La ménopause expose à un syndrome climatérique, mais aussi à un surrisque cardiovasculaire (CV) et osseux à moyen et long terme. Un traitement hormonal de la ménopause (THM) est proposé aux femmes symptomatiques, mais a-t-il un rôle en prévention de ces pathologies « silencieuses » ? Tour d’horizon sur la balance bénéfices-risques des traitements hormonaux systémiques et locaux d’après les dernières études, et sur les bonnes modalités de prescription.

La carence en estrogènes liée à la ménopause est responsable d’un syndrome climatérique (bouffées de chaleur à prédominance nocturne) chez 80 % des femmes caucasiennes, mais aussi de troubles du sommeil, de l’humeur, de la libido. Les douleurs articulaires et ligamentaires, notamment au niveau des poignets et doigts, sont le syndrome le plus courant chez les femmes asiatiques.

Le syndrome génito-urinaire de la ménopause, bien que moins évoqué par les patientes en consultation, est également fréquent (25 à 50 % des femmes) : il associe des symptômes vulvo-vaginaux (sécheresse, douleurs, brûlures, irritation, prurit) et/ou sexuels (dyspareunie) et/ou urinaires (pollakiurie, urgences mictionnelles, infections urinaires à répétition, brûlures).

La carence estrogénique est aussi responsable d’une perte osseuse qui concerne l’ensemble du squelette, avec une cinétique et une importance variables selon les femmes, et d’une altération de la micro-architecture osseuse, avec une désorganisation, un amincissement et une rupture des travées osseuses qui contribuent à la fragilisation du squelette.

La ménopause expose à un risque CV accru : le déficit progressif en estrogènes est associé à une période de transition métabolique et vasculaire, caractérisée par une prise de poids androïde (favorisant insulinorésistance, diabète, augmentation du LDL-cholestérol) et une progression de la maladie athéromateuse et des accidents thrombotiques. Le risque CV devient alors équivalent à celui de l’homme.

Ainsi, le début de la ménopause doit être une opportunité pour le médecin et pour les femmes d’identifier des facteurs de risque, notamment sur le plan osseux et CV, et de mettre en place des mesures de prévention.

Traitements des symptômes de la ménopause

L’efficacité du THM contre les bouffées de chaleur est amplement démontrée, avec un effet-dose-dépendant. En alternative, acupuncture, yoga et hypnose ont fait la preuve d’une certaine efficacité, mais moindre.

Pour la prise en charge du syndrome génito-urinaire, les effets du traitement hormonal systémique sont plus variables. En raison de son innocuité et de son efficacité, le traitement local est recommandé en 1re intention : lubrifiants et hydratants puis traitement hormonal vaginal à faible dose en cas d’effet insuffisant. L’estrogénothérapie locale minimise l’absorption systémique et les taux sériques d’estradiol ne dépassent pas la zone normale (< 20 μg/mL) chez les femmes ménopausées.

Prévention des maladies « silencieuses »

Pour prévenir les risques osseux et CV, les mesures hygiénodiététiques sont au premier plan : alimentation variée et équilibrée, arrêt du tabac, faible consommation d’alcool, bon apport en calcium 1 000-1 200 mg/j (sources alimentaires de préférence), apport protéique adéquat, niveau normal de vitamine D (> 30 ng/mL), activité physique régulière (pour la prévention de l’ostéoporose, les exercices physiques en charge avec impacts – marche, course à pied… – combinés à un renforcement musculaire semblent les plus efficaces).

THM : rôle dans la prévention CV ?

L’effet du THM sur le risque CV reste débattu. Une étude publiée en 2002 « Women Health Initiative » (WHI) a montré que l’administration orale d’une association d’estrogènes conjugués équins et acétate de médroxyprogestérone entraînait une augmentation du cancer du sein, mais surtout des accidents cardiovasculaires et cérébrovasculaires. Il s’agissait, cependant, de femmes de 63 ans en moyenne avec un délai entre le début du THM et le début de la ménopause de plusieurs années. Les ré-analyses de cette étude et différents essais randomisés ultérieurs ont remis en cause ces résultats, notamment pour les femmes en début de ménopause (< 60 ans). En effet, les estrogènes auraient plutôt un rôle favorable dans la prévention de l’athérosclérose, alors que, une fois les plaques formées, ils peuvent augmenter le risque de rupture.

D’autres études récentes ont confirmé l’absence de risque thromboembolique veineux lorsque les estrogènes sont administrés par voie transdermique.

En pratique, selon les recos du CNGOF, le THM ne doit pas être prescrit dans le seul but de la prévention CV. Les experts du consensus de la Société française d’HTA ont précisé ses indications et modalités selon les facteurs de risque CV dans l’algorithme ci-dessous.

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Algorithme d’aide à la prescription du traitement hormonal de la ménopause (THM) chez la femme hypertendue avec symptômes climatériques, selon la catégorie de risque cardiovasculaire (CV).

 

Prévenir la perte osseuse : efficacité du THM

Les estrogènes ont largement fait la preuve de leur efficacité pour prévenir perte osseuse et dégradation micro-architecturale, et diminuer l’incidence des fractures ostéoporotiques. Le THM diminue de 20 à 40 % le risque de fracture à tous les sites osseux. C’est à ce jour le seul traitement qui a fait la preuve de son efficacité aussi chez des femmes à faible risque de fracture. Cet effet est plus important avant l’âge de 60 ans.

Le THM a été pendant longtemps l’option thérapeutique de première intention pour la prévention de l’ostéoporose. Son utilisation s’est effondrée en 2002, après la publication des résultats de l’étude de la WHI citée ci-dessus.

