Devant une plainte mnésique, la recherche d’une cause organique, et en particulier d’une maladie cérébrale, est la première des préoccupations. Les tests occupent une place essentielle dans la démarche diagnostique, en recherchant les indices d’un dysfonctionnement des systèmes de mémoire, et en donnant des indications sur son mécanisme. Les tests de dépistage sont utilisables au cours d’une simple consultation ; les évaluations plus approfondies nécessitent, quant à elles, une consultation neuropsychologique dédiée.

Tests de mémoire pour évaluer l’apprentissage de nouvelles informations

Les tests de mémoire habituellement réalisés en clinique1 évaluent l’apprentissage de nouvelles informations, constituées soit d’un matériel visuel (figures avec ou sans signification), soit d’un matériel verbal (le plus souvent des mots). Il existe pour chacun de ces tests des scores seuils ou des données de référence recueillies chez des personnes sans trouble cognitif, qui permettent de statuer sur les performances mnésiques de la personne évaluée. Le choix du type de matériel utilisé doit tenir compte d’éventuels déficits cognitifs associés, affectant par exemple les gnosies visuelles, la mémoire sémantique ou le langage, qui pourraient gêner la réalisation du test.
Le principe des tests de mémoire est de fournir des informations à une personne et de lui demander de les restituer. Selon les tests, cette restitution peut être demandée aussitôt après la présentation du matériel, ce qui met en jeu la mémoire à court terme, ou bien après une activité interférente (ayant pour but d’empêcher la récapitulation des informations) ou un délai d’une vingtaine de minutes en général, au cours duquel d’autres activités que des tests de mémoire sont proposées, ce qui implique alors la mémoire à long terme.

Tests fondés sur du matériel visuel

Les tests de mémoire visuelle les plus simples demandent la restitution de figures géométriques (le plus souvent non verbalisables) comme dans la BEM 144,2 ou encore d’une figure complexe que le sujet a préalablement reproduite, comme dans le test de la figure de Rey.3 Dans certains tests, l’apprentissage est dit « incident », c’est-à-dire sans consigne explicitement donnée d’apprendre le matériel présenté. C’est le cas du DSM 484 qui a été développé pour le diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer. Dans ce test qui évalue la mémoire de reconnaissance visuelle, une série de quarante-huit images (objets ou animaux) avec ou sans signification (formes géométriques complexes) est présentée au sujet. Celui-ci a pour consigne de décider pour chaque image si elle comporte plus ou moins de trois couleurs, ce qui permet à l’examinateur de contrôler l’attention portée au matériel. Aucune consigne d’apprentissage n’est donnée. Après une activité interférente, on demande à la personne de reconnaître les dessins préalablement présentés, au sein de paires composées chacune d’un dessin de la série et d’un dessin nouveau. Cette tâche de reconnaissance peut également être proposée après une heure pour évaluer le stockage de l’information.

