiens-dentistes, les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes peuvent prescrire les traitements nicotiniques de substitution (remboursés à 65 % par l’Assurance maladie), qui sont bien tolérés et n’interfèrent pas avec les médicaments antituberculeux.2 L’ajustement de la posologie des traitements substitutifs nicotiniques est réalisé au cours du suivi des patients et tire profit des mesures d’éducation thérapeutique qui renforcent l’observance des pharmacothérapies, le sentiment d’efficacité personnelle, l’autonomie du patient et améliorent les chances d’abstinence vis-à-vis du tabac.2,13
Les fumeurs coconsommateurs de substances psychoactives et/ou atteints de troubles anxiodépressifs sont orientés vers les consultations d’addictologie.2
La cigarette électronique, moins nocive que le tabac, peut représenter une alternative temporaire, en usage exclusif, chez le fumeur qui continue à fumer en dépit des mesures qui viennent d’être décrites.2
L’aide à l’arrêt du tabac s’inscrit dans la prise en charge médico-psychosociale du patient qui a pour objectif de l’inciter à devenir le premier acteur de sa santé et de lui faire bénéficier des mesures de réinsertion socioprofessionnelle appropriées, après sa guérison.2 L’existence d’un protocole d’intervention auprès des fumeurs au sein des structures assurant les soins aux tuberculeux facilite tout à la fois leur prise en charge et les échanges entre les professionnels de santé.14
Le conseil d’arrêt du tabac est donné au patient fumeur dès le diagnostic de tuberculose, et les bénéfices de l’abstinence lui sont décrits, la motivation au changement de comportement peut être renforcée selon la stratégie « 5 A », fondée sur un soutien professionnel marqué d’empathie, en cinq étapes : Ask (identifier le tabagisme), Advise (conseiller l’arrêt), Assess (évaluer les souhaits du patient), Assist (aider l’arrêt), Arrange (organiser la prise en charge).2,10
Ces mesures permettent de doubler le taux d’abstinence au terme du traitement de la tuberculose (versus l’absence d’intervention).2,11
La réduction de la consommation de tabac n’est jamais une fin en soi car elle ne réduit pas la toxicité de l’usage résiduel. Toutefois, elle peut représenter, aidée par l’utilisation de substituts nicotiniques qui évite le phénomène d’hyperextraction de nicotine, une première étape vers l’arrêt complet.2
Les fumeurs dépendants à la nicotine (test de Fagerström ≥ 3 [
Outre les médecins, les sages-femmes, les médecins du travail, les chirurgiens-dentistes, les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes peuvent prescrire les traitements nicotiniques de substitution (remboursés à 65 % par l’Assurance maladie), qui sont bien tolérés et n’interfèrent pas avec les médicaments antituberculeux.2 L’ajustement de la posologie des traitements substitutifs nicotiniques est réalisé au cours du suivi des patients et tire profit des mesures d’éducation thérapeutique qui renforcent l’observance des pharmacothérapies, le sentiment d’efficacité personnelle, l’autonomie du patient et améliorent les chances d’abstinence vis-à-vis du tabac.2,13
Les fumeurs coconsommateurs de substances psychoactives et/ou atteints de troubles anxiodépressifs sont orientés vers les consultations d’addictologie.2
La cigarette électronique, moins nocive que le tabac, peut représenter une alternative temporaire, en usage exclusif, chez le fumeur qui continue à fumer en dépit des mesures qui viennent d’être décrites.2
L’aide à l’arrêt du tabac s’inscrit dans la prise en charge médico-psychosociale du patient qui a pour objectif de l’inciter à devenir le premier acteur de sa santé et de lui faire bénéficier des mesures de réinsertion socioprofessionnelle appropriées, après sa guérison.2 L’existence d’un protocole d’intervention auprès des fumeurs au sein des structures assurant les soins aux tuberculeux facilite tout à la fois leur prise en charge et les échanges entre les professionnels de santé.14
Le sevrage tabagique diminue les risques liés à la tuberculose
Le tabagisme accroît le risque d’infection tuberculeuse et de tuberculose maladie sévère, avec décès, récidive ou séquelles. L’arrêt du tabac améliore le cours de la tuberculose et participe à la lutte contre l’épidémie tuberculeuse. L’implication des professionnels de santé dans l’aide à l’arrêt du tabac des fumeurs tuberculeux est nécessaire.
