Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est une affection fréquente. Le médecin traitant doit être au fait des dernières avancées afin de favoriser un diagnostic précoce et la mise en place d’un projet thérapeutique. Tour d’horizon sur les aspects pratiques en termes de repérage (démarche initiale, nouvelles cotations pédiatriques en MG), d’orientation (plateformes de coordination et d’orientation) et de suivi (demande d’ouverture des droits à la Maison de l’autonomie, modalités d’adaptation du traitement…).
D’après Nirdé M, Purper-Ouakil D. Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité chez l’enfant et l’adolescent. Rev Prat Med Gen 2022;36(1068);271-7.
Comment repérer ?
Le TDAH associe un déficit de l’attention, une impulsivité et une hyperactivité motrice, à des degrés divers, entraînant une altération du fonctionnement social, scolaire, familial. Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques associant une anamnèse développementale à l’observation de l’enfant dans différents domaines de fonctionnement. Aucun examen paraclinique n’est nécessaire.
Plaintes évocatrices
L’enfant peut lui-même évoquer des difficultés : il a peu ou pas d’amis, il est en conflit avec ses parents, son estime de soi est faible.
Très fréquemment, c’est la famille qui évoque des problèmes :
- l’enfant est décrit comme facilement distrait, n’écoutant pas, rencontrant des difficultés à s’organiser, oubliant souvent des choses (déficit de l’attention) ;
- il coupe la parole, est impatient, a du mal à « obéir » (impulsivité) ;
- il peut être dépeint comme agité, ne tenant pas en place, pouvant se mettre en danger par ses comportements (hyperactivité motrice).
Le plus souvent, ces difficultés se ressentent dans le milieu scolaire. L’enfant est vu comme un rêveur, « dans la lune », avec des capacités de concentration très fluctuantes, des difficultés à mémoriser, à être autonome et à tenir en place sur sa chaise : « La maîtresse m’a alerté sur des problèmes d’apprentissage que rencontre mon enfant », « J’ai besoin d’une ordonnance pour un bilan orthophonique/orthoptiste/psychomoteur », « Il faut établir un certificat médical pour la Maison de l’autonomie (MDA) afin que mon enfant obtienne une aide humaine (AESH) » doivent faire évoquer un TDAH.
Consultations : 3 étapes
Lors de la première consultation, on recueille les antécédents familiaux et personnels de l’enfant. Des anomalies développementales peuvent orienter vers des diagnostics différentiels ou associés (troubles du spectre de l’autisme, du langage…). On réalise un examen clinique complet.
On peut remettre des questionnaires (Conners, ADHD-RS [Attention Deficit Hyperactivity Disorder Rating Scale] ou points forts-points faibles SDQ [Strengths and Difficulties Questionnaire]), à remplir par les parents eux-mêmes mais également par l’enseignant.
La 2e consultation permet d’évaluer les cahiers d’école de l’enfant (en proposant au préalable à l’enseignant de décrire en quelques mots les difficultés rencontrées) et les questionnaires remis la fois précédente.
On recherche aussi les principales comorbidités : troubles des apprentissages, trouble oppositionnel avec provocation, trouble des conduites, du développement intellectuel, du sommeil, les troubles psychiatriques et psychoaffectifs (dépression, anxiété, bipolarité). En cas de signes d’appel, des bilans paramédicaux ou psychologiques sont nécessaires.
La 3e consultation permet une synthèse et une discussion sur l’orientation de la prise en charge.
Le développement des consultations des infirmiers en pratique avancée (IPA) et des infirmiers délégués à la santé publique (IDSP), comme dans le dispositif Asalée, permet de convertir ces 3 consultations médicales en une consultation infirmière associée à une ou deux consultations médicales, qui font l’objet de nouvelles cotations depuis mars 2022 (tableau 1).
Vers quelle structure orienter ?
En cas de suspicion, il est nécessaire d’orienter vers un pédiatre, neuropédiatre ou pédopsychiatre quel que soit son mode d’exercice (CMP, libéral, hospitalier…), en tenant compte des comorbidités de l’enfant.
Le réseau de soins (personnel, communauté professionnelle territoriale de santé [CPTS], réseaux créés et soutenus par les agences régionales de santé) permet d’identifier les médecins correspondants formés. Des plateformes de coordination et d’orientation (PCO) pour les enfants de 0 à 6 ans ayant un possible trouble du neurodéveloppement (encadré) et leur équivalent pour les 7 à 12 ans sont en cours de déploiement sur l’ensemble du territoire.
Les situations d’emblée complexes sont aiguillées vers des équipes pluridisciplinaires (CMP de l’enfant et de l’adolescent, centre médico-psychopédagogique [CMPP]) ou des centres de référence hospitaliers (centres de référence des troubles du langage et des apprentissages [CRTLA], consultations spécialisées de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, centres hospitaliers universitaires).
Attention : pour réduire les délais diagnostiques, le médecin de premier recours peut faire réaliser les bilans orientés par son anamnèse (par exemple un bilan orthophonique en cas d’éléments en faveur d’un trouble du langage).
Quel suivi ?