Tests utilisant du matériel verbal

Les tests utilisant du matériel verbal ont été plus développés afin d’évaluer différents aspects de la mémoire tels que les capacités d’apprentissage, l’intégrité des processus mnésiques (encodage, stockage et récupération) ou encore les effets d’interférence. Le principe de ces tests est de présenter des mots à une personne et de lui demander de les redonner, dans différentes conditions de présentation et de restitution. L’effet de ces conditions sur le score final donne des indications sur la nature des processus mnésiques altérés :
– l’absence d’effet de répétition des essais signale un déficit des capacités d’apprentissage ;
– l’absence d’effet d’un traitement plus approfondi sur le matériel (par exemple, faire une phrase avec le mot plutôt que dire s’il rime avec un autre) signale une atteinte du processus d’encodage ;
– l’amélioration d’un faible score de rappel libre par la présentation d’indices suggère une atteinte du processus de récupération ;
– une diminution trop marquée du nombre de mots restitués après un délai signale une atteinte du processus de stockage ;
– la baisse du nombre de mots restitués ou l’intrusion de mots consécutive à la présentation d’une liste de mots proches signale une augmentation de la sensibilité à l’interférence.
Le RL/RI 165 est le test de mémoire verbale le plus souvent employé dans le monde francophone. Ce test, qui consiste en l’apprentissage répété d’une liste de seize mots, vise à distinguer les troubles authentiques de l’apprentissage des troubles apparents consécutifs à des déficits stratégiques de récupération. Ainsi, l’absence d’amélioration du score par la fourniture d’indices, ou encore la présence de mots n’appartenant pas à la liste initiale (« intrusions ») est en faveur d’un authentique trouble de la mémoire. Trois listes de mots6 ont été élaborées, permettant de refaire le test chez un même sujet pour mesurer l’évolution des performances au cours du temps en éliminant tout effet d’apprentissage. Ce test n’est pas toujours très sensible, en particulier chez les personnes de haut niveau d’éducation. Des tests plus sensibles, reposant sur le même principe mais comprenant davantage de mots comme le RI-48,7 ont été mis au point.
Le California verbal learning test8, qui consiste également en un apprentissage répété d’une liste de mots, comprend en outre la mémorisation parallèle d’une deuxième liste de mots permettant d’évaluer les effets d’inférences particulièrement sensibles aux troubles précoces de la mémoire.
D’autres tests permettent d’évaluer séparément les différents processus mnésiques : encodage, stockage et récupération, comme le paradigme ESR9 et sa version réduite,10 ou bien de tester des effets de la valence émotionnelle positive ou négative du matériel sur sa mémorisation, comme la MEMO.11,12 La passation de ces épreuves est assez longue (25 minutes en moyenne) et leur interprétation nécessite une formation en neuropsychologie.
Certaines épreuves ont un format plus réduit et ne requièrent qu’une courte formation. C’est le cas des épreuves de rappel d’histoire comme celle du Lion13 qui permettent, en outre, d’évaluer la dimension logique de la mémoire. Elles consistent à lire une courte histoire au sujet, qui doit l’écouter attentivement avant de la restituer. En plus du nombre de propositions correctement rappelées, ce type de test permet de mettre en évidence la présence de digressions, voire de confabulations, et d’évaluer les capacités de la personne à organiser un matériel complexe au travers de l’architecture de la narration produite.
Enfin, il existe des tests de dépistage de la présence de troubles importants de la mémoire verbale. Ces tests comme le memory impairment screen, disponible en version française14, ou le test des cinq mots,15 même s’ils ne permettent pas de statuer sur la nature des troubles de mémoire, sont particulièrement simples et rapides (moins de 5 minutes) à réaliser et à interpréter (encadré).

Évaluation de la mémoire prospective

La mémoire prospective consiste à se souvenir de réaliser une action dans le futur, soit en réponse à l’apparition d’un signal de l’environnement (par exemple, sonnerie d’un minuteur) soit à un horaire ou après une durée déterminés. Une grande partie des plaintes exprimées par les personnes (oubli de rendez-vous, de prise de médicaments…) concerne cette forme de mémoire. Dans le test Mem-Pro clinic,18 la personne doit réaliser successivement quatre actions simples (par exemple, demander une enveloppe et y inscrire ses nom et adresse…), soit après un délai déterminé (5 ou 15 minutes), soit à un signal déterminé (ex. l’examinateur pose devant lui une feuille de couleur).

Évaluation de la mémoire rétrograde

Les tests de mémoire employés en clinique évaluent le plus souvent la composante antérograde de la mémoire,19 c’est-à-dire la capacité à apprendre de nouvelles informations. Bien que certains de ces outils aient montré une bonne sensibilité pour la détection des troubles précoces de la mémoire, les procédures employées ne permettent pas d’évaluer complétement la dimension épisodique de la mémoire, c’est-à-dire celle relative aux souvenirs constitués d’ensembles de faits vécus à des moments précis, localisés dans l’espace et dont l’évocation provoque un sentiment de revivre l’événement avec des détails perceptifs et des contenus émotionnels. Il existe peu de procédures standardisées d’évaluation des souvenirs utilisables en pratique clinique et elles concernent principalement la composante rétrograde de la mémoire, c’est-à-dire les souvenirs des expériences passées et les connaissances acquises antérieurement. Parmi ces procédures, l’autobiographical memory interview20 et le TEMPau21 permettent d’évaluer la mémoire autobiographique en distinguant des souvenirs épisodiques et des connaissances biographiques relatifs à des périodes de vie ancienne et récente.