Références
1. Underner M, Perriot J. Tabagisme et tuberculose. Presse Med 2012;41(12 Pt 1):1171-80.
2. Basu S, Stuckler D, Bitton A, Glantz SA. Projected effects of tobacco smoking on worldwide tuberculosis control: Mathematical modelling analysis. BMJ 2011;343:d5506.
3. Perriot J, Underner M, Peiffer G, Flaudias V. Stratégie et modalités d’aide à l’arrêt du tabac chez les fumeurs tuberculeux. Rev Med Liege 2020;75(2):100-4.
4. Wang MG, Huang WW, Wang Y, Zhang YX, Zhang MM, Wu SQ, et al. Association between tobacco smoking and drug resistant tuberculosis. Infect Drug Resist 2018;11:873-97.
5. Underner M, Perriot J, Peiffer G, Meurice JC, Dautzenberg B. Tabagisme et observance du traitement antituberculeux. Rev Mal Respir 2016;33(2):128-44.
6. Jiménez-Ruiz CA, Andreas S, Lewis KE, Tonnesen P, van Schayck CP, Hajek P, et al. Statement on smoking cessation in COPD and other pulmonary diseases and in smokers with comorbidities who find it difficult to quit. Eur Respir J 2015;46(1):61-79.
7. Altet N, Latorre I, Jiménez-Fuentes MÁ, Maldonado J, Molina I, González-Díaz Y, et al. Assessment of the influence of direct tobacco smoke on infection and active TB management. PLoS One 2017;12(8):e0182998.
8. World Health Organisation, International union against tuberculosis and lung disease. A WHO/The Union monograph on TB and tobacco control: Joining efforts to control two related global epidemics. WHO 2007. https://vu.fr/jnwtn
9. Fuhrman C, Gravil-Baillon, G., Fraisse P, Perriot J. Aide au sevrage tabagique : état des lieux des pratiques dans les centres de lutte antituberculeuse en 2021. Revue des maladies respiratoires Actualités 2022;14(1),25.
10. Slama K, Chiang CY, Enarson DA. Helping patients to stop smoking. Int J Tuberc Lung Dis 2007;11(7):733-8.
11. Arrêté du 27 novembre 2020 relatif aux centres de lutte contre la tuberculose. https://vu.fr/wmMdJ
12. Aubin HJ, Luquiens A, Dupont P, Borgne A. Stratégies thérapeutiques actuelles de la dépendance au tabac. Rev Prat 2012;62(3):347-9, 352-3.
13. Novotny TE. Smoking cessation and tuberculosis: Connecting the DOTS. Int J Tuber Lung Dis 2008;12(10):1103.
14. Enarson DA, Slama K, Chiang CY. Providing and monitoring quality service for smoking cessation in tuberculosis care. Int J Tuberc Lung Dis 2007;11(8):838-47.
2. Basu S, Stuckler D, Bitton A, Glantz SA. Projected effects of tobacco smoking on worldwide tuberculosis control: Mathematical modelling analysis. BMJ 2011;343:d5506.
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5. Underner M, Perriot J, Peiffer G, Meurice JC, Dautzenberg B. Tabagisme et observance du traitement antituberculeux. Rev Mal Respir 2016;33(2):128-44.
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7. Altet N, Latorre I, Jiménez-Fuentes MÁ, Maldonado J, Molina I, González-Díaz Y, et al. Assessment of the influence of direct tobacco smoke on infection and active TB management. PLoS One 2017;12(8):e0182998.
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9. Fuhrman C, Gravil-Baillon, G., Fraisse P, Perriot J. Aide au sevrage tabagique : état des lieux des pratiques dans les centres de lutte antituberculeuse en 2021. Revue des maladies respiratoires Actualités 2022;14(1),25.
10. Slama K, Chiang CY, Enarson DA. Helping patients to stop smoking. Int J Tuberc Lung Dis 2007;11(7):733-8.
11. Arrêté du 27 novembre 2020 relatif aux centres de lutte contre la tuberculose. https://vu.fr/wmMdJ
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14. Enarson DA, Slama K, Chiang CY. Providing and monitoring quality service for smoking cessation in tuberculosis care. Int J Tuberc Lung Dis 2007;11(8):838-47.