L’objectif de cette méta-analyse était d’évaluer si le traitement par Tamiflu (oseltamivir, un inhibiteur des neuraminidases) permet ou non de réduire le risque d’hospitalisation chez les patients infectés par le virus Influenza. Les études incluses étaient des essais cliniques randomisés comparant oseltamivir versus placebo (ou autre contrôle non actif). Quinze études ont été retenues, avec un total de 6 295 individus ; parmi eux, 54,7 % ont été traités par oseltamivir.
Les résultats sont parus dans le JAMA internal medicine : l’oseltamivir n’a pas réduit significativement le risque d’hospitalisation ni chez l’ensemble des patients, ni dans les groupes à risque de complications (sous-groupes « plus de 65 ans » ou « avec comorbidité à haut risque d’hospitalisation »). Son administration était associée à des effets indésirables : nausées et vomissements.
Le Tamiflu hors-jeu ?
Une étude avec quelques limites
Ce travail, très cadré et solide sur le plan statistique, a toutefois un biais majeur : au final, parmi les patients inclus, très peu sont hospitalisés. D’ailleurs, les auteurs le mentionnent largement dans la discussion « le taux d’hospitalisation était extrêmement faible, de 0,6 % (95 % CI, 0,14 % – 1,07 %) dans le groupe contrôle ». En d’autres termes, la majorité de la population analysée dans cette étude n’est pas à risque de formes graves nécessitant une hospitalisation : il est donc difficile de montrer l’impact de l’administration de l’oseltamivir sur la réduction d’un risque qui n’existe quasiment pas. Les auteurs discutent bien ce point et avancent des chiffres statistiques à l’appui sur le nombre de patients à inclure selon la population à risque étudiée pour un potentiel essai prospectif à mener (selon eux, il faudrait inclure 15 232 participants).
Que disent les autres données de la littérature ?
Les essais princeps concernant l’efficacité des monothérapies par oseltamivir et zanamivir dans le traitement curatif de la grippe montrent que ces molécules ont une efficacité réelle mais modeste. La durée des symptômes est raccourcie en moyenne de 24 heures chez l’adulte (5 jours sous placebo, 4 jours sous monothérapie), avec une diminution significative des niveaux de charge virale dans les sécrétions nasopharyngées.1,2,3
Des méta-analyses d’essais cliniques randomisés ont montré que l’oseltamivir per os à 75 mg deux fois par jour, dans un contexte de grippe non compliquée, diminue d’un jour la durée des signes cliniques et augmente de 4 % le risque de nausées et vomissements.4,5 Le traitement par oseltamivir diminue les complications respiratoires nécessitant des antibiotiques et les hospitalisations.4 Les méta-analyses de données individuelles (compilation de 78 études observationnelles sur 29 234 patients de tous âges entre 2009 et 2011) montrent une diminution de la mortalité de 50 % en cas de prise d’un inhibiteur des neuraminidases moins de 48 h après le début des signes cliniques.6
D’un point de vue virologique, il est clair que l’oseltamivir permet de ralentir la propagation des particules virales in vitro. Cependant, l’effet antiviral est moindre par rapport à celui d’une molécule qui bloque la réplication virale comme par exemple le baloxavir marboxil. Cette différence au niveau virologique a pu être mise en évidence en clinique, par une diminution plus rapide de la charge virale dans des échantillons respiratoires de patients infectés et traités avec cette molécule par rapport à l’oseltamivir.7
Qu’en retenir ?
En conclusion, le Tamiflu fait toujours polémique. Cette nouvelle méta-analyse ne montre pas un intérêt statistiquement significatif pour limiter les hospitalisations pour grippe. Cependant, existe-t-il un bénéfice individuel potentiel pour certains patients ?
2. Nicholson KG, Aoki FY, Osterhaus AD, et al. Efficacy and safety of oseltamivir in treatment of acute influenza: a randomised controlled trial. Neuraminidase Inhibitor Flu Treatment Investigator Group. Lancet 2000;355(9218):1845-50.
3. Treanor JJ, Hayden FG, Vrooman PS, et al. Efficacy and safety of the oral neuraminidase inhibitor oseltamivir in treating acute influenza: a randomized controlled trial. US Oral Neuraminidase Study Group. JAMA 2000;283(8):1016-24.
4. Dobson J, Whitley RJ, Pocock S, et al. Oseltamivir treatment for influenza in adults: a meta-analysis of randomised controlled trials. Lancet 2015;385(9979):1729-37.
5. Jefferson T, Jones MA, Doshi P, et al. Neuraminidase inhibitors for preventing and treating influenza in healthy adults and children. Cochrane Database Syst Rev 2014;2014(4):CD008965.
6. Muthuri SG, Venkatesan S, Myles PR, et al. Effectiveness of neuraminidase inhibitors in reducing mortality in patients admitted to hospital with influenza A H1N1pdm09 virus infection: a meta-analysis of individual participant data. Lancet Respir Med 2014;2(5):395-404.
7. Hayden FG, Sugaya N, Hirotsu N, et al. Baloxavir Marboxil for Uncomplicated Influenza in Adults and Adolescents. N Engl J Med 2018;379(10):913-23.