Les tics sont des mouvements spontanés répétitifs et involontaires. Il ne s’agit pas de mouvements anormaux stricto sensu mais plutôt de mouvements et de vocalises déplacés dans le temps, dans le contexte et dans la fréquence. La chronicité est avérée lorsque les tics persistent au-delà d’un an, qu’ils soient moteurs ou vocaux. Le plus souvent, ces deux types de tics chroniques sont associés ; cette association doit faire évoquer un syndrome de Gilles de la Tourette (SGT).

Reconnaître un tic 

Les tics peuvent survenir sur le plan moteur et vocal ; ils se déclinent en tics simples ou complexes. Ils se distinguent par le fait qu’ils sont généralement précédés par une sensation prémonitoire qui, à son tour, est soulagée après réalisation du tic. Aussi, un contrôle transitoire du mouvement ou de la vocalise est possible mais nécessite un effort. 

Dans le langage courant, le mot « tic » inclut des comportements répétitifs fréquents, comme le fait de relever une mèche de cheveux ou de tapoter les doigts sur la table, ce qui correspond plutôt à des comportements nerveux. 

Par ailleurs, il existe souvent une confusion entre tics et troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Ces derniers sont des comportements répétitifs – classiquement, de vérification et de lavage – qui visent à soulager l’anxiété liée à une pensée obsessive. À l’inverse, les tics sont automatiques, sans pensée ou anxiété particulière qui les sous-tendraient. 

Les tics sont fréquents et concernent environ 20 % des enfants pendant une période donnée de leur développement, généralement durant la première décennie de vie.1,2

La plupart du temps, ils disparaissent spontanément après quelques semaines ou quelques mois, et n’occasionnent pas de gêne dans la vie de tous les jours.

Quand les tics s’installent

S’ils persistent au-delà d’un an, on parle de tics chroniques, qui peuvent être moteurs, vocaux ou, le plus souvent, un mélange des deux. Dans ce dernier cas et en présence d’autres critères du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM- 5), il est possible de poser le diagnostic de SGT [encadré]. La prévalence de ce syndrome est de 1 % chez les enfants d’âge scolaire. 

Dans le cadre des tics chroniques, trois points sont importants à retenir :

  • la coprolalie (gros mots, insultes, obscénités) ne survient que chez une minorité de patients (10 à 20 %) et n’est pas un critère diagnostique obligatoire du SGT ;
  • les tics chroniques (incluant le SGT) ne posent, le plus souvent, pas de gêne psychosociale ou fonctionnelle particulière et ne nécessitent qu’une simple surveillance ;
  • beaucoup de tics moteurs et vocaux simples donnent lieu à des explorations somatiques, par exemple en ORL, pour des toussotements, raclements de gorge ou hemmages, ou en ophtalmologie pour des clignements d’yeux, ce qui provoque parfois une errance diagnostique.

Des explorations nécessaires ?

Le diagnostic des tics, et plus particulièrement du SGT, est purement clinique, il repose sur la présence de symptômes définis par le DSM- 5 (encadré) et ne nécessite aucune exploration. 

Néanmoins, des examens complémentaires (IRM cérébrale, par exemple) peuvent s’avérer nécessaires s’il s’agit d’exclure certains diagnostics différentiels.3

En neurologie, ceux-ci sont multiples mais rares. Il s’agit parfois d’éliminer des myoclonies, des dystonies ou des stéréotypies, ces dernières étant fréquentes dans les troubles du spectre autistique. 

En cas de suspicion d’épilepsie focale, un électroencéphalogramme est indiqué. Depuis 2020, avec la survenue de la pandémie de Covid- 19, on observe de plus en plus de mouvements ou vocalises fonctionnelles s’apparentant à des tics et qui semblent se propager par les réseaux sociaux ; en effet, de nombreuses vidéos de tics publiées sur les médias sociaux sont trompeuses, perpétuent de fausses croyances sur le SGT ou renforcent les comportements de type tics.4 

Comorbidités psychiatriques fréquentes

Les tics chroniques et le SGT apparaissent rarement de manière isolée et sont très fréquemment associés à des comorbidités psychiatriques (environ 85 % des cas) : troubles du neurodéveloppement comme le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), troubles obsessionnels compulsifs, anxiété, crises de rage, automutilations, troubles de l’apprentissage ou troubles du spectre autistique. 