Évaluation globale de la mémoire

Certaines batteries de tests permettent à la fois une évaluation globale de la mémoire et une comparaison des performances dans différentes dimensions. L’échelle clinique de mémoire de Wechsler dont la version francophone actuelle est la MEM-IV16 comporte huit ou onze subtests selon l’âge de la personne évaluée. La passation de ce test dure une à deux heures mais permet d’apprécier différentes dimensions de la mémoire : immédiate, différée, auditive, visuelle ainsi que la mémoire de travail, qui implique la manipulation de l’information pendant son maintien temporaire en mémoire. Le rivermead behavioural memory test-third edition (RBMT-3)17 place la personne évaluée dans des situations comparables à celles de la vie de tous les jours. Outre les aspects habituels de la mémoire, cette batterie permet d’évaluer la capacité de la personne à apprendre une tâche nouvelle et ses compétences en mémoire prospective.

Certains tests sont conçus pour le dépistage

Comme dans tous les domaines de la médecine, il existe, pour l’évaluation de la mémoire, un large éventail de méthodes, dont l’utilisation dépend du contexte. Certaines procédures sont utilisées le plus souvent en recherche, d’autres en pratique clinique. Parmi ces dernières, beaucoup nécessitent du temps et une compétence spécifique, et sont réservées aux neuropsychologues dans le cadre de consultations spécialisées, mais certaines ont été conçues pour le dépistage. Elles doivent faire partie, au même titre que le stéthoscope ou le tensiomètre, de l’arsenal clinique du généraliste, qui pourra s’en servir afin de savoir quels patients il est nécessaire d’adresser au spécialiste pour une exploration plus approfondie. 
Encadre

Deux tests simples

Le test des cinq mots de Dubois15 consiste à faire apprendre une liste de cinq mots (limonade, passoire, camion, musée et sauterelle) écrits sur une feuille. Les mots sont lus à haute voix par la personne examinée puis associés chacun à un indice correspondant à leur catégorie sémantique (boisson, ustensile de cuisine, véhicule, bâtiment, insecte). Immédiatement après cet encodage, un rappel libre (i.e. sans indice) est demandé et, pour les mots non rappelés spontanément, l’indice est proposé afin d’essayer de compléter la liste. Ce rappel immédiat permet de contrôler l’encodage qui doit être renouvelé pour les mots non rappelés. Après une activité intercurrente attentionnelle de trois à cinq minutes, la mémorisation est évaluée par un rappel libre complété si besoin d’un rappel indicé. Le score total (correspondant à la somme des rappels immédiat et après délai) de 10 est normalement attendu.

Contrairement au test des cinq mots, la procédure proposée dans le memory impairment screen14 ne contrôle pas l’encodage et accorde plus de points aux mots restitués en rappel libre (2 points) qu’à ceux en rappel indicé (1 point). Quatre mots présentés à l’écrit aux quatre coins d’une feuille doivent être appris. Comme dans le test des cinq mots, la personne examinée doit les lire et, à la demande de l’examinateur, les associer l’un après l’autre à une catégorie sémantique proposée. Après une tâche interférente de comptage à rebours de vingt secondes, un rappel immédiat suivi, si besoin, d’un rappel indicé sont demandés. Le score varie entre 0 et 8, et un score supérieur ou égal à 6 est attendu. Pour les personnes se plaignant de leur mémoire et un score au-dessous de ce seuil, un complément simple consistant à proposer de nouveau la procédure de rappel après dix minutes est recommandé. Aussi, est-il important de ne pas donner la réponse attendue et ne pas signaler la présence de mots n’appartenant pas à la liste lors du premier rappel. Pour le second rappel, un score inférieur ou égal à 6 constitue de la même façon un seuil d’alerte de troubles de la mémoire.

