Craintes des randonneurs, les tiques vectrices de la maladie de Lyme s’invitent surtout entre le printemps et l'automne. Des chercheurs ont déterminé les habitats les plus favorables à Ixodes ricinus, principal vecteur en France, en fonction de la saison, du climat et de l’altitude.

Été rime avec balades en pleine nature… Des randonnées qui peuvent être à l’origine de la rencontre malencontreuse avec Ixodes ricinus. Tique la plus ubiquitaire en France, elle est vectrice de la borréliose de Lyme, l’anaplasmose et l’encéphalite à tiques.

Ce sont des tiques en leur stade nymphal (petites et passant facilement inaperçues) qui sont responsables de la plupart des piqûres chez l’homme. Selon le réseau Sentinelles, il y a eu plus de 60 000 cas de maladie de Lyme en métropole en 2020, un bilan en augmentation.

Pour mieux comprendre la répartition de ces tiques, des chercheurs de l’Inrae, de VetAgro Sup, de l’Anses et du Cirad se sont associés pour établir une carte détaillée des habitats de France métropolitaine favorables à Ixodes ricinus (figure). Publiés dans Scientific Reports et Geospatial Health, leurs résultats éclairent les ressorts de l’abondance relative des tiques en fonction du climat.

Pour déterminer les habitats les plus favorables à Ixodes ricinus, les auteurs du papier publié dans Geospatial Health ont disséqué le climat, l’altitude, la couverture végétale et la densité en ongulés sauvages à très fine échelle sur tout le territoire français, hectare par hectare. Croisées avec des données des sept observatoires d’activité des tiques de France, ces informations permettent d’établir les zones les plus et les moins à risque de tiques.

Selon la région où vous habitez, la prolifération des tiques va suivre trois schémas annuels, déterminés par des relevés d’acariens à l’année au niveau des sept observatoires français et publiés dans l’étude de Scientific Reports. Ces schémas étaient déjà reconnus à l’échelle mondiale. Le premier schéma d’abondance des nymphes d’Ixodes ricinus se rencontre dans les régions froides (par exemple en Carélie), avec un pic de présence unimodal estival des nymphes de tiques, suivi par une pause hivernale totale. Le deuxième schéma, intermédiaire, correspond à un climat plus tempéré (comme en Russie européenne), et est marquée par une répartition bimodale, avec un pic de présence estival et un pic de présence automnal. Enfin, le dernier schéma, propre aux climats chauds comme en Algérie, a une répartition unimodale avec un pic de présence à la fin de l’hiver.

L’étude de Scientific Reports montre que les nymphes françaises d’Ixodes ricinus rentrent dans ces trois schémas, avec cependant moins d’écarts entre eux, étant donné les différences climatiques plus limitées au niveau de la France métropolitaine qu’au niveau mondial.

Ainsi, si vous bivouaquez cet été en montagne à plus de 1 500 mètres ou le long des côtes méditerranéennes, bonne nouvelle : vous avez peu de chances de rencontrer des tiques Ixodes ricinus, qui supportent mal le froid et les sols secs.

À l’inverse, le risque est maximal dans les régions au climat montagnard ou semi-continental, comme le Massif central. Dans ces régions, on observe le premier schéma d’abondance des tiques, caractéristique des régions froides (courbe de répartition unimodale, pic estival et absence hivernale).

Le risque estival est moindre dans les régions au climat intermédiaire, où la répartition des nymphes suit le deuxième schéma (courbe bimodale, avec un pic principal au printemps et un pic moins important en automne). Enfin, les régions plus chaudes comme le Sud-Ouest ou les régions soumises à un climat océanique montrent une courbe de répartition unimodale des nymphes, avec un pic printanier et sans pause hivernale. Quelle que soit votre destination, le port d’une tenue couvrante et une inspection sous la douche une fois la balade terminée restent les manières les plus simples de se protéger.

Encadre

Principaux risques infectieux liés aux piqûres de tiques en France.

En 2019, 30 % de la population française déclarait avoir été piquée par une tique au cours de la vie et 6 % au cours des 12 derniers mois (BEH n° 5, février 2022) : des proportions en augmentation par rapport aux années précédentes (respectivement de 25 % et 4 % en 2016).

Environ 40 espèces sont présentes en France, avec 6 genres principaux : Ixodes – la plus ubiquitaire –, Dermacentor, Rhipicephalus, Haemaphysalis et Hyalomma (tiques dures de la famille des Ixodidae), ainsi qu’Argas (tiques molles de la famille des Argasidae). Les tiques dures sont les plus incriminées dans les piqûres humaines ; elles sévissent le jour et font de longs repas sanguins : de 3 à 10 jours !

Les pathogènes transmis varient en fonction du genre de tique :

– Ixodes : transmettent surtout la borréliose de Lyme, l’anaplasmose (infection bactérienne due à Anaplasma phagocytophilum) et le virus de l’encéphalite à tiques.

– Dermacentor (stade adulte) : responsable surtout de rickettsioses à R. raoulti ou R. slovaca.

– Rhipicephalus : peut transmettre R. conorii, responsable de la fièvre boutonneuse méditerranéenne.

– Hyalomma : vectrices du virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (pas de cas autochtones à ce jour en France, mais ce type de tique est bien implanté en Corse et dans le sud de la France ; 9 cas en Espagne depuis 2016).

Pour en savoir plus
Wongnak P, Bord S, Jacquot M, et al. Meteorological and climatic variables predict the phenology of Ixodes ricinus nymph activity in France, accounting for habitat heterogeneity.  Sci Rep 12 mai 2022.
Lebert I, Bord S, Saint-Andrieux C, et al. Habitat suitability map of Ixodes ricinus tick in France using multi-criteria analysis.  Geospat Health 17 mai 2022.
Chaveau L. CARTE. Piqûres de tiques : où partir en France cet été pour s’en prémunir ?  Sciences et Avenir 10 juin 2022.
Lire aussi :
Boulanger N. Divers types de tiques : que transmettent-elles ?  Rev Prat Med Gen 2020;34(1043);456-6.
Nobile C. Suspicion de Lyme : que faire en MG, quand et à qui adresser ?  Rev Prat (en ligne) 16 mars 2022.
Tranchant C. Neurolyme : comment faire le diagnostic ?  Rev Prat Med Gen 2019;33(1022);428-9.
Bourée P. Tiques : aussi dans les jardins !  Rev Prat (en ligne) 17 août 2021.