Le tourisme spatial est aujourd’hui une réalité. Au-delà de son impact écologique désastreux, les effets sur la santé ne sont pas négligeables. Tout le monde a-t-il la « santé » pour voyager dans l’espace ? Michel Messager fait un point sur les connaissances actuelles sur le sujet, et les contre-indications médicales qu’il faut connaître.

Focus sur l’anémie spatiale…

Au début des premières missions spatiales de vols habités, à leur retour sur Terre les astronautes avaient très souvent des signes d’anémie se caractérisant par un taux anormalement bas d’hémoglobine dans le sang. Elle a été baptisée « anémie spatiale ». Sa cause exacte cache encore des mystères.

Pour percer ce mystère, de nombreux scientifiques ont réalisé de multiples études et expériences.

Jusqu’au tout début de l’année 2022, un consensus au niveau des experts semblait se dégager : dans l’espace, les fluides ont tendance à se concentrer dans la partie supérieure du corps de l’astronaute. Les experts pensaient que l’anémie spatiale résultait donc d’une adaptation rapide au déplacement des fluides vers le haut du corps, qui survient lorsque l’astronaute entre en microgravité, entraînant une perte de 10 % du liquide (plasma sanguin) de ses vaisseaux sanguins.

Les scientifiques en ont déduit que le phénomène impliquait la destruction d’environ 10 % des globules rouges pour rétablir l’équilibre hémostatique et que la concentration en hémoglobine revenait aux valeurs quasi-terrestres après une dizaine de jours.

La communauté scientifique et spatiale a vécu très longtemps sur cette hypothèse jusqu’au jour où… le Dr Guy Trudel, professeur à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, médecin en réadaptation et chercheur, présenta son étude.

Une hémolyse en cause

Son équipe a découvert que la destruction des globules rouges était un effet primaire d’être dans l’espace et pas seulement causé par des déplacements de fluides. Bien que l’équipe n’ait pas mesuré directement la production de globules rouges, elle suppose que les astronautes ont généré des globules rouges supplémentaires pour compenser les cellules qui ont été détruites. Si tel n’était pas le cas, « les astronautes se retrouveraient alors avec une anémie sévère qui aurait entraîné de graves problèmes de santé dans l’espace ».

« Sur Terre, nos corps fabriquent et détruisent 2 millions de globules rouges chaque seconde. Nous avons découvert via notre étude que les astronautes, eux, en détruisaient 54 % de plus durant les 6 mois passés dans l’espace, soit 3 millions par seconde ! Heureusement, avoir moins de globules rouges dans l’espace n’est pas un problème lorsque votre corps est en apesanteur. Mais lors de l’atterrissage sur Terre et potentiellement sur d’autres planètes ou lunes, l’anémie, affectant votre énergie, votre endurance et votre force, peut menacer les objectifs de la mission. Les effets de l’anémie ne se font donc sentir qu’une fois que vous atterrissez et devez à nouveau faire face à la gravité. Un retour à la normale intervient au bout de 3 ou 4 mois sur Terre », explique le Dr Trudel.1

Pour réaliser leur étude, les scientifiques ont analysé le taux de destruction d’hémoglobine de quatorze astronautes restés dans la Station spatiale internationale (ISS) pendant une période de 6 mois. Le groupe de scientifiques a surtout mesuré la quantité précise de monoxyde de carbone dans les échantillons d’haleine des astronautes. En fait, la destruction d’une molécule d’hème génère à chaque fois une molécule de monoxyde de carbone (l’hème donne la couleur rouge profond de l’hémoglobine et sert également au transport des gaz).

Selon les relevés effectués à bord de l’ISS, le phénomène s’est déclenché dès le deuxième jour de mise en condition de pré-vol, puis a augmenté rapidement d’un facteur 6 à 7 une fois dans l’espace.

Au retour de la mission sur Terre, l’anomalie ne s’est pas résorbée et s’est même accélérée pour atteindre 8 fois les taux d’avant le vol, puis a diminué légèrement dans les mois qui ont suivi, avant de se stabiliser plus d’un an après la mission – où l’on a pu observer encore des taux de 2 à 4 fois plus élevés qu’avant le vol.2

Quelles conséquences ?

Comme on le sait, aller dans l’espace n’est pas encore donné à tout le monde et nous ne parlons ici que de l’état physique. Comme le constatent les spécialistes, les conséquences sur l’organisme d’un tel séjour ne sont pas anodines.