Références
1. Hugonot-Diener L, Barbeau E, Michel BF, Thomas-Antérion C, Robert P. Tests et échelles de la maladie d’Alzheimer et des syndromes apparentés. Marseille: Solal, 2008.
2. Signoret JL. Batterie d’efficience mnésique, BEM 144. Paris: Elsevier,1991.
3. Wallon P, Mesmin C. Test de la figure complexe de Rey. Paris: ECPA, 2009.
4. Barbeau E, Tramoni E, Joubert S, et al. Évaluation de la mémoire de reconnaissance visuelle : normalisation d’une nouvelle épreuve en choix forcé et utilité en neuropsychologie clinique. In: Van der Liden M, Adam S, Agniel A, et al. (eds.). L’évaluation des troubles de la mémoire. Présentation de quatre tests de mémoire épisodique (avec leur étalonnage). Marseille: Solal, 2008.
5. Van der Linden M, Coyette F, Poitrenaud J, et al. (2004). L’épreuve de rappel libre/rappel indicé à 16 items (RL/RI-16). In: Van der Liden M, Adam S, Agniel A et al. (eds.), L’évaluation des troubles de la mémoire. Présentation de quatre tests de mémoire épisodique (avec leur étalonnage). Marseille: Solal, 2008.
6. Stoykova R, Matharan F, Raoux N, Amieva H. Validation d’une troisième liste de mots pour l’épreuve rappel libre-rappel indicé à 16 items (RL-RI-16) : présentation de la liste C et étude de fidélité. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2013;11:317-22.
7. Adam S, Van der Linden M, Poitrenaud J, et al. L’épreuve de rappel indicé à 48 items (RI-48). In : Van der Liden M, Adam S, Agniel A et al. (eds.). L’évaluation des troubles de la mémoire. Présentation de quatre tests de mémoire épisodique (avec leur étalonnage). Marseille: Solal, 2008.
8. Poitrenaud J, Deweer B, Kalafat M, Van der Linden M. Adaptation en langue française du California Verbal Learning Test. Paris: ECPA, 2008.
9. Eustache F, Desgranges B, Lalevée C. L’évaluation clinique de la mémoire. Rev Neurol 1998;154:S18-32.
10. Eustache F, Laisney M, Lalevée C, Pelerin A, Perrotin A, Egret S, et al. Une nouvelle épreuve de mémoire épisodique : l’épreuve ESR-forme réduite (ESR-r), adaptée du paradigme ESR (encodage, stockage, récupération). Rev Neuropsychol 2015;7(3):217-25.
11. Desgranges B, Faraut E, Mondou A, Eustache F, Laisney M. La MEMO : évaluation de l’impact de l’émotion sur la mémorisation d’informations verbales en mémoire épisodique. Rev Neuropsychol 2018;10:257-63.
12. Laisney M, Pelerin A, Eustache F. Deux nouveaux indices évaluant l’effet de l’émotion sur la mémoire dans la MEMO : illustrations cliniques. Rev Neuropsychol 2023;15:39-44.
13. Croisile B. Histoire du Lion. In Hugonot-Diener L, Barbeau E, Michel BF, Thomas-Antérion C, Robert P (eds.). Tests et échelles de la maladie d’Alzheimer et des syndromes apparentés. Marseille: Solal, 2008.
14. de Rotrou J, Seux ML, Hanon O. Memory Impairment Screen (MIS et MIS D). In: Hugonot-Diener L, Barbeau E, Michel BF, Thomas-Antérion C, Roberty P (eds.). Tests et échelles de la maladie d’Alzheimer et des syndromes apparentés. Marseille : Solal, 2008.
15. Dubois B, Touchon J, Portet F, Ousset PJ, Vellas B, Michel B. « Les 5 mots », une épreuve simple et sensible pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer. La Presse Medicale 2002;31:1696-9.
16. Wechsler D. MEM-IV : échelle clinique de mémoire de Wechsler. Paris: ECPA, 2012.
17. Wilson BA, Greenfield E, Clare L et al. Rivermead behavioral memory test - Troisième édition. Paris: ECPA, 2010.
18. Lecouvey G, Morand A, Poissonnier A, Pelerin A, Ferreira da Silva L, de la Sayette V, et al. Une nouvelle épreuve de mémoire prospective : Mem-Pro clinic. Rev Neuropsychol 2021;13:43-58.
19. Becquet C, Quinette P, Eustache F, Desgranges B. Évaluation neuropsychologique de la mémoire épisodique. Rev Neuropsychol 2017;9:253-60.
20. Kopelman MD, Wilson BA, Baddeley AD. The autobiographical memory interview: A new assessment of autobiographical and personal semantic memory in amnesic patients. J Clin Exp Neuropsychol 1989;11(5):724-44.
21. Piolino P, Desgranges B, Eustache F. La mémoire autobiographique : théorie et pratique. Marseille: Solal, 2000.

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Résumé

Les tests de mémoire utilisés en pratique clinique concernent principalement la mémoire antérograde au travers de l’évaluation des capacités d’apprentissage, de maintien à court ou long terme des informations, et de récupération de celles-ci. Ils utilisent différents types de matériel (verbal ou visuel) et différentes tâches permettant de statuer sur l’intégrité des différents processus mnésiques : encodage, stockage et récupération.