Ces troubles associés sont fréquemment au centre des difficultés, bien plus que les tics à proprement parler. Dans ces cas, il est donc important d’obtenir un avis pédopsychiatrique et de hiérarchiser la prise en charge. 

Dans le SGT sans comorbidités (dit « pur »), les troubles du comportement sont extrêmement rares, et le TDAH (en particulier la composante hyperactive) est presque toujours présent si de tels troubles sont observés.

Évolution des tics chroniques et du SGT

L’affection débute dans l’enfance et évolue progressivement, avec une alternance de périodes d’aggravation et d’accalmie relatives des tics ; la fluctuation dans la sévérité de ces phases est parfois importante. Une amélioration est observée à la fin de la deuxième décennie chez la majorité des patients, mais des symptômes peuvent persister à l’âge adulte chez environ un tiers d’entre eux.

Adresser et prendre en charge

Quand et vers qui orienter ?

Si des tics sont suspectés et que la gêne sociale ou fonctionnelle est importante, l’avis d’un spécialiste doit être obtenu en fonction de l’âge du patient (psychiatre/pédopsychiatre ; neurologue/neuro-pédiatre). La consultation spécialisée permet de déterminer la sévérité des tics et la présence ou non de comorbidités. Le médecin traitant – souvent initiateur du repérage – assure quant à lui le relais dans la prise en charge et la prescription des traitements : incitation à l’observance, évaluation des effets indésirables, lutte contre la stigmatisation dans l’entourage. Il joue aussi un rôle important dans les rééducations, ainsi que dans les aménagements scolaires et professionnels.

D’abord la psychoéducation 

La prise en charge est bien codifiée et débute généralement par la psychoéducation. On entend par là le conseil auprès des patients et de leur famille ainsi que de l’école ou de l’employeur : il s’agit de rassurer et de démystifier les tics mais aussi d’insister sur leur bon pronostic ; en effet, les tics ont souvent tendance à diminuer de manière nette à l’âge adulte.

Dans un second temps, il est préconisé de ne traiter les tics que s’ils sont gênants au quotidien. Il faut également veiller à rechercher les comorbidités et surtout prioriser la prise en charge, en sachant que les tics n’apparaissent pas toujours au premier rang des plaintes du patient.

Généralement, la présence de quatre critères amène à initier un traitement : 

  • les tics sont gênants socialement ;
  • les tics entravent l’estime de soi ;
  • les tics interfèrent avec l’attention et la concentration ;
  • les tics sont à l’origine de douleurs ou de mutilations.

Quels traitements possibles ?

Parmi les types de traitement disponibles (figure), il existe tout d’abord les traitements non pharmacologiques, en premier lieu desquels les thérapies comportementales. Leur mise en place est recommandée en première intention, sous la condition que le patient soit suffisamment motivé (thérapie coûteuse en temps et en argent). Outre l’absence d’effets indésirables, leur grand avantage réside dans le fait qu’elles permettent une réduction des tics au long cours et non seulement de manière symptomatique. 

Concernant les traitements pharmacologiques, la molécule de premier choix est l’aripiprazole. Il est débuté à de très faibles doses (1 mg en solution buvable le soir, avec des fourchettes thérapeutiques habituelles entre 2 et 5 mg/j).

Enfin, il est possible de recourir à des injections de toxine botulique pour des tics simples. 

Les traitements chirurgicaux (stimulation cérébrale profonde) sont réservés aux formes les plus sévères et résistantes aux traitements précédemment cités. 

Scolarité et devenir

Une scolarité en milieu ordinaire est la règle et non l’exception.5 Même si les tics chroniques et le SGT s’insèrent dans le cadre des troubles du neurodéveloppement, l’intelligence est quasiment toujours normale, voire supranormale. Les difficultés scolaires, si elles existent, sont généralement davantage en lien avec un TDAH ou des troubles de l’apprentissage (dyslexie, dysgraphie, dyscalculie, dysorthographie). 