C’est pourquoi l’anémie spatiale fait toujours partie d’une série de problèmes auxquels les astronautes sont confrontés. La Nasa leur a même donné un nom : « RIDGE » signifiant « space Radiation, Isolation and confinement, Distance from Earth, Gravity fields, and hostile/closed Environments » (rayonnement spatial, isolement et confinement, distance par rapport à la Terre, champs de gravité et environnements hostiles/clos) qui décrit les principaux problèmes physiques et mentaux rencontrés par les astronautes.

Toujours selon le Dr Trudel, « ce qui cause l’anémie, c’est l’hémolyse, mais [investiguer] ce qui cause l’hémolyse, c’est la prochaine étape. Il y a un manque de connaissances pour les missions plus longues, pour les missions d’un an, ou les missions vers la Lune ou Mars ou d’autres planètes ».3

Si l’homme envisage de s’installer durablement sur la Lune (et peut-être un jour sur Mars), il sera donc essentiel de trouver le moyen de palier ce phénomène de l’anémie, notamment en prévoyant une alimentation adaptée. Si les astronautes produisent également beaucoup plus de globules rouges, comme le pensent les chercheurs, leur organisme aura besoin de toute l’énergie nécessaire.

Reste à savoir si le corps humain est capable de soutenir durablement l’accroissement d’un tel système de « production/destruction » ?

Focus sur les allergies

On a commencé à parler et à se préoccuper des allergies dans l’espace à la fin de l’année 1972, lorsque la mission Apollo 17 a atterri sur la surface lunaire avec à son bord l’astronaute de la Nasa Harrison Schmitt qui, à cette occasion, a été le dernier homme à avoir marché sur la Lune. Son expérience n’a pas été pour lui une simple partie de plaisir. Il disait à son retour sur Terre : « La première fois que j’ai respiré la poussière de la Lune, j’ai eu une réaction allergique, l’intérieur de mon nez s’est enflé, on pouvait s’en rendre compte par ma voix. Mais le mal a peu à peu disparu et, la quatrième fois que j’ai respiré la poussière lunaire, ce n’est plus réapparu. Après notre atterrissage, alors qu’un agent de santé retirait les combinaisons du module de commande d’Apollo 17, il a eu une telle réaction qu’il a dû arrêter de faire ce qu’il faisait. »

Quasiment 100 % des astronautes ayant marché sur la Lune ont été victimes du « rhume des foins lunaire » : éternuements, congestions nasales, inflammations du pharynx ou encore yeux larmoyants, ces symptômes pouvant prendre plusieurs jours avant de s’atténuer.4

Appelée « rhume des foins lunaire », cette pathologie ressemble à la rhinite allergique terrestre.

En fait, en marchant sur la Lune, les astronautes mettent en suspension des poussières. Compte tenu de la faible gravité sur la Lune, ces poussières restent en suspension et comme elles sont cinquante fois plus petites qu’un cheveu humain, elles s’infiltrent partout, dans la combinaison, dans les gants, dans les visières… et sont donc respirées par les astronautes avec la possibilité, qui est plus préjudiciable, d’atteindre les poumons.5

Selon Kim Prisk, un pneumologue de l’Université de Californie de l’équipe ayant découvert ce phénomène, « nous ne savons pas encore à quel point cette poussière de lune est dangereuse ».

Capsules, cabines et stations spatiales ne sont pas stériles

Pour le néophyte, les stations spatiales ou les capsules sont synonymes d’espaces propres, quasi stériles, sans saletés ni microbes.

Mais les astronautes sont aux prises avec les mêmes problèmes de rangement et de propreté que sur Terre. Vivre dans l’espace peut être pire parfois pour ceux qui ont des allergies.

Même si les stations spatiales et les capsules sont des espaces clos, l’air et l’eau y étant en permanence recyclés, cela n’empêche pas la poussière et les micro-organismes d’y pénétrer ne serait-ce par exemple qu’avec et sur les combinaisons des astronautes.

De plus, avec l’absence de gravité, la poussière flotte dans la station, la cabine ou la capsule et de ce fait est facilement inhalée, pénétrant dans les yeux et irritant le nez.

