La toux de l’enfant n’est pas dangereuse en soi ; elle n’est, le plus souvent, pas douloureuse mais peut altérer la qualité de vie et de sommeil de l’enfant. Elle peut être anxiogène à la fois pour le patient et son entourage, surtout si elle est nocturne ou prolongée.
Motif fréquent de consultation, la toux de l’enfant peut à la fois être un symptôme banal et bénin ou être le mode de révélation d’une maladie chronique plus sérieuse. Son caractère pathologique est déterminé par son intensité, sa fréquence et son retentissement sur les activités. À partir d’enregistrement chez des enfants sains de 8 à 12 ans en dehors de toute infection, on estime que la toux physiologique survient en moyenne à 11 reprises sur une journée.1

Un phénomène physiologique de défense

La toux correspond initialement à un phénomène de défense physiologique. Sa physiopathologie est complexe et non complètement élucidée à l’heure actuelle. Schématiquement, tousser est un processus de défense qui permet la clairance de mucus et de matériel exogène inhalé. Elle est associée à une réponse motrice stéréotypée, caractérisée par une brève inspiration suivie d’une expiration sur glotte fermée et une profonde expulsion aérienne après ouverture de la glotte.2 Les mécanismes déclenchant font intervenir de nombreuses voies neuronales périphériques et centrales et de multiples muscles respiratoires et extrarespiratoires. Cette physiopathologie diffère selon les patients et la maladie causale, pulmonaire ou extrapulmonaire. Comprendre cette hétérogénéité est un enjeu afin de proposer des traitements ciblés pour le patient. Chez l’enfant, les mécanismes varient également selon l’âge et la maturité des systèmes respiratoire et immunitaire. Les recommandations de l’adulte ne peuvent donc pas être appliquées à l’enfant.

Définir la toux

La toux chronique de l’enfant est définie par une toux persistant plus de 4 semaines.3 Chez l’enfant, les infections des voies aériennes supérieures ou inférieures sont souvent accompagnées d’une toux qui s’atténue pour disparaître en 2 à 3 semaines. Seuls 10 % des enfants ont une toux persistant au-delà de 3 semaines. La répétition des infections virales en période épidémique peut amener à de faux diagnostics de toux chronique. L’interrogatoire doit donc être minutieux pour dater le début de la toux et les circonstances de survenue.
Les caractéristiques de la toux sont à détailler avec la famille (tableau 1). La distinction entre toux grasse, toux rauque et toux sèche est souvent correctement réalisée par les familles à condition de les aider dans la caractérisation. Il ne faut pas se contenter de la question : « Est-ce une toux sèche ou grasse ? ». La toux grasse est décrite comme « une toux qui remue des sécrétions à l’intérieur », « une toux de vieux fumeur ». On peut également demander à l’enfant de tousser au cours de l’examen clinique et s’assurer avec les parents que la toux réalisée par l’enfant a la même tonalité que celle motivant leur inquiétude. Des vidéos réalisées par les parents et apportées en consultation peuvent également aider le praticien à définir la toux de l’enfant.

De nombreuses causes

La prise en charge est toujours conditionnée par le diagnostic étiologique. Chez l’adulte, la majorité des toux chroniques, en dehors de la bronchopneumopathie chronique obstructive, correspondent à trois grandes entités : toux équivalant d’asthme, toux liée à une rhinorrhée postérieure ou toux liée à un reflux gastro-œsophagien. En pédiatrie, la toux de l’asthme est rarement isolée, la rhinorrhée postérieure n’est pas suffisante pour expliquer une toux grasse chronique. Pour le reflux gastro-œsophagien, aucune étude n’a permis de relier la toux au reflux chez l’enfant sain, mais il peut être associé à une toux sèche sur un terrain respiratoire fragile, dont l’asthme.4 La présence d’un pyrosis, une pHmétrie de 24 heures ou un traitement d’épreuve de 4 semaines par un inhibiteur de la pompe à protons peuvent étayer le diagnostic.
Les principales causes de toux chronique chez l’enfant sont rapportées dans le tableau 2. L’examen clinique de l’enfant doit être complet comprenant une courbe de croissance staturopondérale. Toute toux chronique justifie de faire une radiographie de thorax. Les autres examens sont orientés par la clinique et le résultat de cette radiographie (tableau 3).

