Alors que la Drees a fait un état des lieux de la téléconsultation en médecine générale, le Conseil de l’Ordre a mis à jour son rapport sur le mésusage de la télémédecine : les dispositions exceptionnelles mises en place pendant la pandémie n’ayant plus cours, quelles sont les règles à respecter aujourd’hui ? quelles bonnes pratiques ? quelles sont les aides pour s’équiper en matériel connecté ?

Téléconsultation : quand et comment ?

Après un assouplissement exceptionnel des conditions de prise en charge par l’Assurance maladie durant la pandémie de Covid (téléconsultation remboursée même en dehors du parcours de soins, y compris pour une première consultation), le remboursement est aujourd’hui de nouveau conditionné à trois aspects censés garantir les exigences déontologiques de qualité, de sécurité et de continuité des soins, à savoir : (1) respect du parcours de soins coordonné, (2) être réalisée à proximité et répondre à une logique territoriale et (3) être réalisée en alternance avec des consultations en présentiel.

Pour cette raison, le Cnom a tenu à rappeler, dans un rapport sur le mésusage de la télémédecine récemment mis à jour, que la pratique de cette dernière via les plateformes commerciales proposant exclusivement ces services, à l’échelle nationale, sans ancrage territorial, est contraire à la déontologie (v. encadré ci-dessous).

La HAS souligne, de plus, que la téléconsultation doit être menée « selon les mêmes exigences qu’une consultation réelle, en réalisant un interrogatoire clinique adapté et en s’assurant de la bonne compréhension des explications par le patient ».

Respect du parcours de soins

Cela suppose une orientation initiale par le médecin traitant vers le médecin téléconsultant, quand ce n’est pas le premier qui fait la téléconsultation.

Mais il existe des exceptions où le respect du parcours de soins n’est pas exigé :

  • spécialistes en accès direct (gynécologie, ophtalmologie, stomatologie, chirurgie orale ou en chirurgie maxillo-faciale, psychiatrie ou neuropsychiatrie et pédiatrie) ;
  • patients de moins de 16 ans ;
  • situation d’urgence ;
  • patients ne disposant pas de médecin traitant, ou dont le médecin traitant est indisponible dans un délai compatible avec leur état de santé ;
  • détenus ;
  • personnes résidant en Ehpad ou établissements accueillant des adultes handicapés, souvent éloignées de leur domicile initial.

Dans ces situations, l’Assurance maladie préconise toutefois aux patients de se rapprocher d’une organisation coordonnée territoriale lorsqu’elle existe (information disponible auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie correspondante), afin notamment de trouver, dans un second temps, un médecin traitant pour le suivi au long cours et la réintégration dans le parcours de soins.

En outre, si la condition de la connaissance préalable du patient par le médecin effectuant la téléconsultation a été supprimée par arrêté ministériel en septembre 2021, le Cnom souligne que le patient a néanmoins vocation à être connu par le médecin et, de ce fait, à s’inscrire in fine dans un parcours de soins, gage de la qualité de la prise en charge (ce qui a été aussi affirmé par une décision du Conseil d’État d’octobre 2022).

Proximité et alternance avec consultations présentielles

Le recours à la téléconsultation répond à une logique territoriale : le médecin téléconsultant doit se situer à proximité du domicile du patient, dans l’objectifd’assurer un suivi régulier et d’organiser une consultation en présentiel si nécessaire.

Là encore, il existe des exceptions :

  • pour une téléconsultation avec un généraliste : si le patient n’a pas de médecin traitant et réside dans une zone où l’offre de soins est faible et qu’il n’existe pas d’organisation territoriale coordonnée sur le territoire ;
  • pour une téléconsultation avec un spécialiste : si le patient réside dans une zone où l’offre de soins est faible et qu’il n’existe pas d’organisation territoriale coordonnée sur le territoire.

Ainsi, pour assurer la qualité et la sécurité des soins, le suivi régulier doit se faire en alternant consultation en présentiel et téléconsultation. Il en découle que, comme le rappelle le Cnom, ni la prise en charge exclusive d’un patient en télémédecine ni la pratique exclusive de la télémédecine par un praticien ne sont conformes à la déontologie : pour rappel, un médecin ne peut réaliser, sur une année civile, plus de 20 % de son volume d’activité à distance (téléconsultations et téléexpertises cumulées) ; le non-respect de cette interdiction est passible de poursuites disciplinaires et dépôts de plainte.

La téléconsultation en MG aujourd’hui

Une étude récente de la Drees, sur les téléconsultations réalisées en médecine générale en 2020 et 2021 en France, a révélé un bon respect global de ces critères :

  • la téléconsultation a majoritairement lieu avec le médecin traitant, quel que soit le territoire de résidence du patient (c’est le cas de 69,1 % des téléconsultations réalisées en 2021 par des MG libéraux, contre 67,2 % des consultations en cabinet) ;
  • la plupart des téléconsultations sont effectuées à proximité du lieu de résidence du patient, et la distance entre la commune de résidence du patient et le cabinet du médecin téléconsultant n’est que légèrement supérieure à celle observée lors des consultations en cabinet (44,6 % des téléconsultations pratiquées dans la commune de résidence du patient contre 49,6 % au cabinet) ;
  • la consultation à distance représente 4,8 % de l’activité des MG libéraux de moins de 40 ans (et 2,5 % de celle des MG de 65 ans ou plus) ;

Ce rapport révèle par ailleurs que – pour les patients comme pour les médecins – les plus jeunes utilisent davantage cet outil : 45,2 % de ces téléconsultations sont réalisées avec des patients de 15 à 44 ans, contre 28,7 % des consultations en cabinet. Enfin, il s’agit d’une pratique avant tout urbaine : sept téléconsultations sur dix concernent des patients résidant dans les grands pôles urbains.