Bien que le combat contre les microbes soit permanent et que les astronautes tout au long de leurs séjours fassent la chasse à la poussière et à la saleté, l’analyse du contenu des filtres à air et des sacs sous vide de l’ISS révèle la présence de nombreux micro-organismes. Autre exemple : dans la station spatiale russe Mir, les cosmonautes y ont trouvé un bol d’eau sale, rempli de micro-organismes nocifs, caché derrière un panneau de service !

Selon le professeur Stuart Harrad, de l’Université de Birmingham : « Des analyses conduites sur un échantillon de poussière provenant des filtres à air de l’ISS ont trouvé des niveaux de contaminants organiques plus élevés que les valeurs médianes relevées dans les habitations américaines et d’Europe occidentale.

La liste des contaminants présents dans l’ISS est impressionnante. On trouve des polybromodiphényléthers (PBDE) utilisés pour ignifuger les matières plastiques et les textiles, de l’hexabromocyclododécane (HBCDD) qui sert aussi d’agent ignifuge et considéré comme dangereux pour la santé. Il y a également des retardateurs de flamme bromés (RFB), des esters organophosphorés (OPE) que l’on trouve dans les pesticides tels que le glyphosate, des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) qui figurent dans la liste des polluants prioritaires de l’OMS.

On termine l’inventaire par les substances perfluoroalkylées (PFAS) qui sont des polluants très persistants et des polychlorobiphényles (PCB), là aussi des polluants persistants toxiques et écotoxiques qui étaient utilisés dans les produits d’étanchéité des bâtiments et des fenêtres et dans les équipements électriques. À bord de l’ISS, l’air est constamment renouvelé à raison de 8 à 10 cycles par heure. Mais si les scientifiques savent que ce processus permet d’éliminer le dioxyde de carbone et les contaminants gazeux, leur efficacité pour éliminer d’autres produits chimiques n’est pas aussi claire.6 »

Dérèglement du système immunitaire

Des études de la Nasa révèlent que le système immunitaire des astronautes est chamboulé pendant leur séjour dans l’espace. À ceci s’ajoutent les effets de l’apesanteur et la pression psychologique des voyages dans l’espace ; certains astronautes sont donc vulnérables aux infections et ont des symptômes d’allergie accrus.7

Pas d’adrénaline dans l’espace ?

Les élèves d’une école primaire d’Ottawa (Canada), faisant partie d’un programme pour « surdoués », se sont posé la question de savoir si l’Epipen utilisé sur Terre en cas de choc anaphylactique dû à une réaction allergique pouvait également être utilisé dans l’espace.

Dans le cadre du programme « Cubes in Space » de la Nasa, celle-ci a retenu leur projet en embarquant leurs expériences dans des cubes satellites, l’un sur une fusée, l’autre sur un ballon spatial.

Au retour sur Terre, si 87 % de l’épinéphrine était toujours pure, 13 % s’était transformée en dérivés d’acide benzoïque qui est hautement toxique. Ces transformations étaient sans aucun doute le résultat de l’exposition des produits au rayonnement spatial.8

Le chapitre sur les allergies est loin d’être clos et il reste encore de nombreuses recherches et travaux scientifiques à accomplir.

Focus sur les troubles du sommeil

Le manque voire l’absence de sommeil est étudiée avec beaucoup d’intérêt par les agences spatiales et notamment la Nasa. De nombreuses études montrent que le manque de sommeil peut conduire les astronautes à commettre des erreurs lors de l’exécution de tâches critiques. L’insuffisance de sommeil et la fatigue qui en découle sont des plaintes fréquentes chez les astronautes : il est vrai que, sans pesanteur, c’est impossible de se « coucher » pour s’endormir ! En apesanteur il n’y a donc ni haut ni bas, et si l’on y additionne le stress, l’exiguïté, le bruit, le manque de repère horaire... on en déduit que dormir dans l’espace n’est pas de tout repos !

Dans une étude réalisée par l’Université de Harvard à la demande de la Nasa, il s’est avéré que ces troubles du sommeil ne se manifestent pas uniquement pendant le séjour dans l’espace, mais aussi avant et après ce séjour.

