En raison d’une pénurie au niveau international, l’antibiotique rifampicine est en forte tension d’approvisionnement en France. En lien avec les sociétés savantes, l’ANSM a établi des recos pour les traitements alternatifs selon chaque indication.

Plusieurs médicaments à base de rifampicine (Rifadine 2 % suspension buvable, Rifadine 300 mg gélule, Rifadine 600 mg, IV, poudre et solvant pour solution pour perfusion, Rifinah 300 mg/150 mg, comprimé enrobé et Rifater comprimé enrobé) sont en situation de pénurie en France et dans d’autres pays, en raison notamment de la suspension d’activité du site de fabrication de matières premières de la société EuroAPI en Italie (défaillances du contrôle qualité identifiées lors d’un audit interne ; des investigations sont en cours par l’Agence italienne des médicaments).

Ces tensions d’approvisionnement risquent d’affecter également la disponibilité de la spécialité à base de rifampicine seule, Rimactan 300 mg, gélule.

Compte tenu du caractère indispensable de cet antibiotique, l’ANSM a mis en place un contingentement qualitatif en ville et à l’hôpital pour les formes pharmaceutiques administrées par voie orale. La spécialité Rifadine injectable n’est pas concernée par ces préconisations. De plus, des recommandations ont été établies pour chaque indication, en lien avec les sociétés savantes et les associations de patients.

Instauration d’un traitement

Jusqu’au retour à la normale des approvisionnements, la primo-prescription de rifampicine est restreinte aux professionnels exerçant en établissements de santé publics ou privés, ou aux centres de lutte antituberculeuse (CLAT) et dans les situations suivantes :

  • tuberculose maladie ;
  • infections aiguës ostéoarticulaires sur matériel avec stratégie chirurgicale conservatrice, documentées à staphylocoque (doré ou à coagulase négative) ;
  • endocardites infectieuses sur matériel et infections de prothèse vasculaire avec rétention de l’implant, documentées à staphylocoque (doré ou à coagulase négative) ;
  • exceptionnellement, au cas par cas et après avis spécialisé, lorsqu’il n’existe pas d’alternative.

Les prescripteurs en exercice libéral doivent donc se rapprocher des CLAT pour l’établissement de l’ordonnance de primo-prescription.

Renouvellement d’un traitement

Les renouvellements de traitement ne sont pas restreints : si votre patient suit déjà un traitement par rifampicine, vous pouvez poursuivre son traitement.

La mention « renouvellement » doit être indiquée sur l’ordonnance. Le formulaire de demande pourra être complété par les pharmaciens (le poids du patient doit être précisé). Lors du renouvellement d’un traitement d’infection ostéo-articulaire, le prescripteur peut être amené à l’adapter (v. ci-dessous).

Conduites à tenir selon la pathologie

Tuberculose maladie

La rifampicine, seule ou en association, est réservée au traitement curatif de la tuberculose.

Chez l’adulte, privilégier les formes combinées Rifater et Rifinah.

Infection tuberculeuse latente

Ne plus prescrire de bithérapie comprenant de la rifampicine et l’isoniazide.

La rifampicine peut être remplacée par l’isoniazide en monothérapie pendant 6 à 9 mois (Rimifon 50 mg, comprimé ; Rimifon 150 mg, comprimé ; Rimifon 500 mg / 5 ml, solution injectable / pour perfusion ; PDP-Isoniazid 10 mg/ml solution buvable, disponible en accès compassionnel ou par le bais de préparations magistrales).

En cas d’allergie ou de résistance : rifampicine en monothérapie pendant 4 mois.

Infections à mycobactéries non tuberculeuses

Pour les infections dues au complexe Mycobacterium avium  (les plus fréquentes) : ne pas prescrire de médicaments avec rifampicine et rifabutine. Prescrire un schéma qui associe de la clofazimine, de la clarithromycine (ou azithromycine) et éthambutol, sous surveillance de l’ECG.

Pour les autres infections à mycobactéries atypiques (M. kansasii, M. xenopi, ou autres) : demander un avis spécialisé auprès de la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) du centre national de référence (CNR) des mycobactéries ou de la RCP nationale mycobactéries GREPI.

Infections ostéoarticulaires

La rifampicine est réservée aux infections aiguës ostéoarticulaires sur matériel avec stratégie chirurgicale conservatrice, dues à un staphylocoque (doré ou à coagulase négative) sensible à la rifampicine chez l’adulte et chez l’enfant.

La posologie doit être de 10 mg/kg/jour (sans dépasser 900 mg/jour) et la durée de traitement limitée à 6 semaines maximum.

Si besoin, demander un avis spécialisé auprès d’une équipe multidisciplinaire en antibiothérapie de l’établissement, un service d’infectiologie hospitalier ou un centre de référence des infections ostéoarticulaires complexes (CRIOAC).

Endocardites infectieuses, infections de prothèse vasculaire

La rifampicine est réservée aux endocardites infectieuses sur matériel (valves prothétiques, sondes de pacemaker ou de dispositif électronique cardiaque implantable), infections de prothèse vasculaire avec rétention de l’implant, documentées à staphylocoque (doré ou à coagulase négative) sensible à la rifampicine.

Prophylaxie des infections invasives à méningocoque

Ne plus prescrire de rifampicine pour cette indication. Les alternatives définies dans les schémas de l'antibioprophylaxie sont les suivantes :

  • Ceftriaxone (voie injectable) : chez l’adulte, injection unique de 250 mg ; chez l’enfant, injection unique de 125 mg.
  • Ciprofloxacine (voie orale : comprimé, suspension buvable) : chez l’adulte, dose unique de 500 mg ; chez l’enfant : dose unique de 20 mg/kg (sans dépasser 500 mg). La ciprofloxacine appartenant à la classe des fluoroquinolones, il est indispensable d’expliquer au patient la conduite à tenir en urgence en cas d’effet indésirable grave.

Selon les situations, demander un avis spécialisé en infectiologie avant instauration de l’antibioprophylaxie, l’utilisation abusive d’antibiotiques en prophylaxie augmentant le risque de sélectionner des bactéries résistantes.

Autres indications

Dans les autres situations, en l’absence d’alternative et exceptionnellement, au cas par cas : demander un avis spécialisé auprès d’une équipe multidisciplinaire en antibiothérapie de l’établissement ou d’un service d’infectiologie hospitalier.

En particulier, pour la brucellose et la lèpre : CNR Brucella du CHU de Nîmes,CNR des mycobactéries et de la résistance des mycobactéries aux antituberculeux et le RCP Lèpre du CNR des Mycobactéries.

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