Troubles fonctionnels intestinaux. La physiopathologie du syndrome de l’intestin irritable et du ballonnement abdominal est mieux comprise, ce qui ouvre plusieurs pistes thérapeutiques même si les progrès sont encore limités.
Les troubles fonctionnels intestinaux correspondent à plusieurs affections fréquentes (syndrome de l’intestin irritable, ballonnement fonctionnel, constipation fonctionnelle, diarrhée fonctionnelle) au cours desquelles des symptômes chroniques, sans explication organique, altèrent significativement la qualité de vie des patients.
La prise en charge de ces affections s’est modifiée ces dernières années à la suite des progrès accomplis dans la compréhension de la physiopathologie des symptômes.
Cette mise au point se limitera à la prise en charge actuelle du syndrome de l’intestin irritable, le plus fréquent d’entre eux, et du ballonnement fonctionnel.

Traitement du syndrome de l’intestin irritable

Le syndrome de l’intestin irritable (SII) se définit par l’association d’une douleur ou d’un inconfort abdominal chronique avec des troubles du transit à type de diarrhée ou plus souvent de constipation ou d’alternance des deux, ce qui permet de différencier plusieurs sous-types.
Il s’agit d’une affection multifactorielle au cours de laquelle les troubles moteurs digestifs, les premiers décrits, sont loin de résumer la physiopathologie (fig. 1).