Le Dr Catherine Faber dans le Journal international de médecine explique que « les résultats de cette étude mettent en évidence une perte de sommeil significative par comparaison avec la durée attendue, ceci dans les deux groupes d’astronautes, navette seule ou station spatiale. En outre, nombreux sont ceux qui prennent des somnifères : 78 % des membres d’équipage de la navette et 75 % des occupants de la station spatiale internationale  ».9

Reprenant une information de la revue Lancet, le magazine Sciences et Avenir révèle dans un article de 2014 que l’équipe du Dr Laura Barger, de l’Université de Harvard, a étudié le sommeil de 64 astronautes ayant volé sur la navette américaine (entre 2001 et 2011) et de 21 astronautes ayant séjourné dans l’ISS entre 2006 et 2011. L’étude concernait aussi les semaines qui précédaient et suivaient les vols, soit, au total, 4 000 nuits de sommeil sur Terre et plus de 4 200 dans l’espace. Elle montre que la durée moyenne de sommeil dans l’espace était d’à peine 6 heures (5,96 h) pour les missions de la navette spatiale et tout juste au-dessus de 6 heures (6,09 h) pour les missions à bord de l’ISS – bien en-deçà des 8 heures et demie par nuit prévues par la Nasa.10 

Gare aux somnifères !

Si les chercheurs sont préoccupés par ce manque de sommeil, ils le sont tout autant par l’usage de somnifères, en raison des effets que ceux-ci peuvent entraîner, notamment en cas de besoin de réveil brusque pour parer à une urgence.

Le recours aux somnifères n’est donc pas la solution : « La capacité d’un membre de l’équipe à être performant s’il est réveillé par une alarme d’urgence peut être gênée par l’usage de médicaments somnifères », estime le Dr Czeisler de la section « Sommeil et troubles circadiens » du Brigham and Women’s Hospital de Boston (Massachusetts, États-Unis). La solution à ce problème est entre les mains de la Nasa : « Les futures missions d’exploration spatiale vers la Lune, Mars ou au-delà demanderont le développement de contre-mesures plus efficaces pour favoriser le sommeil durant le vol, dans le but d’optimiser les performances humaines. Ces mesures pourraient inclure des modifications des programmes, une exposition chronométrée à certaines ondes de lumière ainsi que des stratégies comportementales pour s’assurer d’un sommeil adéquat, ce qui est essentiel pour rester performant et en sécurité. 11 »

Comme le rappelle l’Inserm dans un dossier de 2017, « de nombreuses études ont décrit l’impact négatif à long terme du manque de sommeil sur l’état de santé. Au-delà d’une dégradation de la qualité de vie, l’insomnie aggraverait les symptômes de maladies somatiques ou psychiatriques associées (douleurs chroniques, hypertension, dépression…) ».12 Ces conséquences peuvent donc être un frein pour un certain nombre de candidats aux voyages spatiaux, notamment si l’on a déjà une certaine prédominance à l’insomnie...

L’hibernation : la solution ?

Face à ce problème, la Nasa envisage de faire appel à la technique de l’hibernation (par exemple, induire les astronautes dans un état d’hibernation pendant le voyage vers Mars). Elle sponsorise de nombreuses recherches en ce sens.13 Son équivalente européenne, l’ESA, envisage aussi de mettre au point l’induction d’un état de torpeur, avec le même objectif martien en tête.

Il est clair qu’en plongeant ne serait-ce qu’une partie d’un équipage dans une profonde inconscience, ces astronautes n’auraient plus besoin de beaucoup de nourriture ni d’eau, et de beaucoup moins d’oxygène, tout en économisant leurs forces.

Mais il y a un risque : celui d’avoir les muscles complètement atrophiés au réveil.

Même si les astronautes font régulièrement de l’exercice dans l’ISS et durant leur vol, on observe malgré tout beaucoup d’astronautes obligés de rester quelques moments en fauteuil à leur arrivée sur Terre. Il faut donc adapter cette hibernation en apesanteur : c’est ce sur quoi travaillent les agences spatiales.

Preuve en est : courant 2023, la prochaine mission de Polaris Dawn à bord de Crew Dagon, mis en orbite grâce à un lanceur Falcon 9 de Space X, doit permettre aux chercheurs de surveiller en direct et de collecter les données biométriques des membres de l’équipage, dont la fréquence cardiaque, l’oxymétrie de pouls et les habitudes de sommeil.14

Des scientifiques ont déjà réussi à faire hiberner des animaux qui n’en ont normalement pas l’habitude, comme des rats, en agissant sur l’hypothalamus, partie du cerveau qui régule la température corporelle et le rythme cardiaque. Dans les années 1990, des chercheurs de l’Université de Pittsburgh avaient montré que refroidir l’appareil cardiovasculaire de chiens en arrêt cardiaque met ces animaux dans un état de biostase, assimilable à l’hibernation.

