Le traitement anticoagulant oral, anti­vitamine-K ou anticoagulant oral direct, est prescrit dans plusieurs indications : en prévention des complications thromboemboliques de la fibrillation atriale, dans la maladie veineuse thromboembolique et chez les porteurs de valve mécanique.
L’angioplastie coronarienne d’un patient sous anticoagulant pour une de ces indications est un problème quotidien et représente 8 à 10 % de celles réalisées et jusqu’à 20 % après 80 ans.
La thrombose de stent est une complication redoutée de l’angioplastie coronarienne. Les anticoagulants (héparine et antivitamine-K) associés à l’aspirine, testés à la fin des années 1980 pour réduire cette complication, se sont montrés inefficaces. L’association de deux antiplaquettaires, l’aspirine + un inhibiteur des récepteurs P2Y12, à l’adénoside diphosphate (clopidogrel, Plavix et génériques ; prasugrel, Efient et génériques ; ticagrélor, Brilique) s’est avérée très efficace pour réduire le risque de thrombose de stent. Parallèlement, les améliorations techniques de l’angioplastie et l’apparition de stents actifs de dernières générations ont nettement réduit le risque de thrombose de stent.
La triple thérapie antithrombotique correspond à l’association d’un traitement anticoagulant oral (antivitamine-K ou anticoagulant oral direct) à une bithérapie antiplaquettaire : aspirine + inhibiteur du P2Y12. Elle est administrée après angioplastie coronarienne dans un double objectif : prévenir les complications cardio-emboliques de la fibrillation atriale (anticoagulant) et éviter la thrombose de stent (antiplaquettaires).
La triple thérapie n’est pas sans risque car les associations d’antithrombotiques majorent les complications hémorragiques.
Elle peut être prescrite pour une durée très courte, après évaluation du risque ischémique et hémorragique des patients, en respectant certaines règles pour limiter les complications.
Les données récentes nous montrent qu’elle doit être la plus courte possible, pouvant se résumer à la phase hospitalière, avec un maximum d’un mois chez les patients à haut risque ischémique, avant de poursuivre par une bithérapie.

Quelles indications ?

La triple thérapie ne peut s’envisager que dans deux conditions :
– premièrement, la prise d’un traitement anticoagulant au long cours (principalement indiqué pour la fibrillation atriale non valvulaire) : traitement antivitamine-K comme la warfarine (Coumadine), l’acénocoumarol (Sintrom), la fluindione (Previscan), ou anticoagulant oral direct comme le dabigatran (Pradaxa), le rivaroxaban (Xarelto) et l’apixaban (Eliquis) ;
– deuxièmement, une angioplastie coronarienne avec mise en place de stent.

Quelle durée ?

Compte tenu de l’augmentation du risque hémorragique, la triple thérapie doit être proposée pendant la durée la plus courte possible. Les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie de 2020 limitent la durée de la triple thérapie de 7 jours ( phase hospitalière) à une durée maximale d’ un mois.1
Lorsque le risque ischémique est au premier plan, par exemple angioplastie dans un contexte de syndrome coronaire aigu, critères de complexité anatomiques lors de la coronarographie ou critères liés à la procédure (angioplastie dite complexe, nombreux stents, angioplastie vaisseau unique...), elle peut être poursuivie pour une durée d’un mois.
En cas de risque hémorragique élevé, elle sera au maximum d’une semaine avant de poursuivre par une bithérapie.

