En France, 1/6e de la population est atteint d’une maladie valvulaire de grade modéré à grave. Cette prévalence est amenée à augmenter avec le vieillissement, facteur de risque majeur.
Le rétrécissement valvulaire aortique calcifié (RAC) est la valvulopathie la plus fréquemment opérée. Dans cette pathologie, le succès des procédures percutanées TAVI (Transcatheter Aortic Valve Implantation) a transformé la prise en charge des patients fragiles.
L’insuffisance mitrale (IM) est, en France, la plus fréquente. Néanmoins, d’évolution plus lente, elle est deuxième en termes de volume opératoire, avec 7 000 actes chaque année. Depuis plus de 20 ans, la voie mini-invasive (cœlio- scopie thoracique), permet d’éviter la sternotomie mais pas le recours à la circulation extracorporelle. Lorsqu’il existe une indication opératoire, un patient sur deux n’est pas référé pour une intervention chirurgicale, principalement en raison d’un âge trop avancé, de comorbidités importantes ou d’une altération de la fonction ventriculaire gauche.1
À l’image de la TAVI pour le RAC, des techniques percutanées sont développées.
Pathologie mitrale et traitement percutané
La valve mitrale prévient la régurgitation du contenu ventriculaire gauche dans l’oreillette gauche à chaque systole. Elle est donc soumise à un stress maximal près de « 2 milliards de fois par vie ». Cette extraordinaire capacité tient notamment à une anatomie (unité anatomofonctionnelle) complexe, faite de plusieurs éléments : un anneau fibreux sur lequel s’insèrent 2 valvules, dont les extrémités sont reliées à la paroi ventriculaire interne par un appareil sous-valvulaire composé de cordages tendineux et de piliers (muscles papillaires).
Les valvulopathies mitrales sont dues à des pathologies nombreuses et variées. Pour une stratégie thérapeutique optimale, il convient d’identifier des cadres nosologiques distincts : l’insuffisance mitrale primaire, secondaire et le rétrécissement mitral (
La situation anatomique centrale de la valve mitrale rend l’abord percutané complexe : soit par ponction veineuse fémorale et cathétérisme transseptal pour passer de l’oreillette droite à l’oreillette gauche à travers le septum intra- auriculaire, soit par accès chirurgical du ventricule gauche à travers la pointe du cœur (transapical).
Cette triple complexité (anatomique, lésionnelle, accès) explique pourquoi, contrairement à la TAVI pour le RAC, l’adoption des techniques percutanées à l’étage mitral est lente et progressive.
Depuis 4 décennies, en chirurgie, chaque élément de l’appareil mitral peut être réparé indépendamment au cours d’une même procédure. Des dispositifs spécifiques et des prothèses valvulaires destinées à être déployées dans l’orifice mitral par voie percutanée ou transapicale (TMVR : Transcatheter Mitral Valve Replacement) sont aujourd’hui disponibles (
Le dispositif MitraClip (Abbott) et les TMVR sont aujourd’hui les outils les plus aboutis et les mieux étudiés.
Mitraclip
C’est un clip constitué de 2 bras métalliques de près de 1 cm de hauteur (
L’ensemble de la procédure est guidé par la fluoroscopie et l’échocardiographie transœsophagienne (ETO). L’anesthésie générale n’est nécessaire que pour faciliter sa tolérance. L’accès au cœur se fait par ponction veineuse fémorale, puis cathétérisme transseptal permettant d’introduire le cathéter porteur dans l’oreillette gauche. L’orientation et le positionnement du clip sur la valve sont guidés par ETO 3D. Ces mouvements, ainsi que l’ouverture et la fermeture des bras, sont contrôlés grâce à un ensemble de molettes et poignées situées sur le système de largage du clip, à l’extérieur du patient.
Le résultat de la procédure peut être évalué en temps réel tout au long de son déroulement : le clip peut être rouvert, mobilisé et replacé. Plusieurs clips sont parfois nécessaires.
MitraClip est le dispositif le plus utilisé actuellement, avec plusieurs centaines de milliers de patients traités dans le monde depuis 2011 (étude pilote EVEREST II)3. Il peut être posé en cas d’insuffisance mitrale primaire ou secondaire chez des patients sélectionnés par une heart team structurelle dans un centre expert (
TMVR
Contrairement à la TAVI où une prothèse circulaire est mise en place dans un orifice rigide et rond, les spécificités anatomiques de la valve mitrale sont bien plus contraignantes. L’anneau mitral est semi-rigide et ovalaire, et le positionnement dans la valve, délicat : ni trop haut dans l’oreillette (risque d’expulsion en systole dans l’oreillette) ni trop bas dans le ventricule (risque d’obstacle à l’éjection du flux sanguin dans l’aorte).
