Pensées suicidaires et tentatives de suicide en hausse chez les jeunes
De nouvelles données du Baromètre santé, publiées dans le BEH à l’occasion de la journée nationale de prévention du suicide, confirment une détérioration de la santé mentale des jeunes adultes ces dernières années.
Fondés sur des interrogatoires téléphoniques et informatiques réalisés en 2021 sur un échantillon aléatoire de 31 033 personnes âgées de 18 à 85 ans résidant en France, les résultats de cette enquête montrent une prévalence de 4,2 % des pensées suicidaires au cours des 12 mois précédents, plus élevée chez les femmes (4,8 %) que chez les hommes (3,5 %).
C’est chez les personnes âgées de 18 à 24 ans que l’augmentation de cette prévalence entre 2010 et 2021 a été la plus flagrante, passant de 4,0 % à 9,4 % chez les femmes et de 2,5 % à 5,0 % (avec un pic à 7,1 %) chez les hommes (figures).
Quant aux tentatives de suicide, 6,8 % déclaraient en avoir fait une au cours de leur vie et 0,5 % au cours de l’année écoulée, sur toute la population interrogée (18 - 75 ans) ; les femmes étaient davantage concernées que les hommes, quelle que soit la tranche d’âge. Là encore, c’est chez les 18 - 24 ans que les prévalences des TS étaient les plus importantes : 9,2 % au cours de la vie et 1,1 % au cours de l’année précédente (respectivement : 12,8 % chez les femmes vs 5,8 % chez les hommes et 2,0 % vs 0,3 %).
Au-delà de l’âge et du sexe, certains facteurs de risque ont été identifiés dans cet échantillon : niveau socio-éducatif (diplôme inférieur au baccalauréat, personnes sans emploi), vulnérabilité socio-économique, isolement (vivant seules, famille monoparentale).
Qu’en retenir ?
La conclusion principale de cette enquête est une augmentation importante des pensées suicidaires et des tentatives de suicide au cours de la vie chez les 18 - 24 ans, observée depuis une dizaine d’années, alors que globalement, parmi les 18 - 75 ans, la prévalence des pensées suicidaires et des tentatives de suicide déclarées dans l’année était en légère baisse depuis 2014.
Chez les jeunes adultes, les prévalences élevées de tentatives de suicide et d’idées suicidaires constituent un changement notable puisqu’elles étaient inférieures ou comparables aux autres tranches d’âge de la population dans les Baromètres santé qui ont précédé la pandémie de Covid. Cette tendance converge avec la hausse de la prévalence des épisodes dépressifs constatée aussi dans cette tranche d’âge par le Baromètre santé 2021, et est également retrouvée à l’échelle internationale. Elle fait écho, par ailleurs, aux données hospitalières : augmentation des passages aux urgences pour troubles de l’humeur et gestes suicidaires chez les jeunes de 11 à 24 ans à partir du second semestre 2020 (rapport de la Drees, 2022). De plus, malgré le renforcement des dispositifs de prévention et de prise en charge depuis la pandémie, cette tendance semble s’inscrire dans la durée, puisque le nombre de passages aux urgences pour idées et gestes suicidaires était encore plus élevé en 2022 et 2023 qu’en 2021.
Les auteurs soulignent ainsi la nécessité d’avoir « une meilleure compréhension des mécanismes qui affectent la santé mentale des plus jeunes […] en vue de renforcer les politiques de prévention », d’autant plus que pour plus de la moitié (53 %) des personnes ayant effectué une TS dans cet échantillon, la tentative a été désignée comme étant un appel à l’aide sans véritable intention de mourir.
La nécessité d’améliorer la prise en charge est, elle aussi, rendue évidente dans cette étude : parmi les personnes hospitalisées pour TS, seules 57 % déclaraient avoir bénéficié d’un suivi après leur sortie de l’hôpital. De même, un peu moins de 57 % des personnes ayant fait une TS estimaient avoir reçu le soutien nécessaire pour s’en sortir – un chiffre qui apparaît comparable à celui observé en 2017 chez les 18 - 75 ans. Or comme l’a montré le dispositif VigilanS (cf. ci-dessous), certaines modalités de veille et de maintien du contact post-hospitalier avec les patients ayant fait une TS sont efficaces pour réduire le risque de récidive.
Quels dispositifs de prévention du suicide déployés aujourd’hui en France ?
Dispositif VigilanS. Créé en 2015, ce dispositif est un système de recontact et d’alerte qui met en place, autour de la personne ayant fait une tentative de suicide, un réseau de professionnels de santé pour garder le contact avec elle. En février 2023, VigilanS est déployé dans 17 régions, dont 4 régions d’Outre-mer, et dans 92 départements.
Le programme Papageno a pour objectif de lutter contre le risque de « contagion suicidaire ». Les personnes exposées directement ou indirectement à un événement suicidaire sont plus à risque d’avoir des idées suicidaires, ou même de passer à l’acte. Au niveau individuel, être exposé à un suicide multiplierait de 2 à 4 le risque de geste suicidaire.
Les maisons des ados proposent un accueil et des prises en charge, notamment en cas de souffrance en lien avec la santé ou l’orientation sexuelle : Trouver une MDA | ANMDA.
Les formations de secouriste en santé mentale. Le secourisme en santé mentale permet de repérer et aider une personne en souffrance ou en crise, afin de l’orienter vers des ressources et une prise en charge. Pour devenir secouriste : https ://pssmfrance.fr/etre-secouriste/
Le 3114 , numéro national souffrance et prévention suicide, est gratuit et accessible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 sur l’ensemble du territoire (métropole et Outre-mer). Il permet d’apporter une réponse immédiate aux personnes en détresse psychique et à risque suicidaire, à leur entourage, aux endeuillés par suicide, aux professionnels en lien avec des personnes suicidaires qui souhaitent obtenir des avis et des conseils spécialisés.
Fil Santé Jeunes – 0 800 235 236 :
- Service d’écoute anonyme et gratuit pour les 12 - 25 sur les thèmes de la santé, de la sexualité, de l’amour, du mal être, etc.
- Permanence d’écoute téléphonique tous les jours de 9 h 00 à 23 h 00.
- Tchat individuel ouvert tous les jours de 9 h 00 à 22 h 00.
Nightline : ligne d’écoute par et pour les étudiants, qui propose en ligne un « kit de survie » comprenant par exemple un outil d’aide à l’écriture d’un message pour dire à un proche qu’on va mal : Kit de (sur)vie : les bons outils pour ma santé mentale | Nightline.
Liste des numéros par ville : ici.
Annuaire de toutes les lignes d’écoute : https ://www.psycom.org/sorienter/les-lignes-decoute/.