Toux non spécifique

Dans la démarche étiologique, la première étape est de distinguer la toux non spécifique de la toux spécifique (tableau 4).
Une toux non spécifique est sèche, isolée, sans signe de gravité, sans maladie sous-jacente, et avec une radiographie de thorax normale. Elle fait le plus souvent suite à une infection virale ou bactérienne, comme la coqueluche. Ainsi, la toux après une coqueluche peut persister jusqu’à 6 mois après l’infection, sans qu’aucun traitement n’ait d’efficacité. La durée de cette toux serait plus courte chez les enfants vaccinés.5 Dans tous les cas, la toux non spécifique ne justifie d’aucun traitement en dehors d’une surveillance et est le plus souvent de résolution spontanée. Les parents doivent être informés que tous les irritants environnementaux, et principalement le tabagisme parental, sont des facteurs aggravant. Le médecin doit surtout rassurer les familles et s’assurer de l’évolution favorable. Toute aggravation ou changement de caractéristiques doivent amener à une réévaluation globale de l’enfant.

Toux spécifique

Les éléments cliniques devant orienter vers une origine spécifique de la toux sont répertoriés dans le tableau 4.4, 6 Nous détaillerons ici la toux grasse chronique et la toux de l’asthme.

La toux grasse chronique

Les toux grasses chroniques sont rares. Elles se classent en différentes entités causales : la bronchite bactérienne persistante, la tuberculose, le corps étranger intra-bronchique, les bronchectasies, les maladies chroniques avec anomalies de la clairance ciliaire (mucoviscidose, dyskinésie ciliaire primitive, trachéobronchomalacie), et très rarement l’asthme hypersécrétant qui constitue un diagnostic d’élimination (tableau 2). En dehors des contextes évidents à l’anamnèse, la démarche repose de nouveau principalement sur l’examen clinique et la radiographie de thorax.
La bronchite bactérienne persistante (protracted bacterial bronchitis) est une entité désormais reconnue en pédiatrie, et représenterait 40 % des toux grasses chroniques de l’enfant dans les pays occidentaux.7 Sa définition repose actuellement sur l’association d’une toux grasse chronique isolée (examen clinique et radiographie normaux), l’absence d’une cause évidente et une réponse à une antibiothérapie orale (plutôt amoxicilline-acide clavulanique) de 14 jours.4, 7 Les bactéries impliquées sont Haemophilus influenzae, Moraxella catarrhalis, Streptococcus pneumoniae. Pour certains, l’antibiothérapie peut être prolongée 3 à 4 semaines si la réponse est partielle à 14 jours.7 Cette entité nosologique a certes des limites mais permet de guider la première ligne de traitement. Les bronchites bactériennes persistantes auraient un risque évolutif vers des bronchectasies ou sont parfois leur mode de révélation. Une prise en charge précoce est donc recommandée, en respectant les éléments du diagnostic dont les 4 semaines de toux. Ces enfants doivent être adressés en consultation spécialisée en l’absence de réponse complète au traitement antibiotique, de récidive dès l’arrêt des antibiotiques, et en cas de récidive, dès trois épisodes sur une année ou deux sur une saison.7

Toux et asthme

La toux associée à l’asthme est sèche. Elle est rarement isolée et doit surtout être évoquée en association à d’autres symptômes d’asthme et/ou d’allergie respiratoire. Ces caractéristiques sont les mêmes que pour tous les symptômes de l’asthme : prédominance nocturne et au petit matin, variabilité en intensité, majoration par les infections, l’effort et les irritants bronchiques, et amélioration par les traitements de l’asthme. À partir de l’âge de 7 ans, les explorations fonctionnelles respiratoires sont une aide au diagnostic. La spirométrie de base peut révéler un trouble ventilatoire obstructif ou être normale mais doit être complétée par la recherche d’une réversibilité aux bêta-2-mimétiques ou d’une hyperréactivité bronchique par un test à la métacholine.

Cas particulier du syndrome de toux somatique

Le syndrome de toux somatique et le tic de toux ont remplacé le terme de toux psychogène.8 Cette entité ne peut être évoquée qu’après avoir éliminé toutes les causes somatiques. Cette forme de toux concerne principalement les adolescents et préadolescents. La toux est sèche, facilement aboyante, plutôt diurne, invalidante. Elle varie selon les activités et peut disparaître à la distraction. Il existe souvent un contexte psychologique particulier : stress familial, anxiété ou phobie scolaire. Il est parfois difficile de distinguer une toux organique ayant une psychomorbidité d’un syndrome de toux somatique. Le traitement repose sur une prise en charge psychologique, voire pédopsychiatrique, associée à des techniques de relaxation ; hypnose, réassurance, sophrologie peuvent être proposées.

