De nombreux laboratoires proposent aujourd’hui de réaliser des analyses du microbiote intestinal très coûteuses afin d’obtenir des informations pour guider le diagnostic voire la thérapeutique (probiotiques, conseils nutritionnels…). Que dire aux patients ?

Avec l’arrivée des technologies de séquençage à haut débit, le microbiote a suscité ces dernières années un engouement scientifique exceptionnel. De nombreux travaux ont montré une corrélation entre les modifications du microbiote et du métabolisme microbien et une multitude de pathologies : maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, cancers, maladies métaboliques, cutanées, rhumatologiques, allergies, et mêmes troubles psychiatriques comme l’autisme ou la dépression. Mais attention : corrélation ne signifie pas causalité ! Ainsi, les bactéries identifiées comme étant associées à une pathologie n’en sont pas forcément à l’origine. Cependant, ils peuvent être des « biomarqueurs » intéressants, que cela soit à but diagnostique, pronostique ou thérapeutique. Ce domaine de recherche est donc en plein essor, mais il manque encore à ce jour de grandes études évaluant et validant l’intérêt de ces biomarqueurs pour guider les médecins dans des situations cliniques précises.

Paroles, paroles, paroles…

Depuis quelque temps, des laboratoires d’analyse médicale privés proposent des tests à réaliser sur prélèvement de selles ; certains envoient même un kit de prélèvement qu’il suffit de renvoyer par voie postale. Le résultat est délivré en 4 à 6 semaines, moyennant un coût d’environ 250 €, heureusement non remboursé par la Sécurité sociale. Ces labos promettent de fournir une « cartographie exhaustive du microbiote », avec des « informations détaillées sur la composition bactérienne du microbiote intestinal » tout en la comparant avec celle de la « population de référence ». L’objectif est de proposer une thérapeutique pour « rééquilibrer le microbiote » (conseils nutritionnels, probiotiques…).

Or la composition du microbiote est très variable, même chez les personnes en bonne santé : elle évolue en fonction de l’âge, de l’alimentation, de la géographie et du mode de vie… identifier une « population de référence » est donc bien délicat. De plus, peu de probiotiques ont fait la preuve d’une efficacité clinique dans quelques indications bien précises .

Aucun intérêt clinique actuellement

En conséquence, les tests actuels fondés sur l’analyse du microbiote ne sont pas recommandés par la Société nationale française de gastro-entérologie  (SNFGE). Cette dernière a souligné, après analyse de la littérature scientifique, que ces « tests basés sur l’analyse du microbiote intestinal n’ont aucun intérêt clinique  », avis partagé par la Société française de microbiologie.

Par ailleurs, selon la SNFGE, les recommandations nutritionnelles souvent prodiguées avec les résultats de ces tests sont générales (comme enrichir son alimentation en fruits et légumes, éviter la viande rouge, la charcuterie, les aliments ultratransformés, l’alcool et les sodas) et peuvent être faites sans avoir recours à ces tests onéreux ! De même, les recommandations pour recourir à tel ou tel probiotique avec les résultats de ces tests ne sont pas étayées scientifiquement et n’ont aucune base médicale.

Le chemin scientifique est encore long avant de pouvoir « manipuler » le microbiote de façon efficace !

Pour en savoir plus
SNFGE. Aucune utilité clinique des tests actuels basés sur l’analyse du microbiote intestinal. 29 janvier 2020.
Association française pour l’information scientifique. Tests microbiote, science ou pseudo-science ? 31 mai 2023.
Marteau P. Quelle place pour les probiotiques ?  Rev Prat 2019;69(7);794-5.
Dossier Microbiote intestinal, élaboré selon les conseils du Pr Harry Sokol.  Rev Prat 2019;69(7);775-804.
Coquant G, Mc Lellan P, Seksik P. Quel est le rôle du microbiote intestinal dans les MICI ?  Rev Prat 2019;69(7);796-9.

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