Dans l’objectif de mieux comprendre l’écologie des tiques et des agents pathogènes qu’elles peuvent transmettre (encadré ci-dessous), ainsi que d’améliorer la prévention, l’Inrae a lancé CiTIQUE-TRACKER : le site web https://ci-tique-tracker.sk8.inrae.fr/ permet de visualiser les données de signalement de piqûres de tiques issues du programme de recherche participative CiTIQUE, lancé en 2017.
Tous les citoyens (grand public, médecins, chercheurs, agences régionales de santé, collectivités, associations…) peuvent y contribuer, grâce au signalement des piqûres de tiques – sur humains ou animaux, partout en France – ou encore par l’envoi de la tique aux chercheurs.
La page d’accueil (fig. 1) du site s’ouvre sur des compteurs : nombre de signalements de piqûre chez les humains et chez les animaux, nombre de courriers contenant au moins une tique reçue au laboratoire, ventilation par régions. Les données montrent une forte variabilité selon les zones géographiques : les régions les plus touchées sont le Grand-Est, la Bourgogne-Franche-Comté et l’Auvergne-Rhône-Alpes, alors que la Provence-Alpes-Côte d’Azur est la plus épargnée. Quatre onglets permettent d’accéder en temps réel aux données récoltées : « environnement au moment de la piqûre », « activité au moment de la piqûre », « âge lors de la piqûre », « date de piqûre ».
Un « risque de proximité » bien réel !
Les données issues des signalements ont permis de mettre en évidence un résultat majeur : l’importance du risque de proximité, c’est-à-dire le risque de se faire piquer par une tique dans un environnement familier où on se protège moins, comme les parcs, les jardins ou à l’intérieur de son domicile. En effet, si la moitié des piqûres chez l’homme ont lieu dans les forêts, 31 % surviennent dans les lieux familiers et 12 % dans les prairies (fig. 2).
Par ailleurs, seulement 57 % des victimes de piqûre pratiquaient une activité de loisir : 33 % étaient dans leur lieu de résidence et 7 % exerçaient une activité professionnelle (fig. 3). Il est intéressant de noter que, bien que représentant un pourcentage des signalements assez faibles, de nombreuses piqûres sont déclarées lors d’activités scolaires.
Les enfants particulièrement touchés
Un graphique montre l’âge qu’avaient les personnes au moment de leur piqûre, avec la possibilité de comparer ces données à l’âge de la population française (données Insee au 1er janvier 2023). Cette comparaison montre une sur-représentation des enfants de moins de 10 ans (fig. 4), qui incite à communiquer encore plus largement sur les gestes de prévention auprès des parents.
Une variabilité saisonnière
Le site montre également la dynamique des signalements de piqûres par mois ou par jour en fonction des années. Globalement, la période la plus propice aux piqûres est celle allant d’avril à août (fig. 5). Pendant l’année 2022, probablement à cause d’une météo très sèche et peu favorable aux tiques, CiTIQUE a reçu moins de signalements qu’en 2021. Les données 2023 semblent aller dans le même sens, mais la saison n’est pas finie !
Comment prévenir les piqûres ?
Lors des promenades, éviter de marcher au milieu des herbes hautes, des buissons et des branches basses. Privilégier les chemins balisés !
Dans les jardins, il est utile de couper l’herbe autour des habitations et de supprimer les tas de branches et bois mort pour limiter les populations de rongeurs, ainsi que d’implanter des barrières efficaces (pour maintenir le grand gibier à distance, notamment les cervidés qui sont les hôtes privilégiés des tiques femelles adultes).
En prévention primaire, le port de vêtements couvrants est la meilleure protection, de couleur claire de préférence (pour mieux repérer les tiques sur la surface du tissu) : chemise, pantalon long mis dans les chaussettes et chaussures fermées.
Principaux risques infectieux liés aux piqûres de tiques en France.
Environ 40 espèces sont présentes en France, avec 6 genres principaux : Ixodes (la plus ubiquitaire), Dermacentor, Rhipicephalus, Haemaphysalis et Hyalomma (tiques dures de la famille des Ixodidae), ainsi qu’Argas (tiques molles de la famille des Argasidae). Les tiques dures sont les plus incriminées dans les piqûres humaines ; elles sévissent le jour et font de longs repas sanguins : de 3 à 10 jours !
Les pathogènes transmis varient en fonction du genre de tique :
- Ixodes : transmettent surtout la borréliose de Lyme, l’anaplasmose (infection bactérienne due à Anaplasma phagocytophilum) et le virus de l’encéphalite à tiques.
- Dermacentor (stade adulte) : responsable surtout de rickettsioses à R. raoulti ou R. slovaca.
- Rhipicephalus : peut transmettre R. conorii, responsable de la fièvre boutonneuse méditerranéenne.
- Hyalomma : vectrices du virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (pas de cas autochtones à ce jour en France, mais ce type de tique est bien implanté en Corse et dans le sud de la France ; 11 cas autochtones en Espagne depuis 2016).
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