Attitude thérapeutique de 1re intention


Conseils diététiques

Quel est l’intérêt d’un régime appauvri en « FODMAP » ?1 Des arguments de plus en plus nombreux sont avancés pour proposer un régime appauvri en hydrates de carbone à chaînes courtes, regroupés sous l’acronyme FODMAP (pour fermentable, oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides, polyols), comme approche de première ligne dans le syndrome de l’intestin irritable. Ces sucres comprennent le fructose, le lactose, les fructo- et galacto-oligosaccharides, les fructanes ainsi que certains sucres-alcool (comme le sorbitol et le mannitol) présents notamment dans les confiseries (tableau 1). Ces sucres sont faiblement absorbés dans le grêle. En restant dans la lumière intestinale, ils provoquent un afflux d’eau dans la lumière grêlique puis colique par effet osmotique. Leur fermentation par les bactéries coliques produit des acides gras à chaînes courtes mais aussi des gaz, hydrogène et/ou méthane. Fermentation et effet osmotique provoquent de façon dose-dépendante une distension endoluminale à l’origine de douleurs abdominales, de flatulences, d’une sensation de ballonnement abdominal et/ou d’une diarrhée, surtout lorsque le patient souffre d’une hypersensibilité viscérale (environ 50 % des patients atteints de SII). Cette fermentation peut être majorée par l’existence d’une dysbiose ou parfois d’une pullulation bactérienne grêlique.
Plusieurs essais ont démontré l’efficacité d’un régime appauvri en FODMAP (seulement 3 g/j) sur les symptômes digestifs, notamment la sévérité des douleurs abdominales et le ballonnement chez des patients souffrant d’un syndrome de l’intestin irritable. Cependant, la présence de ces FODMAP dans de nombreux aliments rend en pratique un tel régime difficile à suivre plusieurs semaines d’affilée et peut exposer sur le long terme à des carences d’apports, notamment en calcium. Une prise en charge diététique pour déterminer la dose-seuil tolérée afin d’éviter des régimes trop restrictifs peut être utile.
Plusieurs questions importantes demeurent en suspens : faut-il proposer ce régime à tout patient ayant un syndrome de l’intestin irritable ? quelles sont les conséquences à long terme d’un tel régime ? La réduction des FODMAP diminue l’apport en nutriments à effet prébiotique (favorisant la croissance de certaines espèces composant notre microbiote). Elle est donc susceptible de modifier l’écosystème colique. Il a déjà été montré que, sur quelques semaines, la réduction des FODMAP augmente le pH fécal, accroît la diversité microbienne mais réduit l’abondance bactérienne du microbiote fécal. Les conséquences à long terme de telles modifications sont pour le moment inconnues. La diminution, sous l’effet de ce régime, de bactéries coliques dotées d’effets anti-inflammatoires, soulève la question d’éventuels effets délétères à long terme de ce régime.
Faut-il exclure le gluten ? La réalité de l’intolérance au gluten en dehors de toute maladie cœliaque et de toute allergie au blé médiée par les immunoglobulines E a été récemment affirmée.2 Cette intolérance, qui affecte surtout des femmes de 30 à 40 ans, se traduit, lors de l’introduction de farine de blé ou de gluten, par la survenue de symptômes digestifs (inconfort abdominal, diarrhée, ballonnement abdominal) qui disparaissent après éviction du gluten. Les symptômes digestifs sont le plus souvent associés à des signes non digestifs (fatigue, difficultés de concentration, fibromyalgie, rash cutané…). Les mécanismes possibles de cette intolérance au gluten demeurent incomplètement appréhendés : augmentation de la perméabilité intestinale ? production de cytokines pro-inflammatoires par les macrophages de la lamina propria ?
Les facteurs en jeu dans cette intolérance sont également discutés : s’agit réellement d’un effet délétère du gluten ? s’agit-il plutôt de l’effet de certaines protéines du blé comme les inhibiteurs de l’amylase/trypsine ? s’agit-il d’une intolérance à des FODMAP comme les fructanes, oligosaccharides contenus dans les farines, notamment de blé ? Dans un essai mené chez des patients atteints de syndrome de l’intestin irritable se plaignant d’une intolérance au gluten sans maladie cœliaque, une amélioration symptomatique franche a été obtenue dans un premier temps par un régime appauvri en FODMAP. Lors de l’introduction ultérieure de gluten (2 g ou 16 g), l’inconfort digestif n’a pas été plus marqué qu’avec le placebo.3 En pratique, comme le suggèrent quelques essais cliniques, un régime sans gluten est probablement bénéfique chez quelques patients souffrant d’un syndrome de l’intestin irritable notamment diarrhéique. La mise en route d’un tel régime se discute au cas par cas après qu’un diagnostic de très probable intolérance au gluten sans maladie cœliaque a été porté.
Et les fibres ? Augmenter l’apport en fibres est un conseil classique. La méta-analyse de 20 essais méthodologiquement recevables révèle qu’un bénéfice au maximum modeste peut être attendu de ce conseil diététique, que le bénéfice thérapeutique ne peut être espéré que dans le sous-groupe « SII avec constipation » et que les fibres peuvent même aggraver l’inconfort abdominal et/ou le ballonnement si elles sont apportées sous la forme de fibres insolubles telles que le son de blé. L’apport de fibres doit se faire sous forme de fibres solubles (psyllium ou ispaghul).

Faut-il proposer des probiotiques ? 4

De plus en plus d’arguments plaident pour un rôle d’anomalies de la flore dans la survenue des symptômes du syndrome de l’intestin irritable. Il peut s’agir soit d’une flore quantitativement anormale, notamment dans le grêle (pullulation bactérienne endoluminale), soit plus souvent d’anomalies de la composition d’une flore quantitativement normale (dysbiose). Cette dysbiose se caractérise dans une majorité d’études par une moindre diversité, notamment de la flore au contact de la muqueuse, la présence en excès de certaines clostridies et firmicutes comme Veillonella contrastant avec la réduction des bifidobactéries, notamment au contact de la muqueuse intestinale. La démonstration d’une réduction des lactobacilles a été plus inconstante.
De nombreux essais ont testé l’intérêt de différentes souches probiotiques. Le recours aux probiotiques se justifie par des effets directs sur le microbiote endoluminal mais aussi par une action de renforcement de la barrière intestinale et le pouvoir immunomodulateur de certaines souches. Le tableau 2 récapitule les résultats des différentes méta-analyses sur l’efficacité des probiotiques dans le syndrome de l’intestin irritable. Administrer des probiotiques paraît une option thérapeutique potentielle, en cas de syndrome de l’intestin irritable, dont le bénéfice demande cependant à être confirmé par des essais à grande échelle répondant aux critères méthodologiques actuels. Quelles sont les souches utiles ? Sur la base des données actuelles, les souches pour lesquelles nous disposons des données positives venant de plusieurs études sont Bifidobacterium infantis 35624 (Alflorex) et Lactobacillus plantarum 299v (Smebiocta - LP299V). De nombreuses questions attendent encore des réponses : quels sont les candidats à cette option thérapeutique ? les probiotiques doivent-ils être proposés, en continu ou seulement lors des poussées ? quelle doit être la dose quotidienne ? leur emploi sur le long terme est-il dénué de risque ? doivent-ils être associés à des prébiotiques* ?
L’utilité des prébiotiques n’a été que trop peu évaluée dans le syndrome de l’intestin irritable dans des essais cliniques de qualité. Il est impossible d’en tirer des conclusions pour la pratique.