Adapter la prescription initiale au besoin
Au terme de l’évaluation diagnostique, un parcours de soins est proposé par le médecin de 2e recours, le méthylphénidate étant indiqué dans les formes sévères (tableau 2). Ce traitement est prescrit pour une durée de 28 jours sur une ordonnance sécurisée mentionnant la pharmacie de délivrance, valable 72 heures. La prescription initiale se fait par paliers, afin de réduire les effets indésirables potentiels. Le schéma de prise (dose, heures, vacances, week-end) peut varier en fonction des symptômes, de leur retentissement et des effets indésirables. La prise se fait le plus souvent en une fois le matin (avec parfois un complément de dose à midi ou dans l’après-midi). L’effet diminuant au cours de la journée, il est possible que la famille ne perçoive pas de différence de comportement quand elle retrouve son enfant en fin de journée.
Lorsque le schéma thérapeutique est défini, l’enfant consulte le médecin de premier recours tous les mois pour le renouvellement. Cette consultation a pour but de rechercher les effets bénéfiques et indésirables : perte d’appétit, anorexie, nausées, diarrhées, palpitations, qualité du sommeil. D’autres paramètres sont également évalués : PA, fréquence cardiaque (à évaluer lorsque l’enfant a pris son traitement), poids et taille (à reporter sur les courbes pour rechercher une cassure).
Si les effets secondaires sont trop invalidants, il est possible de réduire la posologie, changer de galénique, passer à une forme à libération prolongée ou immédiate, voire tenter une période d’interruption du traitement. De plus, il est conseillé de mettre en place des fenêtres thérapeutiques à période variable durant l’été (en fonction du retentissement et de la sévérité du TDAH), afin de réévaluer le bénéfice et l’indication à poursuivre ou non le traitement.
Aménagements scolaires et mesures d’aide
L’école ou le collège demande fréquemment un certificat médical pour la mise en place d’un PAP (plan d’accompagnement personnalisé). Cela permet d’octroyer à l’enfant du temps supplémentaire, d’adapter les barèmes, de demander la bienveillance orthographique ou d’adapter l’environnement de la classe. Le certificat doit faire état du diagnostic, de la prise en charge, de la gêne fonctionnelle occasionnée et peut préconiser certains aménagements. Dans le cadre de la simplification administrative, le PAP et a fortiori le PPS (projet personnalisé de scolarité) ouvrent droit aux aménagements des épreuves du brevet et du baccalauréat.
Certaines situations nécessitent des aides et des aménagements plus conséquents. L’ouverture de droits à la Maison de l’autonomie (MDA) nécessite un certificat médical (rédigé sur un document spécifique appelé « Geva-sco » qui correspond au volet établi par l’équipe éducative de l’école ou collège) et le « Formulaire de demande » (rempli par les parents). La demande peut concerner, par exemple, un accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH) ou la mise à disposition d’un ordinateur pour compenser des troubles du graphisme manuscrit ou un trouble du langage écrit.
Des aides peuvent être octroyées aux parents afin de financer l’ergothérapie ou les consultations chez le psychomotricien : l’allocation d’éducation pour enfant handicapé (AEEH) est attribuée par la MDA et versée par la Caisse d’allocations familiales. Certains enfants évoluant dans un environnement précaire ou sujets à de multiples problèmes peuvent bénéficier d’un service éducatif et de soins spécifiques à domicile (SESSAD).
Un TDAH n’est pas considéré en soi comme une affection de longue durée (ALD) mais, en fonction de la gravité des troubles, il est possible de demander la mise en place d’une ALD « hors liste » ou d’une ALD32 (« polypathologie invalidante ») en fonction des comorbidités associées.
Ressources pour les patients
TDAH France (https://www.tdah-france.fr/)
TDAH partout pareil (https://tdah-partout-pareil.info/)
TDAH PACA (https://www.tdahpaca.org/)
TDAH à l’âge adulte (https://tdah-age-adulte.fr/)
Ouvrages :
- Franc N. L’hyperactivité chez l’enfant. 100 questions/réponses pour comprendre le TDAH. Paris: Ellipses, 2014.
- Vincent A. Mon cerveau a besoin de lunettes. Vivre avec l’hyperactivité. Montréal: Québecor, 2010.
- Bargiacchi A, Hubert A. Il est peut-être hyperactif ? Paris: Nathan, 2021.
- Caci H, Samitier MP. Toi, moi et le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité. Paris: Flammarion, 2021.
Encadré. Orientation et prise en charge dans les plateformes de coordination et d’orientation (PCO) pour les enfants avec suspicion d’un trouble du neurodéveloppement
- Dédiées aux enfants de la naissance à 6 ans et 11 mois, elles jouent un rôle de mise en place d’un parcours coordonné et précoce pour la prise en charge diagnostique des enfants dont le neurodéveloppement sort de la norme.
- Une grille de repérage (disponible sur https://bit.ly/3xKOYGq) est adressée à la PCO (en ligne pour certaines régions [Système de partage d’informations et de coordination en Occitanie]).
- La PCO envoie une réponse au médecin qui adresse le jeune patient (son éligibilité ou non est déterminée par cette grille).
- Si l’enfant est éligible, la PCO organise la mise en œuvre des bilans nécessaires en son sein, dans d’autres structures (centre médicopsychologique, centre médico-psychopédagogique, centre d’action médicosociale précoce) ou auprès de professionnels libéraux.
- Tout y est pris en charge (y compris ergothérapeute, psychologue, psychomotricien) pour une durée de 1 an, renouvelable sous conditions.
Nirdé M, Purper-Ouakil D. Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité chez l’enfant et l’adolescent. Rev Prat Med Gen 2022;36(1068);271-7.