Si les bénéfices de l’arrêt du tabac sur la morbidité et la mortalité sont visibles rapidement après sevrage, une équipe de l’Institut Pasteur a dévoilé dans Nature, pour la première fois, que des séquelles au niveau de l’immunité innée et adaptative persistent à long terme chez les anciens fumeurs, probablement via des mécanismes épigénétiques…

Grâce à la cohorte « Milieu Intérieur », qui suit 1 000 volontaires sains afin d’étudier les facteurs génétiques et environnementaux contribuant à la variabilité des réponses immunitaires, ces chercheurs ont montré, pour la première fois, que les effets nocifs sur l’immunité engendrés par le tabac persistent à long terme même chez les personnes ayant arrêté de fumer. Leurs résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature .

Le tabac altère l’immunité innée et adaptative

Dans cette cohorte composée de près de 1 000 personnes âgées de 20 à 70 ans, 52 % des participants n’avaient jamais fumé, 27 % étaient anciens fumeurs et 21 % fumaient encore.

Les chercheurs ont prélevé des échantillons sanguins chez tous les participants, qu’ils ont ensuite exposés à une grande diversité de microbes (virus, bactéries, etc.). Ils ont mesuré la réponse immunitaire grâce aux niveaux des cytokines, pour étudier, parmi les variables dont ils disposaient (IMC, tabagisme, nombre d’heures de sommeil, activité physique, maladies infantiles, vaccinations, lieu de vie, etc.), celles qui avaient le plus d’influence sur les réponses immunitaires.

Les résultats ont montré que le tabagisme semblait influer sur l’immunité quasiment au même titre que le l’âge, le sexe ou les variables génétiques. Les deux autres facteurs identifiés étaient l’infection latente au CMV et l’IMC.

L’analyse a montré une réponse inflammatoire accrue chez les fumeurs et l’altération de l’activité de certaines cellules impliquées dans la mémoire immunitaire. Autrement dit, le tabagisme perturbe aussi bien les mécanismes de l’immunité innée que ceux de l’immunité adaptative.

Des mécanismes épigénétiques en cause ?

Les chercheurs sont allés encore plus loin : « En comparant les réponses immunitaires de fumeurs et d’ex-fumeurs, nous avons constaté que la réponse inflammatoire revenait rapidement à la normale après l’arrêt du tabac mais que l’impact sur l’immunité adaptative perdurait dans le temps, pendant 10 ou 15 ans [après le sevrage]  », explique Darragh Duffy, dernier auteur de l’étude.

Cela suggère que le système immunitaire garde « en mémoire » les effets du tabagisme sur le long terme, rendant probable l’implication de processus épigénétiques : en effet, l’étude a aussi montré que ces conséquences à long terme étaient associées à des différences de méthylation de l’ADN – susceptibles de modifier l’expression de gènes impliqués dans le métabolisme des cellules immunitaires – entre les fumeurs, les anciens fumeurs et les non-fumeurs.

L’implication de mécanismes épigénétiques interroge donc également sur la possibilité d’une transmission de ces effets à la descendance…

Pour en savoir plus
Institut Pasteur. Le tabagisme a des effets à long terme sur le système immunitaire. 14 février 2024.
Saint-André V, Charbit B, Biton A, et al. Smoking changes adaptive immunity with persistent effects. Nature 2024;626;827-35.

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