Quels médicaments de 1re intention pour la douleur abdominale ?

Les antispasmodiques.1 Des troubles moteurs (rythme minute jéjunal, contractions iléales de grande amplitude à propagation colique, réponse motrice rectosigmoïdienne à l’alimentation excessive et/ou anormalement prolongée) existent au cours du syndrome de l’intestin irritable. Ils peuvent expliquer les perturbations du transit. Il est démontré que les antispasmodiques réduisent la motricité colique et le réflexe gastrocolique en réponse à l’alimentation. Cependant, les résultats des essais cliniques menés avec les antispasmodiques sont plus difficiles à interpréter en raison des faiblesses méthodologiques des études analysables (critères de sélection mal définis, défaut de puissance des essais, critères de jugement parfois imprécis, nombre de perdus de vue important…). Certains antispasmodiques (trimébutine, pinavérium, mébévérine) paraissent efficaces pour soulager la douleur sans effet sur les troubles du transit. En pratique, il semble légitime de proposer l’emploi de cette classe thérapeutique en première intention, tout particulièrement chez les patients décrivant des douleurs abdominales surtout en période post-prandiale et associées à un besoin exonérateur impérieux.
Des antispasmodiques d’action rapide tel que le phloroglucinol paraissent surtout indiqués pour soulager à la demande des phénomènes douloureux abdominaux paroxystiques.
Le citrate d’alvérine. (Météospasmyl). Il associe deux principes actifs, le citrate d’alvérine (60 mg par capsule) et la siméticone, composé hydrosoluble combinant de la silice et un topique couvrant, la diméticone. Expérimentalement, le citrate d’alvérine abolit les contractions grêliques induites par les stimulations afférentes parasympathiques. Il possède également une action antinociceptive viscérale via une action antagoniste sur les récepteurs 5-HT1A de la sérotonine. L’efficacité clinique du citrate d’alvérine dans le syndrome de l’intestin irritable a été réévaluée récemment, chez des patients définis par les critères de Rome, dans deux essais randomisés en double aveugle et en groupes parallèles, au cours desquels l’efficacité d’une monothérapie par Météospasmyl a été comparée soit à un placebo, soit à un antispasmodique. Dans ces deux essais, le citrate d’alvérine a obtenu des résultats meilleurs que ceux du comparateur.
Les argiles. L’efficacité de la montmorillonite beidellitique (Bedelix) qui est une argile naturelle a été évaluée contre placebo dans un essai contrôlé en groupes parallèles. Dans le sous-groupe « SII avec constipation », la montmorillonite a davantage amélioré la douleur abdominale et le confort digestif que le placebo. Dans les deux autres sous-groupes (« SII avec diarrhée » et « SII avec alternance diarrhée-constipation »), l’efficacité du Bedelix a été meilleure que celle du placebo mais la différence n’atteignait pas la signification statistique.

Quels médicaments pour les troubles du transit ?