Ainsi l’ancrage de la prothèse dans l’orifice mitral natif est la problématique principale pour les développeurs d’outils innovants et leurs utilisateurs !
Dans un premier temps, des prothèses de TAVI ont été utilisées dans les cas d’ancrage facilitant (par exemple sujets porteurs d’une prothèse mitrale biologique dysfonctionnante).
Puis les industriels ont développé des prothèses spécifiques (de TMVR à proprement parler).
Un screening préopératoire drastique est nécessaire, et les cas compatibles sont peu nombreux dans l’état actuel du développement technologique : à ce jour, moins de 1 000 procédures TMVR ont été réalisées dans le monde (tous dispositifs compris), avec des résultats encourageants.
Ces implantations sont le plus souvent effectuées via un accès transapical (thoracotomie gauche et implantation par la pointe du cœur). L’objectif à moyen terme est le développement d’outils plus ergonomiques autorisant une implantation percutanée stricte.
Tendyne (Abbott) est actuellement la plus implantée et c’est la seule avec marquage CE. Elle se compose d’une armature métallique auto-expansible adaptée à la forme ovalaire de l’anneau mitral. Elle possède 3 valvules et dispose d’un « pseudo-appareil sous-valvulaire » grâce à un câble qui relie la prothèse à un pad (rondelle de maintien) apical afin de prévenir l’embolisation de celle-ci vers l’oreillette gauche (
Le choix de la taille prothétique (sizing) et le site de ponction transapical sont déterminés grâce à un scanner injecté avec reconstructions tridimensionnelles lors du bilan de faisabilité.
La procédure de déploiement est effectuée sous anesthésie générale par une approche transapicale, guidée par fluoroscopie et ETO 3D. La prothèse est repositionnable, et la tension du câble peut être réglée.
De nombreux autres dispositifs de réparation et de remplacement sont actuellement en développement. On citera NeoChord (NeoChord), outil chirurgical (non percutané à proprement parler) : cordage artificiel en Gore-Tex implanté en passant par la pointe du cœur par thoracotomie gauche, sans recours à une circulation extracorporelle. Cardioband (Edwards Lifesciences) est un autre système permettant une annuloplastie (restriction et stabilisation du diamètre de l’anneau mitral) de façon totalement percutanée.
Ainsi le praticien disposera d’une trousse à outils bien fournie, pour s’adapter au mieux aux spécificités anatomiques de chaque patient.
Quid des autres valvulopathies ?
L’insuffisance tricuspide (IT) de haut grade a une prévalence d’environ 5 % en France. Dans la majorité des cas, elle est dite fonctionnelle : la structure de la valve n’est pas altérée, mais la régurgitation est secondaire à une dilatation du cœur droit, entraînant un élargissement de l’anneau tricuspide. L’apparition d’une IT est un indice pronostique significatif : lorsqu’elle est sévère, la survie est de 50 % à 3 ans. Des données récentes montrent le bénéfice clinique lié à sa correction.
Toutefois, les symptômes sont tardifs et les patients, souvent adressés en chirurgie à un stade avancé, ont alors un risque opératoire élevé, motivant des stratégies percutanées moins lourdes.
Si de nombreux dispositifs dédiés sont actuellement à l’étude, leur utilisation est pour l’instant balbutiante. La majorité des individus a été traitée au sein d’études prospectives (usage hors AMM de MitraClip), comme dans le registre TriValve (400-500 personnes dans le monde) avec des résultats perfectibles mais encourageants.
Enfin, concernant la valve pulmonaire, les prothèses percutanées dédiées (Melody, Medtronic) sont extrêmement intéressantes et efficaces, mais dans un contexte très marginal et spécifique : celui des cardiopathies congénitales. Ces techniques percutanées évitent des réinterventions complexes chez le malade devenu adulte après une ou plusieurs corrections d’anomalies congénitales cardiaques durant l’enfance.
1. Mirabel M, Iung B, Baron G, et al. What are the characteristics of patients with severe, symptomatic, mitral regurgitation who are denied surgery? Eur Heart J 2007;28:1358‑65.
2. Stone GW, Lindenfeld J, Abraham WT, et al. Transcatheter Mitral-Valve Repair in Patients with Heart Failure. N Engl J Med 2018;379:2307‑18.
3. Feldman T, Foster E, Glower DD, et al. Percutaneous Repair or Surgery for Mitral Regurgitation. N Engl J Med 2011;364:1395‑406.