Focus sur les troubles cardiaques

Depuis que sont envisagés ou organisés des vols dans l’espace, l’arrêt cardiaque d’un pilote ou d’un passager hante les organisateurs de ce type de vols, qu’ils soient professionnels ou privés. Mais qu’en est-il exactement ?

Si Virgin Galactic explique que «  la majorité des gens – même ceux avec des problèmes médicaux comme des maladies cardiaques, du diabète, une PA élevée (...) – peuvent aller dans l’espace avec suffisamment de précautions  », l’astronaute Jean-François Clervoy infirmait quelque peu ces propos optimistes, concernant le vol suborbital (100 km de la Terre) : « Il n’est pas obligatoire d’avoir les aptitudes nécessaires pour être pilote, notamment une bonne vue. Bien sûr, il ne faut pas être cardiaque. C’est un peu comme pour pratiquer une activité sportive particulièrement exigeante, telle que la plongée, l’alpinisme, le pilotage ou le parachutisme : un minimum de forme physique est exigé pour être sûr que vous ne risquez pas d’être victime d’un AVC ou d’un problème cardiaque ou respiratoire pendant le vol. »15

Déjà en 2014, l’équipe du Dr Tarah Castleberry, professeur-adjoint de médecine aérospatiale à l’Université du Texas, avait réalisé une étude sur 335 volontaires et malades chroniques (souffrant d’hypertension, de diabète, de problèmes CV ou pulmonaires) installés dans une centrifugeuse. Cette expérience laissait apparaître les effets suivants :

  • pertes de connaissance et une vision floue (66 %) ;
  • problèmes de nausées (20 %) ;
  • douleurs à la poitrine (6 %).

Les cellules cardiaques changent après un tour dans l’espace

Selon des chercheurs de l’Université de Stanford, les cellules du muscle cardiaque dérivées de cellules-souches ont une remarquable capacité d’adaptation à leur environnement pendant et après les vols spatiaux. L’auteur de cette étude relève que celle-ci est « nouvelle parce qu’elle est la première à utiliser des cellules-souches pluripotentes humaines pour étudier les effets des vols spatiaux sur la fonction cardiaque humaine ».

Il en ressort, confortant des études précédentes, que les vols spatiaux induisent des changements physiologiques dans la fonction cardiaque, à savoir « une réduction de la fréquence cardiaque, une baisse de la PA et une augmentation du débit cardiaque. »

L’exposition à la microgravité modifie l’expression de milliers de gènes, mais les schémas d’expression génétique réapparaissent dans les 10 jours suivants le retour sur Terre.16

Les voyages dans l’espace rétrécissent le cœur...

Une étude parue dans Circulation en mars 2021 confirme que le cœur humain rétrécit en l’absence de gravité. Le cœur de l’astronaute Scott Kelly, âgé alors de 52 ans, a été observé durant ses 340 jours passés à bord de l’ISS entre 2014 et 2015 : il a rapetissé avant de retrouver sa taille normale dès son retour sur Terre.

Le cœur humain soumis à la gravité terrestre doit faire les efforts nécessaires pour pomper le sang afin de le faire circuler dans le corps. Délesté de cette gravité, l’organe pompe moins fort et perdrait donc peu à peu une partie de sa masse musculaire.

Comme l’ont souligné les journalistes de Business Insider : « Les chercheurs étaient persuadés qu’un peu d’exercice physique permettrait au cœur de conserver sa taille. Malheureusement, les longues séances de vélo et de tapis de course effectuées par Scott Kelly à l’intérieur de l’ISS n’y ont rien changé : son cœur a réduit de volume ».17

Par ailleurs, grâce aux clichés pris par les astronautes sur leur propre cœur pendant le vol, les scientifiques ont pu observer qu’après une année dans l’espace, le cœur devenait 9,4 % plus sphérique. Cependant cette déformation n’est que temporaire, le cœur reprenant son profil habituel après quelques semaines sur Terre.18

Un cœur plus fragile après des missions longues

Si on savait depuis longtemps que les radiations cosmiques et solaires peuvent augmenter le risque de cancer, les scientifiques du domaine spatial découvrent peu à peu que les radiations pourraient aussi jouer un rôle dans les cas de défaillance cardiaque.