Si l’objectif premier du traitement est le soulagement de la douleur abdominale, l’amélioration des troubles du transit ne doit pas être oubliée. En cas de syndrome de l’intestin irritable avec constipation, le recours à des laxatifs osmotiques est habituellement proposé en sachant que le lactulose peut être mal toléré (ballonnements). En cas de diarrhée, le lopéramide est la solution la plus habituellement retenue. La diarrhée au cours du syndrome de l’intestin irritable est souvent en rapport avec un effet laxatif des acides biliaires pénétrant dans le côlon. La colestyramine, chélateur des acides biliaires endoluminaux (Questran, 1-2 sachets de 4 g par jour), peut être alors spectaculairement efficace.

Échec des options de 1re intention : que proposer ?


Le recours aux antidépresseurs à faibles doses

Il s’agit d’une alternative5 thérapeutique à ne pas négliger, surtout chez les patients diarrhéiques. Leur utilisation se justifie non seulement pour agir sur d’éventuelles perturbations thymiques, mais aussi en raison d’un effet analgésique viscéral, secondaire à une action centrale. Les antidépresseurs sont donnés à faibles doses, non antidépressives (tableau 3). L’analyse des résultats des essais contrôlés avec des tricycliques démontre que, par rapport au placebo, ils réduisent de 32 % la probabilité de demeurer symptomatique (risque relatif [RR] : 0,68 ; intervalle de confiance [IC] à 95 % : 0,56-0, 83) avec un nombre de patients à traiter (NNT) de 4. En raison du rôle joué par la sérotonine dans la physiopathologie du syndrome de l’intestin irritable, l’utilisation d’antidépresseurs inhibant la recapture de la sérotonine apparaît logique. L’analyse des données de la littérature (5 essais, 230 patients) révèle que leurs résultats sont à peu près équivalents à ceux des tricycliques (RR : 0,62 ; IC à 95 % : 0,45-0,87 ; NNT : 3,5).
L’observance au traitement est essentielle. Il importe donc de bien expliquer les raisons de l’utilisation de tels médicaments car la prescription d’antidépresseurs induit souvent une réaction initiale de rejet. La dose thérapeutique doit être atteinte progressivement pour limiter les effets secondaires. Un essai thérapeutique d’une durée de 2 à 3 mois est légitime avant de conclure à l’inefficacité de cette option thérapeutique.

Penser aux alternatives non médicamenteuses

Les alternatives non médicamenteuses réduisent la probabilité de demeurer symptomatique (RR : 0,57 ; IC à 95 % : 0,57-0,79).
L’hypnose est une première solution possible. L’équipe de Manchester qui est restée6 longtemps le seul groupe intéressé par l’hypnose a montré que cette technique améliorait tous les symptômes (douleurs, ballonnements) des patients ayant un syndrome de l’intestin irritable, notamment ceux âgés de moins de 50 ans, que l’efficacité se maintenait à long terme (81 % d’amélioration à 5 ans chez les répondeurs initiaux), que la technique entraînait une amélioration de la qualité de vie, une diminution du recours aux soins, une amélioration des symptômes extradigestifs, une correction de l’hypersensibilité viscérale. Les mécanismes d’action de l’hypnose au cours de ce syndrome ne sont pas connus. Chez le sujet sain, des études par imagerie par résonance magnétique fonctionnelle ont montré que l’hypnose modifie les seuils d’activation des zones cérébrales impliquées dans le contrôle de la douleur somatique. Après une longue période de scepticisme, des études menées par d’autres équipes ont confirmé les résultats de l’équipe de Manchester. L’hypnose est désormais reconnue comme une option thérapeutique valide au cours du syndrome de l’intestin irritable, notamment chez les sujets jeunes. Il est possible que l’hypnose soit plus efficace chez les patients dont les symptômes sont augmentés ou déclenchés par le stress, mais cela n’a jamais été confirmé.
Le rôle joué par les émotions, les événements de vie, le comportement face à la maladie dans l’apparition et l’évolution des symptômes ainsi que dans l’intégration centrale des messages sensitifs d’origine viscérale rendent logique d’envisager une approche psychothérapique, notamment dans les cas les plus sévères. Des éléments objectifs en faveur d’une telle attitude existent. Une psychothérapie (une séance hebdomadaire de 1 heure pendant 12 semaines) a obtenu de meilleurs résultats que ceux de simples entretiens informant le patient sur la physiopathologie du syndrome de l’intestin irritable d’une durée équivalente et ceux de la désipramine. Une psychothérapie faisant travailler le patient sur ses émotions et sur les relations entre émotions et symptômes a obtenu des résultats symptomatiques équivalents à 3 mois et meilleurs à 1 an que la paroxétine. Un traitement combiné (psychothérapie et traitement médicamenteux) obtiendrait des résultats supérieurs au seul traitement médicamenteux. Les techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle apportent également des arguments objectifs pour cette prise en charge psychothérapique en montrant, sur des cas isolés, qu’une psychothérapie peut, dans des cas sévères, sujets exposés antérieurement à des événements de vie douloureux, « normaliser  » la topographie des zones cérébrales activées par une distension digestive. Restent deux difficultés à résoudre  : organiser en pratique cette prise en charge psychothérapique et convaincre les patients de l’accepter.
L’ostéopathie a également été étudiée dans quelques essais avec des techniques variables selon les pays rendant difficile la comparaison entre les études. Un essai randomisé allemand a montré une efficacité de l’ostéopathie supérieure à une prise en charge standard (68  % vs 17  %). Un essai français a montré que deux séances d’ostéopathie entraînaient une amélioration à court terme du syndrome de l’intestin irritable. Les modes d’action ne sont pas connus.
La pratique du yoga pourrait être bénéfique sur les symptômes et l’anxiété. En revanche, aucun bénéfice symptomatique de l’acupuncture par rapport à des séances d’acupuncture fictive n’a été démontré.

