Accélérée par la pandémie de Covid, la téléconsultation fait aujourd’hui partie de la pratique des généralistes : selon Doctolib, chaque praticien concerné ferait en moyenne 38 téléconsultations/mois. Comment mieux tirer profit de cet outil tout en évitant les écueils ? Le Collège de la médecine générale vient d’élaborer un guide pour cadrer les pratiques, avec une série de critères à respecter.

Si elle est de plus en plus utilisée, la téléconsultation peut sembler, par certains aspects, aller à l’encontre de l’exercice clinique (impossibilité de réaliser un examen clinique, d’analyser le langage non verbal du patient ; absence d’espace commun propice à la confiance et garantissant le secret médical…). À l’inverse, elle offre un certain nombre d’avantages, comme la possibilité de consulter pour les personnes qui ne peuvent pas se déplacer, d’effectuer un meilleur suivi, plus rapproché, dans certaines pathologies chroniques ou pour des patients peu observants, de proposer un cadre sécurisé à certains actes de soin auparavant réalisés entre deux consultations voire à titre gracieux (commenter un examen, par exemple).

Le Collège de la médecine générale (CMG) rappelle ainsi que la téléconsultation ne constitue pas un nouveau mode d’exercice à part entière, mais plutôt un outil au service des professionnels de santé et des patients qui, correctement utilisé, peut faciliter l’accès aux soins et le suivi des patients. Dès lors, comment mieux tirer profit de cet outil qui fait désormais partie de la pratique médicale, tout en évitant les écueils ?

Téléconsultation : à quelles conditions ?

• Le niveau de compréhension (des modalités de la téléconsultation et de l’entretien) du patient doit être suffisant.

La téléconsultation est donc peu adaptée à certaines populations (nourrissons, petits enfants, patients avec barrière de la langue), tandis que pour d’autres, en particulier les personnes âgées dépendantes, l’assistance par un membre de la famille, un aidant voire un professionnel de santé (pharmacien, IDE...) est préconisée.

• La confidentialité doit pouvoir être respectée, du côté du patient comme du médecin. Le praticien doit ainsi s’assurer de la possibilité du respect du secret médical dès le début de la téléconsultation (le patient est-il dans un endroit isolé ?) et lors de la transmission de documents (par voie sécurisée, en évitant les solutions « grand public », comme les services de messagerie électronique, ou les services tels que Skype, Messenger, WhatsApp, Zoom, etc.). Si ce n’est pas le cas, une consultation en présentiel est indiquée.

• La téléconsultation ne doit pas entraîner une perte de chance pour le patient. Si tel est le ressenti du côté du médecin ou du patient, il est nécessaire de prévoir rapidement une consultation en présentiel, voire, en cas de gravité, appeler le 15 ou orienter vers les urgences hospitalières.

Enfin, il convient de rappeler aux patients que la téléconsultation est plutôt adaptée à une situation de santé stable, avec un médecin qui le connaît déjà (idéalement le médecin traitant ou un de ses collaborateurs ou remplaçants ayant accès à son dossier médical) afin de ne pas favoriser le nomadisme médical avec une « consommation » de soins sans prise en charge globale ni projet de santé.

Quelle place dans les situations aiguës ?

La demande des patients en téléconsultation relèverait le plus souvent des soins non programmés (SNP) : apportant une réponse rapide, sans nécessité de déplacement, elle peut être privilégiée par de nombreux patients pour une demande de ce type.

Toutefois, en cas de pathologie aiguë, cette pratique place le médecin généraliste dans une position d’analyse limitée par :

• l’écran interposé qui modifie la relation médecin-malade et la perception de l’état de ce dernier ;

• l’absence d’examen physique (toucher, palpation, auscultation, etc.) et de vision d’ensemble du patient (inspection limitée au haut du corps, rendant difficile l’évaluation de la mobilité, de la marche, etc.) ;

• impossibilité de réaliser des examens cliniques complémentaires de pratique courante : tests de diagnostic rapide, bandelette urinaire, examens ORL, mesure tensionnelle, etc.

C’est pourquoi le CMG considère que dans la plupart de ces situations, la téléconsultation ne permet pas d’assurer un maximum de qualité et de sécurité.

