La maladie rénale chronique (MRC) est une affection progressive et silencieuse. Elle s’accompagne de nombreuses complications – notamment cardiovasculaires, hématologiques, neurologiques et osseuses – et d’une morbi-mortalité élevée. Les causes de mortalité sont surtout cardiovasculaires. Pourtant, les facteurs de risque traditionnels n’expliquent pas à eux seuls ce sur-risque, laissant la place à des facteurs de risque spécifiques liés à la MRC et surtout à l’inflammation associée. En effet, au cours de la MRC, la diminution du débit de filtration glomérulaire induit la rétention de nombreux métabolites, regroupés sous le terme générique de « toxines urémiques ». Celles-ci exercent leurs actions biologiques via l’induction d’un état inflammatoire et d’un stress oxydatif intéressant plusieurs types cellulaires et entraînant des effets néfastes dans différents organes. Les actions de ces toxines dépendent de leur poids moléculaire. Seules celles de bas poids moléculaire (moins de 500 kDa) sont éliminées par la dialyse. Cependant, la fixation à l’albumine augmente encore les difficultés d’épuration. Ainsi, une petite molécule comme l’urée a un effet direct sur l’activation et la survie des cellules musculaires et endothéliales. Le lien important entre les toxines urémiques et les complications de la MRC justifie des stratégies thérapeutiques non pas pour traiter les causes de la toxicité urémique mais pour réduire ses conséquences. Il peut s’agir de l’utilisation d’un régime faible en protéines, qui apporte une modulation favorable du microbiote, d’hypolipidémiants pour corriger les troubles lipidiques, d’inhibiteurs des cytokines comme l’interleukine-1 (IL-1) ou l’IL-6 pour diminuer la sévérité de l’inflammation et du stress oxydatif. Outre par les médicaments, on peut aussi améliorer la qualité de l’épuration par la nature des membranes de dialyse. Des efforts de recherche sont nécessaires pour réduire la production et la rétention des toxines urémiques et limiter ainsi leurs effets néfastes sur les différents organes.

Ziad Massy, service de néphrologie, CHU Ambroise-Paré, AP-HP, Boulogne-Billancourt, France

22 novembre 2022