Traiter la douleur comme une douleur neuropathique

Cette option nécessite de recourir à des molécules comme la prégabaline (Lyrica), la gabapentine (Neurontin) ou la duloxétine (Cymbalta). Quelques essais ont suggéré son efficacité.

Agir sur la flore par des antibiotiques

Les antibiotiques ont surtout été administrés en cas de pullulation bactérienne démontrée. La prévalence d’une telle pullulation est très discutée. La rifaximine (Tixtar ou Normix), non disponible encore en France dans cette indication mais autorisée pour traiter l’encéphalopathie hépatique, a été l’antibiotique le mieux étudié.7 Deux grands essais de 10 à 14 jours de traitement concernant un total de 1 260 patients ont montré son efficacité symptomatique à la dose de 550 mg 3 fois par jour, tout particulièrement en cas de pullulation bactérienne endoluminale du grêle.8 L’effet symptomatique qui s’est maintenu au-delà de la période d’administration de l’antibiotique pourrait ne pas s’expliquer par la seule action sur le microbiote. Dans un modèle murin d’hypersensibilité viscérale, la rifaximine a réduit cette hypersensibilité viscérale non seulement par un effet bactérien (réduction des clostridies et stimulation de la croissance des lactobacilles) mais aussi en corrigeant la perméabilité intestinale excessive et l’inflammation intestinale de bas grade secondaire au stress chronique.

Proposer une transplantation fécale

La dernière option thérapeutique, radicale, pour agir sur la flore, est la transplantation fécale qui consiste à éliminer par une préparation type coloscopie la flore du sujet avant d’implanter dans le côlon la flore d’un sujet sain, asymptomatique. Cette solution n’a été testée jusqu’alors que dans une étude clinique de qualité méthodologique moyenne et publiée seulement sous forme de résumé dans le syndrome de l’intestin irritable réfractaire. Ces premiers résultats sont encourageants puisque 70 % des patients se sont dit améliorés.