Quels examens complémentaires ?

Les principaux examens complémentaires sont rapportés dans le tableau 3. La radiographie de thorax est systématique dans l’évaluation d’une toux chronique. Les autres examens sont orientés par l’examen clinique, laradiographie et l’évolution, et le plus souvent après un avis spécialisé. Parmi les examens non invasifs, un examen cytobactériologique des crachats peut toujours être utile en cas de bronchorrhée et avant une antibiothérapie, et la réalisation d’épreuves fonctionnelles respiratoires est proposée à partir de l’âge de 7 ans si un asthme est suspecté.

Traiter seulement la cause

Le traitement est avant tout celui de la cause. Les antitussifs sont contre-indiqués avant l’âge de 3 ans et ne sont pas efficaces dans la majorité des cas chez l’enfant. Leur utilisation doit être extrêmement limitée en pédiatrie, et ils ne doivent jamais être prescrits en cas de toux grasse, d’asthme ou de terrain fragile avec un rôle protecteur de la toux. Le contrôle de l’environnement est indispensable dans tous les cas, les parents doivent être systématiquement informés du risque induit par le tabagisme environnemental, et un sevrage du tabagisme peut leur être proposé.

Un symptôme banal mais à bien définir

Si la toux est un symptôme banal, les praticiens doivent savoir repérer les critères de gravité. La chronicité est définie par une durée de 4 semaines. La prise en charge d’une toux chronique implique un interrogatoire méthodique, un examen clinique complet et une radiographie de thorax systématique. Les autres examens sont hiérarchisés selon l’orientation clinique et la radiographie. Il est important de différencier la toux spécifique et non spécifique. Toute toux chronique de l’enfant n’est pas de l’asthme et ne justifie pas d’un traitement inhalé, a fortiori si elle est grasse. Les éléments orientant vers une maladie plus grave ou l’évolution défavorable doivent amener à une consultation spécialisée. 
Encadre

Toux chronique de l’enfant :

La toux est chronique au-delà de 4 semaines.

Toute toux chronique justifie un interrogatoire méthodique, un examen clinique complet et une radiographie de thorax.

La toux grasse chronique doit être repérée et être prise en charge rapidement.

La toux grasse chronique n’est pas un symptôme d’asthme.

Références
1. Munyard P, Bush A. How much coughing is normal? Arch Dis Child 1996;74:531-4.
2. Mazzone SB, Chung KF, McGarvey L. The heterogeneity of chronic cough: a case for endotypes of cough hypersensitivity. Lancet Respir Med 2018;6:636-46.
3. O’Grady KF, Drescher BJ, Goyal V, et al. Chronic cough postacute respiratory illness in children: a cohort study. Arch Dis Child 2017;102:1044-8.
4. Chang AB, Oppenheimer JJ, Weingerger M, Weir K, Rubin BK, Irwin RS. Use of management pathways or algorithms in children with chronic cough: systematic reviews. Chest 2016;149:106-19.
5. Barlow RS, Reynolds LE, Cieslak PR, Sullivan AD. Vaccinated children and adolescents with pertussis infections experience reduced illness severity and dura-tion, Oregon, 2010-2012. Clin Infect Dis 2014;58:1523-9.
6. Marchant JM, Masters IB, Taylor SM, Chang AB. Utility of signs and symp-toms of chronic cough in predicting specific cause in children. Thorax 2006;61:694-8.
7. Gilchrist FJ. An approach to the child with a wet cough. Paediatr Respir Rev 2019;31:75-81.
8. Vertigan AE. Somatic cough syndrome or psychogenic cough – What is the difference? J Thorac Dis 2017;9:831-8.

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Résumé

Chronic cough in children is defined as a persistence of more than 4 weeks. Management requires a rigorous approach. A complete clinical examination and systematic chest X-ray permitted to distinguish non-specific coughs from others. Non-specific cough is benign, dry, without any medical history nor clinical nor radiological abnormalities. For all specific coughs, the management depends of the etiologic diagnosis. The practitioner should be particularly attentive in case of wet chronic cough.