En outre, les tics sont souvent moins présents sur les temps scolaires qu’en milieu familial. Néanmoins, ceci est le résultat d’un contrôle des tics en classe, au détriment, peut-être, de l’attention. Les tics, surtout vocaux, peuvent gêner le déroulement des cours et donner lieu à des moqueries. Ainsi, il est essentiel d’informer la classe (enseignants et élèves) pour éviter la stigmatisation. 

Une fois adultes, la majorité des personnes avec des tics chroniques sont bien moins affectées, du fait de leur diminution spontanée et/ou d’une habituation, et même les adultes avec des tics notables ont généralement une vie professionnelle et familiale tout à fait normale, voire exceptionnelle. Dans le choix d’un métier approprié, il faut néanmoins composer en fonction des tics et des comorbidités.

Encadre

Critères diagnostiques du syndrome de Gilles de la Tourette selon le DSM- 5

  • Début avant l’âge de 18 ans
  • Présence de tics moteurs multiples
  • Au moins un tic vocal à un moment quelconque de l’évolution (pas nécessairement simultanément aux tics moteurs)
  • Les tics surviennent à de nombreuses reprises au cours de la journée, presque tous les jours ou de façon intermittente pendant plus d’une année
  • Les tics ne sont pas dus aux effets d’une substance (par exemple de la cocaïne) ou à une autre maladie (maladie de Huntington, encéphalite virale...)
Encadre

Que dire à vos patients ? 

  • Si une prise en charge est nécessaire, des conseils (psychoéducation) et une simple surveillance régulière sont souvent suffisants.
  • Si les tics gênants persistent, une consultation spécialisée et un suivi peuvent s’avérer nécessaires et permettre d’évaluer de possibles troubles associés.
  • La scolarité n’est généralement pas entravée par les tics. Néanmoins, informer la classe est utile et aide à éviter la stigmatisation.
  • Le pronostic des tics chroniques est généralement bon, avec une nette amélioration à l’âge adulte.

Liens utiles : 

Association française du syndrome de Gilles de la Tourette (AFSGT) : https ://www.france-tourette.org/ 

Centre de référence « syndrome de Gilles de la Tourette » : https ://pitiesalpetriere.aphp.fr/centre-syndrome-gilles-de-la-tourette/ 

Protocoles nationaux de diagnostic et de soins (PNDS) 2022 : https ://www.has-sante.fr/jcms/p_3346137/fr/syndrome-gilles-de-la-tourette 

Société européenne du syndrome de Gilles de la Tourette (ESSTS) : https ://www.essts.org/ 

Références 
1. Eapen V, Usherwood T. Assessing tics in children. BMJ 2022;376:e069346. 
2. Ueda K, Black KJ. A Comprehensive Review of Tic Disorders in Children. J Clin Med 2021;10(11):2479.
3. Szejko N, Robinson S, Hartmann A, et al. European clinical guidelines for Tourette syndrome and other tic disorders-version 2.0. Part I: assessment. Eur Child Adolesc Psychiatry 2022;31(3):383-402.
4. Frey J, Black KJ, Malaty IA. TikTok Tourette’s: Are We Witnessing a Rise in Functional Tic-Like Behavior Driven by Adolescent Social Media Use? Psychol Res Behav Manag 2022;15:3575-85.
5. Black KJ, Black ER, Greene DJ, et al.  Provisional Tic ­Disorder: What to tell parents when their child first starts ticcing. F1000Res 2016;5:696.

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essentiel

Les tics transitoires de l’enfance sont fréquents et ne doivent pas inquiéter. Si les tics persistent au-delà d’un an – deviennent chroniques – et induisent une gêne particulière (regard des autres, estime de soi, douleurs…), une prise en charge ciblée doit être proposée.

Le diagnostic des tics est clinique et ne nécessite généralement pas d’examens complémentaires.

Attention aux comorbidités psychiatriques associées aux tics chroniques qui priment souvent le tableau clinique et déterminent le handicap.

Les traitements possibles sont multiples : au premier plan, les thérapies comportementales, puis les médicaments (neuroleptiques à faible dose).