Proposer des médicaments à effet anti-inflammatoire intestinal (mésalazine, prednisolone, budésonide)

Une inflammation de bas grade existe chez certains patients, notamment en cas de syndrome post-infectieux (10-15 % des SII). La calprotectine fécale, marqueur d’inflammation intestinale, est supérieure à la normale chez un tiers des patients ayant un syndrome de l’intestin irritable. Une étude de preuve de concept a montré que la mésalazine (800 mg 3 fois par jour pendant 8 semaines) pouvait réduire l’infiltration mastocytaire qui est impliquée dans la genèse de l’hypersensibilité viscérale. Les essais cliniques ont en revanche conduit à des résultats décevants.
Plusieurs médicaments agissant sur de nouvelles cibles thérapeutiques sont en développement avec des essais de phase III (linaclotide, lubiprostone, éluxadoline) ou de phase II (antagonistes des tachykinines, ramosétron) concluants (tableau 4). Leur arrivée sur le marché français est incertaine.

Traitement du ballonnement fonctionnel

Dans le ballonnement fonctionnel, le patient se plaint essentiellement d’une sensation de distension abdominale alors que les douleurs ou les troubles du transit sont absents ou très au second plan. Selon les cas, la sensation de distension s’associe ou non à un ballonnement abdominal objectif.

Schématiquement,9 quatre facteurs peuvent provoquer le symptôme : un ralentissement du transit des gaz dans l’intestin grêle ; une hypersensibilité viscérale qui rend le sujet anormalement sensible aux mouvements intestinaux de gaz ayant un volume normal ; une production excessive de gaz dans l’intestin, liée à une malabsorption de certains sucres (fructose, sorbitol) ou en rapport avec une dysbiose intestinale comme dans le syndrome de l’intestin irritable) ; un dysfonctionnement des muscles de la sangle abdominale avec mauvaise coordination abdomino-thoraco-phrénique, secondaire à un réflexe viscéro-somatique anormal, d’identification plus récente.
Les progrès récents réalisés dans la compréhension du ballonnement abdominal ne se sont pas soldés jusqu’alors par des avancées thérapeutiques réellement significatives. À titre d’exemple, aucune prise en charge validée n’existe actuellement pour corriger le dysfonctionnement des muscles antérieurs de la sangle abdominale et la mauvaise coordination abdomino-thoraco-phrénique. En outre, face à un patient donné, il n’existe pas de tests simples de routine permettant d’appréhender la physiopathologie du symptôme. L’approche thérapeutique demeure donc empirique.
Trois solutions peuvent être proposées : des conseils hygiéno-diététiques, un traitement pharmacologique, une prise en charge non médicamenteuse.
Sur le plan diététique, recommander aux patients d’éviter les aliments les plus fermentescibles est un conseil habituel. La démonstration d’une malabsorption du fructose et/ou de sorbitol rend logique la prescription d’un régime d’exclusion. La consommation de fibres, notamment de son, doit être limitée ainsi que la teneur en lipides de l’alimentation en raison de l’effet freinateur des fibres et des lipides sur le transit grêlique des gaz. Un exercice physique modéré (pédalage sur un vélo d’intérieur pendant 75 minutes avec des périodes d’effort de 5 minutes entrecoupées de périodes de repos de 3 minutes) diminue par deux le volume des gaz retenus.

Quels médicaments proposer ?

Les absorbants des gaz, essentiellement à base de charbon, ont eu jusqu’alors une efficacité médiocre dans les rares essais publiés. Seule la siméticone a fait la preuve d’une certaine efficacité.
Les bases physiopathologiques rendent logique d’essayer d’accélérer le transit des gaz par des prokinétiques, d’agir sur la sensibilité viscérale et sur une éventuelle pullulation bactérienne :
– les prokinétiques peuvent être actifs. Si les prokinétiques usuels (métoclopramide, érythromycine, éventuellement dompéridone) sont souvent inefficaces, la néostigmine (mais seulement lors d’une administration de 0,5 mg par voie intraveineuse) a obtenu de meilleurs résultats que le placebo dans un essai contrôlé.
– agir sur la sensibilité viscérale par des antidépresseurs (tricycliques, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine) selon les mêmes modalités que dans le syndrome de l’intestin irritable peut être envisagé surtout chez les patients qui se plaignent d’une sensation de distension alors que cliniquement leur abdomen est plat ;
– la place d’un traitement antibiotique dans la prise en charge est discutée ; un antibiotique comme le métronidazole (400 mg, 3 fois par jour) a été efficace sur le ballonnement en réduisant de façon très significative les volumes d’hydrogène et de méthane. La rifaximine a également obtenu des résultats intéressants. Comme dans le syndrome de l’intestin irritable, les probiotiques sont une autre piste.