Aujourd’hui en pratique, les dernières recos du CNGOF préconisent de mesurer ladensitométrie minérale osseuse (DMO) en cas de facteur de risque de fracture* mais aussi au cas par cas « lorsque la connaissance du niveau individuel de DMO est susceptible de modifier la prise en charge globale de la ménopause (risque CV, risque mammaire, troubles fonctionnels, qualité de vie), et notamment par le THM ».

Chez la femme à risque fracturaire en début de ménopause, il est recommandé de proposer en 1re intention la prise d’un THM pour prévenir l’ostéoporose. Le seuil d’intervention proposé est un T-score (vertébral ou fémoral) inférieur à -2, après prise en compte des autres facteurs de risque de fracture et de la balance bénéfice-risque individualisée du THM.

*facteur de risque : âge, antécédent de fracture par fragilité, antécédent d’hypogonadisme précoce, etc., et ceux considérés comme modifiables (IMC < 19, tabagisme, corticothérapie systémique…).

THM : quels risques ?

Dans une étude publiée récemment dans le Lancet Diabetes & Endocrinology, les auteurs font un point sur les dernières données et méta-analyses concernant la balance bénéfices-risques du THM. Pour les femmes âgées de 50-59 ans, à part le risque veineux avec les estrogènes per os (qui n’est pas observé en cas de voie transdermique), la balance bénéfices-risques du THM est largement positive, avec une réduction significative de la mortalité toutes causes confondues chez les femmes traitées comparativement à celles ayant reçu un placebo, mais aussi en termes de risque de fractures et de diabète. Concernant la mortalité toutes causes, les auteurs indiquent une diminution de 30 %, versus seulement une réduction de 12-14 % obtenue avec une modification de style de vie.

Quant au surrisque de cancer du sein, il est lié à la durée du traitement et aux molécules utilisées. Néanmoins, à l’échelon individuel, il est minime : l’étude d’observation anglaise « Million Women Study » retrouve un risque absolu de 2 cas supplémentaires pour 1 000 femmes traitées pendant 5 ans (6 cas supplémentaires après 10 ans de THM). Le surrisque disparaît en 2 ans à l’arrêt du THM. Par ailleurs, les études observationnelles françaises et européennes indiquent qu’il est fonction du type de progestatif utilisé : les combinaisons estradiol + progestérone micronisée ou dydrogestérone n’augmentent pas le risque pour un traitement de moins de 5 ans.

Ainsi, pour les auteurs de cette étude, l’indication du THM ne devrait pas se limiter au traitement symptomatique de la ménopause. S’il ne s’agit pas de le prescrire à toutes les femmes, il devrait aussi s’intégrer dans une démarche préventive, après évaluation de la balance bénéfices/risques individuelle. À condition, bien sûr, de suivre les schémas thérapeutiques recommandés : début de ménopause (< 60 ans), dosage faible, durée < 5 ans, réévaluation régulière, respect des contre-indications (modalités pratiques ci-dessous). 

 

Encadre

THM en pratique

  • Lequel ? Pour le THM, privilégier le 17-bêtaestradiol ou le valérate d’estradiol (la voie cutanée a l’avantage de ne pas augmenter le risque thromboembolique veineux) associés à la progestérone micronisée ou la dydrogestérone au moins 12 jours par mois pour protéger l’endomètre (sauf après hystérectomie). Selon les recommandations de la Société internationale de ménopause (IMS), lorsque l’atrophie vulvo-vaginale est le seul symptôme, les estrogènes locaux à faible dose sont à privilégier (l’association à un progestatif n’est pas nécessaire dans ce cas).
  • Quand ? Débuter un THM dans les premières années après le début de la ménopause (pas plus de 10 ans)
  • Quelle dose ? L’adaptation de la dose d’estrogène est faite sur les symptômes cliniques et non sur des dosages hormonaux. Si le THM a été prescrit dans le seul but de la prévention de l’ostéoporose, une faible dose suffit (réévaluer l’efficacité à 2 ans sur la DMO).
  • Quelle durée ? Les données actuelles ne permettent pas de recommander une durée optimale. Néanmoins, il est préféré de ne pas dépasser 5 ans et de réévaluer tous les ans la balance bénéfices-risques.
  • Quelles contre-indications ? Les CI absolues du THM sont les cancers hormonodépendants (sein et endomètre), les antécédents thromboemboliques artériels et veineux, les hémorragies génitales sans diagnostic établi et les affections hépatiques aiguës ou chroniques.

Pour en savoir plus
Trémollières F. Traitement hormonal de la ménopause et de l’ostéoporose. Rev Prat 2020;70(10);1097-9.
Poudou C, Fritel X. Item 124 (ancien 120). Ménopause et andropause – Partie : Ménopause. Rev Prat 2019 ;69(6);e203-7.
Poudou C, Fritel X. Item 124 (ancien 120). Focus : ménopause et THM. Rev Prat 2019;69(6);e208.
Mounier-Véhier C, Plu-Bureau G. Ménopause : dépister le risque cardiovasculaire. Rev Prat Med Gen 2020;34(1049);742-4.
Lopes P. Syndrome génito-urinaire de la ménopause. Rev Prat Med Gen 2020;34(1051);828-30.
GEMVi. Les RPC Ménopause 2021. Janvier 2021.
Trémollieres F, Chabbert-Buffet N, Plu-Bureau G, et al. Les femmes ménopausées : recommandations pour la pratique clinique du GNGOF et du GEMVi (texte court). Gynecol Obstet Fertil Senol 15 juillet 2021.
Lobo RA, Gompel A. Management of menopause: a view towards prevention. Lancet Diabetes Endocrinol 2022;10(6):457-70.

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