Cependant, elle permet de répondre à certaines demandes et peut s’intégrer à une pratique de soins pour :

• répondre à une demande de SNP simple ne nécessitant pas d’examen clinique ;

• réévaluer l’évolution d’une pathologie aiguë sans nécessité de déplacement ;

• apporter une réponse à une urgence ressentie ne nécessitant pas de consultation présentielle.

Et dans le suivi de pathologies chroniques ?

La téléconsultation peut être plus adaptée à ces situations, qui correspondent à la très grande majorité des consultations de médecine générale et, souvent, ne nécessitent pas de prise en charge en urgence.

Néanmoins, il s’agit volontiers de situations complexes qui nécessitent la mise en œuvre de compétences spécifiques, et où le contact avec le patient et la possibilité d’avoir recours à l’examen clinique sont tout aussi importants.

• Les critères de qualité d’une prise en charge des situations non aigües en téléconsultation :

– le patient doit être connu du médecin soit parce qu’il en est un des patients habituels, soit parce qu’il l’a vu récemment, soit parce que le praticien a accès à son dossier médical ;

– le temps dédié doit être adapté, plus long que dans le cadre d’une pathologie aiguë ;

– la connaissance de l’environnement médico-social et territorial du patient est préférable pour orienter celui-ci de façon adaptée vers d’autres professionnels et/ou structures de soins ;

– la possibilité de revoir le patient pour la suite de la prise en charge est importante. À défaut, il est recommandé de remettre au patient un compte-rendu de consultation pour son médecin traitant, si le praticien effectuant la téléconsultation n’est pas le médecin traitant.

La téléconsultation serait particulièrement utile lorsqu’il s’agit de donner des résultats d’examens, d’adapter des traitements (INR, insuline ...), et pour de l’éducation thérapeutique, lorsque ces situations relèvent toutefois d’un suivi régulier en présentiel.

Il est ainsi déconseillé d’enchaîner les téléconsultations, ce qui nuirait à la continuité des soins et à la prise en charge globale. En effet, la téléconsultation favorise la focalisation sur le motif initial de consultation, ce qui peut conduire à ignorer des motifs cachés, voire les motifs « réels » lorsqu’un patient consulte sous prétexte parfois de « renouveler un traitement » ou de « montrer un résultat ». Elle peut aussi favoriser le report d’une consultation présentielle, donc d’un examen clinique approfondi, avec le risque d’entraîner un retard diagnostique donc une perte de chance pour la personne.

• Recommandations pour les patients dans le télésuivi de pathologies chroniques :

– prévoir un cadre calme de téléconsultation avec une connexion de qualité ;

– anticiper la téléconsultation en numérisant les documents médicaux de surveillance prescrits (biologie, lettres consultants, CR radio...) et en les téléchargeant si besoin sur l’application de téléconsultation ;

– si le patient dispose d’un appareil de prise de mesure à domicile (tensiomètre, lecteur de glycémie...) : faire les mesures (tension au repos, poids, température, glycémie) avant la téléconsultation ;

– s’il consulte avec un médecin occasionnel, se munir des documents concernant sa pathologie chronique avant la téléconsultation, puis penser à informer son médecin traitant de cette téléconsultation, idéalement en lui donnant le compte-rendu ou l’ordonnance fourni par le médecin occasionnel ;

– pour les patients plus fragiles et les plus vulnérables, se faire assister par un membre de sa famille, un aidant, voire un professionnel de santé (pharmacien, IDE...) ;

– rappeler la nécessité de faire, régulièrement, une réévaluation en présentiel.

Quelle prise en charge par l’Assurance maladie ?

Après un assouplissement des conditions de prise en charge par l’Assurance maladie durant la pandémie de Covid (téléconsultation remboursée même en dehors du parcours de soins, y compris pour une première consultation), le remboursement est aujourd’hui de nouveau conditionné au respect du parcours de soins, à la proximité territoriale et à l'alternance avec des consultations présentielles.

Enfin, il faut savoir que la téléconsultation est plafonnée à 20 % de l’activité totale, et le Conseil national de l’Ordre des médecins interdit l’exercice exclusif en téléconsultation, passible de poursuites disciplinaires et dépôts de plainte (voir son rapport actualisé sur le mésusage de la télémédecine).

Pour en savoir plus :
Collège de la médecine générale. La Télémédecine en médecine générale. Mars 2021.

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