Quelle approche non médicamenteuse  ?

Comme dans le syndrome de l’intestin irritable, l’équipe de Manchester a montré que l’hypnose pouvait être bénéfique pour les patients, peut être en améliorant le vécu du symptôme.

MIEUX CARACTÉRISER LES SOUS-GROUPES DE PATIENTS

La physiopathologie du syndrome de l’intestin irritable et du ballonnement fonctionnel est mieux comprise. Il s’agit de situations multifactorielles avec des anomalies variables d’un patient à un autre et une association de dysfonctionnements chez un même patient.
Les progrès thérapeutiques sont encore limités mais le démembrement de la physiopathologie conduit à la réalisation d’essais thérapeutiques avec de nouvelles molécules dans des sous-groupes de patients mieux caractérisés.
Les conseils diététiques ont pris une place importante. Parmi les options thérapeutiques, celles agissant sur le microbiote intestinal (probiotiques, prébiotiques, symbiotiques, antibiotiques) suscitent beaucoup de recherches.
* Prébiotiques :aliment qui favorise la croissance ou l’activité des bactéries intestinales bénéfiques à notre santé.
Références
1. Camilleri M, Boeckxstaens G. Dietary and pharmacological treatment of abdominal pain in IBS. Gut 2017;66:966-74.
2. De Giorgio R, Volta U, Gibson PR. Sensitivity to wheat, gluten and FODMAPs in IBS: facts or fiction? Gut 2016;65:169-78.
3. Halmos EP, Power VA, Shepherd SJ, Gibson PR, Muir JG. A diet low in FODMAPs reduces symptoms of irritable bowel syndrome. Gastroenterology 2014;146:67-75.e5.
4. Quigley EM. Probiotics in irritable bowel syndrome: the science and the evidence. J Clin Gastroenterol 2015;49:S60-4.
5. Ford AC, Quigley EM, Lacy BE, et al. Effect of antidepressants and psychological therapies, including hypnotherapy, in irritable bowel syndrome: systematic review and meta-analysis. Am J Gastroenterol 2014;109:1350-65.
6. Miller V, Carruthers HR, Morris J, Hasan SS, Archbold S, Whorwell PJ. Hypnotherapy for irritable bowel syndrome: an audit of one thousand adult patients. Aliment Pharmacol Ther 2015;41:844-55.
7. Kane JS, Ford AC. Rifaximin for the treatment of diarrhea-predominant irritable bowel syndrome. Expert Rev Gastroenterol Hepatol 2016;10:431-42.
8. Pimentel M, Lembo A, Chey WD, et al. TARGET study group. Rifaximin therapy for patients with irritable bowel syndrome without constipation. N Engl J Med 2011;364:22-32.
9. Malagelada JR, Accarino A, Azpiroz F. Bloating and abdominal distension: old misconceptions and current knowledge. Am J Gastroenterol 2017;112:1221-31.

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Résumé

Les progrès effectués dans la compréhension de la physiopathologie du syndrome de l’intestin irritable (SII) mais aussi du ballonnement fonctionnel ont conduit à une diversification des solutions thérapeutiques potentielles. Dans le SII, celles-ci sont fonction du sous-type de syndrome, diarrhéique et avec constipation. À côté des médicaments classiques (antispasmodiques, alvérine, laxatifs, lopéramide), les antidépresseurs à faibles doses et les alternatives non médicamenteuses trouvent désormais une place. Surtout, l’utilité d’un régime, notamment appauvri en FODMAP, et les solutions visant à agir sur la flore (probiotiques, antibiotiques) sont de plus en plus discutées. Dans le ballonnement fonctionnel, la prise en charge demeure empirique. Conseils diététiques, prokinétiques, antidépresseurs à faibles doses et agents actifs sur la flore peuvent être testés.