Règles à respecter 

Afin de limiter les complications hémorragiques :
– limiter au minimum la durée de la trithérapie ;
– privilégier les anticoagulants oraux directs aux antivitamine-K ;
– cibler un International Normalized Ratio (INR) entre 2 et 2,5 sous anti­vitamine-K ;
– sous anticoagulant oral direct, les doses sont : apixaban (Eliquis) 5 mg × 2/j, dabigatran (Pradaxa) 110 mg ou 150 mg × 2/j, rivaroxaban (Xarelto) 15 ou 20 mg/j (les doses réduites sont à privilégier si insuffisance rénale ou si patients à risque hémorragique élevé) ;
– utiliser l’aspirine à la plus faible dose (75 à 100 mg/j) ;
– sous inhibiteur du P2Y12 : privilégier le clopidogrel (Plavix et génériques) au prasugrel (Efient et génériques) et au ticagrélor (Brilique) ;
– utiliser systématiquement un inhibiteur de la pompe à protons afin de prévenir les complications hémorragiques gastro-intestinales.

Que faire après une triple thérapie ?

Après la période de triple thérapie (durée 7 jours à un mois), passer à la bithérapie, comprenant un inhibiteur du P2Y12 (clopidogrel, Plavix et génériques) et un anticoagulant (antivitamine-K ou anticoagulant oral direct). Les différentes études ont comparé la triple thérapie (anticoagulant + clopidogrel + aspirine) à une bithérapie (anticoagulant + clopidogrel) après angioplastie : l’étude WOEST avec les antivitamine-K2, l’étude PIONEER3 avec le rivaroxaban (Xarelto), l’étude RE-DUAL PCI4 avec le dabigatran (Pradaxa) et l’étude AUGUSTUS avec l’apixaban (Eliquis)5 confirment que la bithérapie, en comparaison à une triple thérapie, s’accompagne d’une importante réduction des événements hémorragiques sans accroître les événements ischémiques. Il faut noter cependant que la taille de ces études ne permet pas de conclure définitivement sur les événements ischémiques (manque de puissance pour des événements plus rares).

Que faire au-delà d’un an ?

La stratégie par défaut reste une monothérapie par anticoagulant sans antiagrégant plaquettaire. Pour les patients à haut risque ischémique, la grande étude française AQUATIC pilotée par les CHU de Brest, Lille et Nîmes tachera de répondre à la question de l’intérêt ou pas d’y associer de l’aspirine.
Références
1. Hindricks G., Potpara T., Dagres N. et al. 2020 ESC Guidelines for the diagnosis and management of atrial fibrillation developed in collaboration with the European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS). Eur Heart J. 2021 ; 1;42(5):373-498.
2. Dewilde WJ, Oirbans T, Verheugt FW, et al. Use of clopidogrel with or without aspirin in patients taking oral anticoagulant therapy and undergoing percutaneous coronary intervention: an open-label, randomised, controlled trial. Lancet 2013;381(9872):1107-15.
3. Gibson CM, Mehran R, Bode C, et al. Prevention of Bleeding in Patients with Atrial Fibrillation Undergoing PCI. N Engl J Med 2016;375(25):2423-34.
4. Cannon CP, Bhatt DL, Oldgren J, et al. Dual Antithrombotic Therapy with Dabigatran after PCI in Atrial Fibrillation. N Engl J Med 2017;377(16):1513-24.
5. Lopes RD, Heizer G., Aronson R. Antithrombotic Therapy after Acute Coronary Syndrome or PCI in Atrial Fibrillation. N Engl J Med 2019;380:1509-24.

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essentiel

L’objectif de la triple thérapie est de couvrir un double risque après angioplastie : le risque de thrombose de stent et le risque cardio-embolique de la fibrillation atriale.

La triple thérapie s’accompagne d’une augmentation du risque hémorragique.

Respecter les règles pour limiter les complications hémorragiques de la triple thérapie : limiter au minimum la durée, utiliser l’aspirine à faible dose, privilégier les anticoagulants oraux directs aux antivitamine-K, utiliser le clopidogrel (Plavix et génériques) comme inhibiteur P2Y12, utiliser systématiquement un inhibiteur de la pompe à protons.

La bithérapie – anticoagulant + clopidogrel (Plavix et génériques) – réduit les complications hémorragiques. Elle est proposée lorsque le risque hémorragique est au premier plan, après une très courte période hospitalière de triple thérapie.