Des outils pour la pratique

Dans cette perspective d’ancrage de plus en plus développé de la téléconsultation dans la pratique des médecins, des guides de bonnes pratiques ont été édités :

  • par le Collège de la médecine générale : précisant dans quelles conditions elle peut être réalisée sans perte de chance pour le patient et en respectant la confidentialité, sa place dans les situations aiguës et dans le suivi des pathologies chroniques… Notre synthèse de ce guide pratique est disponible sur ce lien ;
  • par la HAS dans une fiche mémo « Téléconsultation et téléexpertise » (2019) et dans un « Flash sécurité patient » plus récent (2022), exemples à l’appui et avec des conseils pour l’organisation, le déroulement et les suites d’une téléconsultation (notamment la rédaction d’un compte rendu qui doit être transmis de manière sécurisée au médecin traitant).

Des conseils aux patients pour le bon déroulement d’une téléconsultation sont également disponibles sur le site Ameli.fr et dans une fiche élaborée par la HAS.

Enfin, il existe, pour rappel, une aide à l’équipement des médecins libéraux depuis 2019 (par le biais de deux nouveaux indicateurs inscrits dans le volet 2 du forfait structure), dans l’optique de la réalisation de consultations à distance :

  • un indicateur de 50 points (soit 350 €) permettant de s’équiper en vidéotransmission, de mettre à jour les équipements informatiques et de s’abonner à des plateformes de télémédecine pour assurer des actes de téléconsultation dans des conditions sécurisées ;
  • un indicateur de 25 points (soit 175 €) permettant de s’équiper en appareils médicaux connectés (appareils pour la mesure PA, caméra, outils de tests visuels, audiogramme, oxymètre, stéthoscope, dermatoscope…).

Encadre

Téléconsultations sur plateformes commerciales : non conformes à la déontologie médicale !

Dans son rapport sur le mésusage de la télémédecine, le Cnom fustige les plateformes commerciales qui proposent des « soins » de télémédecine à l’échelle nationale, en dehors de toute organisation territoriale reconnue et de tout parcours de soins (à ne pas confondre avec les sociétés qui proposent aux médecins installés les outils nécessaires aux téléconsultations).

L’exercice de la médecine via ces plateformes contrevient en effet aux dispositions conventionnelles qui définissent les trois cadres fondamentaux d’une téléconsultation (respect du parcours de soins coordonné, réalisation à proximité dans une logique territoriale, et alternance avec des consultations en présentiel).

En outre, ces plateformes font une promotion de nature commerciale d’ampleur nationale, alors que le Code de déontologie interdit aux médecins toute forme de publicité à caractère commercial. Le circuit financier que certaines d’entre elles mettent en place (encaissement direct des honoraires par la société) est, de plus, contraire au principe du paiement direct de l’acte par le patient au médecin, destiné à préserver l’indépendance professionnelle et morale de celui-ci.

Enfin, certaines plateformes ne respectent pas les règles relatives au recueil de données à caractère personnel de santé : outre le partage d’informations prévu dans certaines CGU (donc non conformes au respect du secret médical), ces plateformes utilisent souvent des hébergeurs de données non certifiés, situés à l’étranger (contraire aux dispositions prévues aux articles L1111-8 et R1118-8 et suivants du Code de la santé publique).

Ces problèmes se retrouvent aussi avec les télécabines proposant des consultations médicales à distance, installées par exemple dans les centres commerciaux.

Le Cnom a ainsi rappelé que, pour être conforme aux dispositions conventionnelles, la téléconsultation ne peut qu’être délivrée accessoirement ou subsidiairement à une activité principale de consultation présentielle, pour suppléer notamment à l’absence de praticiens sur un territoire donné ou à un moment donné, ou à la difficulté du patient de se déplacer ; et si elle peut, à titre dérogatoire, concerner des patients sans médecin traitant, c’est dans la perspective qu’ils puissent en trouver un, et donc principalement au bénéfice de patients domiciliés dans le territoire concerné. Ces règles ont été confirmées par le Tribunal judiciaire de Paris en novembre 2020, qui a considéré que la proposition d’une offre de téléconsultations par des médecins susceptibles de prescrire des soins et délivrer des arrêts de travail de manière indépendante de l’organisation territoriale prévue par la convention nationale était illégale.

Pour en savoir plus
Ordre national des médecins. Mésusage de la télémédecine. 31 mars 2023.
Assurance maladie. La téléconsultation. 1er mars 2023.
HAS. Flash Sécurité Patient – « Téléconsultation : à distance, redoubler de vigilance ». 7 décembre 2022.
Martin Agudelo L. Téléconsultation : premières recos du CMG !  Rev Prat (en ligne) 4 avril 2022.
HAS. Téléconsultation et téléexpertise : guide de bonnes pratiques. 20 juin 2019.

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