C’est bien connu : les produits de coloration et décoloration capillaires classiques contiennent des substances irritantes et allergisantes. Mais qu’en est-il des nouvelles teintures « naturelles », à base d’extraits végétaux ? Faisons le point sur les données récentes et les mesures de prévention. 

Produits capillaires classiques : des risques connus de longue date

Les produits de coloration et décoloration classiques contiennent de nombreuses substances irritantes et allergisantes. Ils sont responsables de nombreuses affections chez les professionnels de la coiffure, pouvant être reconnues en maladie professionnelle (par exemple au titre du tableau 65 du régime général : « lésions eczématiformes de mécanisme allergique »).

Ces produits engendrent notamment :

  • Des atteintes cutanées :
    • dermites allergiques de contact (hypersensibilité retardée de type IV) : majoritairement dues aux colorants capillaires contenant de la paraphénylènediamine (PPD) ou ses dérivés, qui sont présents dans la majorité des colorations d’oxydation, dites permanentes, pénétrant dans le cheveu ; plus rarement liées aux persulfates alcalins (d’ammonium, de potassium et de sodium) contenus dans les produits de décoloration ;
    • à ne pas confondre avec les dermites irritatives de contact (v. tableau), affections inflammatoires d’origine non allergique, dues à des contacts répétés et prolongés avec des irritants, notamment lavage répété des mains ; toutefois, la présence d’une dermatite d’irritation peut favoriser la survenue secondaire d’une dermatite allergique de contact ;
    • exceptionnellement, des urticaires de contact (réaction immédiate d’hypersensibilité de type I).
  • Des pathologies respiratoires, notamment rhinites et asthmes allergiques (hypersensibilité immédiate) en lien avec les persulfates alcalins des produits de décoloration, plus rarement avec la PPD, ou avec des substances irritantes alcalines, comme l’ammoniaque, aussi contenues dans les teintures. Des formulations sous forme de poudre moins volatile ont été développées mais elles semblent peu utilisées en pratique.

Ces réactions peuvent aussi, bien sûr, toucher les clients : par exemple, eczémas allergique de contact à la PPD dans les suites d’une application de teinture.

Les persulfates, en particulier, ont fait l’objet d’un avertissement de l’Anses en 2019 : l’agence a recommandé de restreindre ces substances dans les produits capillaires afin de protéger la santé des travailleurs et des consommateurs exposés.

Plus de 1 100 cas de pathologies professionnelles en lien avec les persulfates (asthmes, dermatites allergiques de contact, rhinites, urticaires, choc anaphylactique…) ont été recensés en France par le Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P) entre 2001 et 2015. La quasi-totalité (98 %) concernaient des coiffeurs et coiffeuses. Plus d’un tiers (38  %) de ces travailleurs ont ensuite été déclarés inaptes au poste de manière permanente (ce qui implique une réorientation professionnelle). Enfin, en 2016, ces substances étaient la deuxième cause d’asthme professionnel en lien avec les expositions aux produits chimiques en France.

De ce fait, la mise en œuvre de mesures pour prévenir la sensibilisation des professionnels de la coiffure est indispensable (v. encadré).

Teintures végétales : ce n’est pas la panacée…

En raison de la toxicité bien connue de ces produits capillaires classiques, des colorations végétales se sont répandues sur le marché. Si leur composition se réclame « naturelle », elles ne sont pas pour autant dénuées de risques.

Ces teintures contiennent majoritairement des poudres de plantes tinctoriales. Elles recouvrent la cuticule du cheveu et ne pénètrent pas dans celui-ci, contrairement à l’association d’alcalins et de colorants synthétiques :

  • le henné rouge est la teinture végétale la plus connue et utilisée depuis longtemps, issue de la pulvérisation de feuilles et des racines de Lawsonia inermis (syn. Lawsonia alba). Elle peut être utilisée seule ou en association avec d’autres plantes selon la couleur attendue, par exemple Indigofera tinctoria, teinture indigo (bleu foncé) ;
  • des extraits végétaux avec un moindre potentiel tinctorial sont aussi utilisés pour d’autres effets et bénéfices (reflet, brillance…) : Cassia obavata  (dit henné neutre), plantes dites ayurvédiques, épices (curcuma), brou de noix, etc.

Or certaines protéines végétales peuvent induire des réactions allergiques, cutanées ou respiratoires. Le plus souvent, la sensibilisation survient lors de la préparation de la teinture, par exposition des voies respiratoires à la poudre de plante micronisée mélangée à l’eau.

Des cas rapportés par le RNV3PE ou publiés dans la littérature internationale en attestent : rhinite et asthme professionnels dus à l’inhalation de poudre de henné rouge seul ou mélangé au henné jaune (mécanisme d’allergie immédiate IgE-médiée) ; asthme, rhinite et urticaire de contact dus aux protéines d’I. tinctoria .

Si ces réactions semblent moins fréquentes avec les teintures d’origine végétale qu’avec les colorations classiques dites « chimiques », cela ne permet pas de conclure à un moindre risque absolu car l’usage de ces produits végétaux reste moins répandu. Ainsi, si ces alternatives végétales peuvent être intéressantes, notamment pour les professionnels ayant déjà une sensibilisation aux colorations classiques, cela n’exonère donc pas de la mise en place de mesures de prévention (v. encadré).

Encadre

Mesures de prévention pour éviter les réactions dues aux teintures

Port des protections individuelles : gants, masque FFP

Utilisation des produits les moins volatils : poudre compacte, pâte, granulés.

Préparation des mélanges de poudres sous un système d’aspiration localisée.

Ventilation adéquate du salon.

Nettoyage des surfaces de travail avec des éponges ou des chiffons humides pour réduire la dispersion des poussières.

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