Sous l’égide de la SPLF, des recommandations d’experts sont parues récemment sur la toux chronique. C’est un domaine en pleine mutation avec une nouvelle vision de cette pathologie et l’arrivée imminente de traitements ciblés. Le point avec le Pr Laurent Guilleminault, pneumo-allergologue, CHU de Toulouse.

Quelles sont les principales nouveautés dans ces recommandations ?

La toux est l’un des motifs de consultation les plus fréquents en MG, et est à l’origine d’un handicap pour les patients et leur entourage. L’objectif de ces recos est d’améliorer la prise en charge, notamment initiale, et d’aller contre un certain nombre d’idées reçues.

Tout d’abord, nous nous sommes penchés sur les définitions, qui n’étaient pas consensuelles en France : la toux chronique est définie (en accord avec les récentes recos internationales) par une toux d’une durée d’au moins 8 semaines, ce qui permet donc de la distinguer d’une toux aiguë post-virale, cette dernière ne justifiant pas d’explorations. Par ailleurs, ces recos introduisent le concept novateur de toux chronique réfractaire ou inexpliquée, définie par l’absence d’une cause retrouvée malgré une exploration extensive orientée par la clinique, ou l’absence d’amélioration malgré une prise en charge optimale de la cause. Ce concept est important pour les patients (reconnaissance de leur pathologie) mais également pour améliorer leur prise en charge.

Quelle est la prise en charge initiale recommandée ?

Tout d’abord, il faut évaluer le retentissement de la toux sur la qualité de vie (handicap social, sommeil, incontinence urinaire…) et rechercher des signes d’alerte faisant suspecter une pathologie grave et notamment un cancer bronchique (apparition ou modification de la toux chez un fumeur, altération de l’état général, tabagisme, dysphonie, dysphagie, adénopathies… encadré 1). En l’absence de ces signes (arbre décisionnel en figure), on recommande l’arrêt du tabac et des traitements tussigènes impliqués dans le déclenchement de la toux (les IEC notamment et en moindre mesure les ARA II) pendant 4 semaines. Si la toux persiste, les 3 causes les plus fréquentes – asthme, RGO et rhinosinusite chronique – doivent être investiguées par l’interrogatoire et des examens simples ; un traitement est proposé en cas de signes évocateurs.

Attention : en l’absence de symptôme digestif de RGO, les IPP ne sont pas recommandés. En revanche, une corticothérapie inhalée peut être proposée de façon systématique, pendant 2 à 4 semaines, même s’il n’y pas d’argument pour un asthme (400 à 800 µg d’équivalent budésonide par exemple) car de nombreux patients répondent à ce traitement.

Quand prescrire un scanner ?

À la différence de la radiographie des poumons – qui est à réaliser systématiquement en première intention pour s’assurer de l’absence d’anomalie sur l’arbre bronchique –, le scanner n’est prescrit que chez les patients ayant une toux chronique associée à des signes d’alarme ou à une anomalie de l’auscultation pulmonaire.

Que faire en cas de « toux réfractaire » ?

Bien souvent, en cas d’examens normaux, on pose le diagnostic de « toux psychogène », alors que les nouvelles connaissances sur la physiopathologie de la toux chronique montrent que le mécanisme impliqué dans le trouble du réflexe de la toux est très proche de celui des douleurs neuropathiques. Un autre mécanisme est le déclenchement de la toux par une pathologie dysfonctionnelle du larynx. Ces mécanismes sont souvent associés.

Ainsi, devant une toux rebelle à tout traitement ou de cause indéterminée, une consultation spécialisée (ORL, pneumologue) est toujours indiquée, pour réaliser des explorations. Si le diagnostic de toux réfractaire est confirmé, différents médicaments neuromodulateurs peuvent être proposés par le spécialiste, bien que hors AMM (amitriptyline, gabapentine, prégabaline, morphine), en association avec une rééducation (kiné ou orthophoniste) pour prendre en charge la pathologie fonctionnelle associée.

La codéine a-t-elle encore une place ?

La codéine n’est pas recommandée, car ce médicament est responsable de dépendance et d’addiction. On y préfère la morphine à petites doses (20 mg/j de sulfate de morphine par exemple), moins addictogène.

Quelles molécules en développement ?

Des antagonistes des différents récepteurs à la toux sont actuellement à l’étude. Un antagoniste des P2X3, un effecteur de la toux localisé au niveau de l’arbre bronchique mais aussi du tronc cérébral, a démontré une efficacité dans une étude de phase III, avec une diminution de 18 % de la fréquence de la toux ; il est en attente de commercialisation.

Quels messages pour les MG ?

Trois messages :

  • ne pas poser trop vite le diagnostic de toux psychogène, ce qui réduit le champ thérapeutique et accentue la détresse des patients ;
  • l’interrogatoire doit être minutieux (encadré 2), pour bien cerner le profil de la toux ;
  • bien respecter les indications des IPP (symptômes de RGO ou RGO prouvé ; pas de prescription au long cours).
Encadre

Signes d’alarme devant faire rechercher une pathologie grave à l’origine de la toux chronique

  • Altération de l’état général
  • Syndrome infectieux à répétition
  • Dyspnée d’effort
  • Hémoptysie
  • Apparition ou modification de la toux chez un fumeur
  • Dysphonie, dysphagie, fausses routes
  • Adénopathie(s) cervicale(s) suspecte(s)
  • Anomalies de l’examen clinique cardiopulmonaire
  • Anomalies de l’examen clinique ORL
  • Anomalies à la radiographie de thorax

D’après : Guilleminault L, Demoulin-Alexikova S, de Gabory L, et al. Recommandations de prise en charge de la toux chronique de l’adulte.  Rev Mal Resp 2023;40:432-52.

Encadre

Toux chronique : l’interrogatoire doit être minutieux

Détaillé, il peut orienter vers une ou plusieurs causes. On fait notamment préciser :

  • l’ancienneté de la toux : la toux chronique est définie par une durée supérieure à 8 semaines ;
  • le contexte d’apparition ;
  • les facteurs déclenchants : effort (asthme), rire, odeurs fortes (hypersensibilité), position, alimentation (RGO), horaire (jour et/ou nuit : syndrome d’apnées du sommeil, asthme) ou périodicité (saisonnalité : atopie) ;
  • la productivité de la toux :
    • sèche : non productive ;
    • grasse : expectorations à décrire (aspect muqueux, purulent, hémoptoïque) et à quantifier. Matinales, elles orientent vers une bronchite chronique ; abondantes et purulentes, elles sont en faveur de bronchectasies ;
  • les symptômes associés :
    • dysphonie, hemmage faisant suspecter une dysfonction du larynx ;
    • pyrosis, régurgitation acide évoquant un reflux gastro-œsophagien ;
  • la prise de médicaments, de tabac ou de substances inhalées telles que le cannabis (causes fréquentes) ;
  • les antécédents personnels et familiaux d’asthme, d’allergie, d’infections ORL et pulmonaires à répétition dans l’enfance, statut vaccinal vis-à-vis de la coqueluche et de la tuberculose.
Pour en savoir plus
Guilleminault L, Demoulin-Alexikova S, de Gabory L, et al. Recommandations de prise en charge de la toux chronique de l’adulte.  Rev Mal Resp 2023;40:432-52.
Guilleminault L, Brouquières D. Toux chronique de l’adulte.  Rev Prat Med Gen 2020;34(1050);777-81.