Scientific Reports a révélé les résultats d’une étude sur les causes de la mort de 42 astronautes issus des missions spatiales lointaines de la Nasa. Cette étude montre que les astronautes de la mission Apollo sont morts de maladie cardiaque plus fréquemment que les autres, même ceux restés en orbite basse autour de la Terre. En effet, des 7 astronautes de la mission Apollo ayant réalisé un alunissage, 3 sont morts de maladie cardiaque, avec un âge de décès prématuré, soit 43 %, à comparer avec les 27 % de décès dans la population normale associée à ce type de pathologie, et aux 10 % observés parmi les 35 astronautes ayant passé au moins 15 jours en orbite autour de la Terre.

D’après les scientifiques, la cause pourrait provenir de l’irradiation par les rayons cosmiques et de l’apesanteur qui modifieraient la structure des cellules sanguines, augmentant ainsi le risque de défaillance cardiaque.

Aller dans l’espace avec un stent ?

Pour le moment, il n’y a pas réellement de réponse précise sur le sujet. C’est pourquoi, dans le cadre du projet « Orbit Your Thesis », lancé par l’agence spatiale ESA Academy, des étudiants de l’Isae-Supaéro de Toulouse ont observé et visualisé, dès novembre 2022, l’écoulement d’un fluide semblable au sang dans deux modèles d’artères malades dont une seule a été réparée chirurgicalement avec la pose d’un stent. L’objectif est de vérifier et d’analyser pendant quelques temps si les particules du stent métallique ne passent pas dans le fluide et savoir si cela représente dans l’espace un risque pour la santé.19

Auteur du livre : Tourisme spatial & santé.  Amazon, 2023.

Références
1.  Dr Guy Trudel, chercheur principal pour une étude canadienne sur la moelle osseuse, fait équipe avec des astronautes de la SSI pour découvrir les implications de l’exploration de l’espace lointain.  Université d’Ottawa.
2. Trudel G. Study: Being in space destroys more red blood cells.  Université d’Ottawa 14 janvier 2022.
3. Le mal de l’espace.  Luxorion.
4. Duhamel A. Une maladie mystérieuse touche tous les astronautes qui ont marché sur la Lune.  Ça m’intéresse 25 avril 2023.
5. La question du jour : quelle maladie touche tous ceux qui ont marché sur la Lune ?  20 minutes 31 juillet 2023.
6. Zaffagni M. La contamination chimique de la Station spatiale internationale est sans précédent.  CENT 9 août 2023.
7. Jalinière H. Dans l’espace, le système immunitaire se dérègle.  Sciences et avenir 20 août 2018.
8. Pralong M. Des écoliers ont sauvé la vie des futurs astronautes.  Le Matin 20 mars 2023.
9. Gros problèmes de sommeil chez les astronautes. Passion santé janvier 2015.
10. Site internet du Lancet .
11. Vaugrente A. Les astronautes ne peuvent pas se passer de somnifères.  Pourquoi docteur 8 août 2014.
12. Insomnie : un trouble neurobiologique et psychologique.  Inserm 30 novembre 2017.
13. Bertrand M. Dormir jusqu’à Mars plutôt que d’endurer le voyage : l’hibernation comme solution aux trajets spatiaux.  Business AM 10 février 2023.
14. Garmin à la conquête de l’espace avec la Fénix® 7.  Swing-feminin.com 7 février 2023.
15. Jean-Guillaume Bayard.
16. Inayati S. Les cellules cardiaques changent (un peu) après un tour dans l’espace.  Pourquoi docteur 25 novembre 2019.
17. Rester trop longtemps dans l’espace ferait rétrécir le cœur humain.  Le Point 31 mars 2021.
18. Gouthière F. Les voyages dans l’espace arrondissent le cœur. Allo docteurs 31 mars 2014.
19. Rimbert J. Peut-on être cardiaque dans l’espace ? L’expérience d’étudiants toulousains s’envole vers l’ISS.  Le Parisien 21 novembre 2022.
Pour en savoir plus :
Brosseau F. Une étude révèle l’étendue de « l’anémie spatiale » des astronautes.  Trust my science 19 janvier 2022.
Knapton S. Humans may be allergic to lunar dust, says the last man to visit the Moon as he reveals illness after Apollo mission.  The Telegraph 26 juin 2019.
La sophrologie accompagne les astronautes dans l’espace !  Sophrologie Actualités.

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