La maladie ostéoporotique est asymptomatique tant que ne survient pas de fracture, ce qui en est l’unique mais redoutable complication. En prévention, plusieurs médicaments spécifiques sont disponibles, mais leur prescription doit respecter certains critères. La HAS vient d’actualiser les recos sur la stratégie thérapeutique – algorithmes à l’appui – et le bon usage des traitements (indications, précautions d’emploi, coûts).

L’ostéoporose est définie comme une maladie généralisée du squelette associant une diminution de la masse osseuse à des altérations de la microarchitecture conduisant à un risque augmenté de fractures. Cependant, cette définition ne permet pas de prendre une décision thérapeutique. Un traitement préventif est indiqué uniquement devant un risque fracturaire élevé. Comment le calculer ?

Qui traiter ? Évaluer le risque de fracture

La décision thérapeutique dépend de la mesure de la densité minérale osseuse (DMO), mais aussi des facteurs de risque.

La DMO est mesurée par ostéodensitométrie réalisée sur 2 sites osseux (rachis lombaire, extrémité supérieure du fémur). Cet examen est indiqué (et remboursé) en cas de : fracture de basse énergie, traitement cortisonique et pathologies pouvant favoriser la survenue d’une ostéoporose, antécédent parental de fracture du col de fémur, prise de corticoïdes au long cours, ménopause précoce et IMC faible. La DMO s’exprime en T-score, écart entre la densité osseuse mesurée et la densité osseuse théorique de l’adulte jeune de même sexe, au même site osseux :

  • T-score > - 1 : densité normale.
  • T-score < - 1 et supérieur à - 2,5 : ostéopénie.
  • T-score < - 2,5 : ostéoporose
  • T-score ≤ - 2,5 avec un ou plusieurs antécédents de fractures : ostéoporose sévère.

Les patientes à risque élevé de fracture (et donc pour lesquelles un traitement est indiqué) sont définies comme :

  • patientes ayant fait une fracture par fragilité osseuse ; les fracture « sévères » sont celles de l’extrémité supérieure du fémur ou de l’humérus, des vertèbres, du bassin, du fémur distal, de 3 côtes simultanées et du tibia proximal ;
  • en l’absence de fracture, les femmes ayant un T-score < - 3 ou un T-score ≤ - 2,5 associé à d’autres facteurs de risque de fracture :
    • âge > 60 ans ;
    • corticothérapie systémique ancienne ou actuelle à une posologie ≥ 7,5 mg/j d’équivalent prednisone ;
    • IMC < 19 kg/m² ;
    • antécédent de fracture de l’extrémité du col du fémur chez un parent du premier degré (mère) ;
    • ménopause précoce (avant 40 ans).

Dans les situations intermédiaires, le calcul du FRAX peut aider à prendre la décision de traiter ou non. Cet outil développé par l’OMS permet de quantifier le risque individuel (absolu) de fracture majeure (vertébrale, de la hanche, du bassin, de l’humérus) ou de fracture de la hanche dans les 10 prochaines années. En plus de la valeur de la DMO au col du fémur, le questionnaire tient compte des autres facteurs de risque. Ensuite, le praticien dispose d’une courbe (uniquement pour les femmes ménopausées) permettant de comparer le risque de la patiente à celui d’une femme du même âge qui a déjà eu une fracture sévère. Si ce risque est égal ou plus élevé, il faut lui prescrire un traitement.

Quelle stratégie thérapeutique ?

Avant d’instaurer un traitement médicamenteux, il faut :

  • corriger une éventuelle carence en calcium et/ou en vitamine D ;
  • recommander le sevrage tabagique, l’exercice physique et la prévention des chutes.

Plusieurs médicaments sont indiqués selon les différents cas de figure (v. algorithme 1).

En cas de corticothérapie en cours, le traitement doit être envisagé dès lors que la dose quotidienne de corticoïdes atteint ou dépasse 7,5 mg d’équivalent prednisone et que la durée prévisible de la corticothérapie est supérieure à 3 mois (v. algorithme 2).

Focus sur le bon usage des médicaments

Les bisphosphonates

L’alendronate (Fosamax et génériques, Steovess, Bonasol), le risédronate (Actonel et génériques) et le zolédronate (Aclasta et génériques) ont montré leur efficacité dans le traitement de l’ostéoporose post-ménopausique pour réduire le risque de fracture vertébrale et de hanche chez les patientes à risque élevé de fracture, et sont remboursables dans cette indication. Ils se différencient entre eux par d’éventuelles autres indications (ostéoporose cortisonique, ostéoporose masculine, etc.), leur tolérance et précautions d’emploi, leur rythme et voie d’administration (v. tableau 1).

Ils sont tous indiqués aussi dans l’ostéoporose masculine sauf l’association risédronate + calcium/vitamine D3.

Chez les patients devant recevoir un bisphosphonate :

  • faire effectuer un bilan buccodentaire préalable, suivi des soins nécessaires (risque exceptionnel d’ostéonécrose mandibulaire). À répéter au moins 1 fois/an pendant la durée du traitement ;
  • informer le patient qu’il faut prendre le médicament à jeun et au moins 30 min avant le repas, debout ou assis (sans se recoucher ensuite), et avec un grand verre d’eau plate peu minéralisée (eau du robinet par exemple), pour réduire le risque de lésion œsophagienne (excepté Actonel, risédronate, en comprimé gastro-résistant qui doit être pris immédiatement après le petit-déjeuner).

Coût du traitement journalier (CTJ) : v. tableau 2.

Dénosumab

Prolia (60 mg, SC), anticorps monoclonal inhibiteur des ostéoclastes, est utilisé en 2e intention en relais des bisphosphonates en cas d’ostéoporose post-ménopausique chez les patientes à risque élevé de fracture.

Précautions d’emploi :

  • risque infectieux (urinaire et des voies respiratoires supérieures, cellulite infectieuse) et allergique (éruption cutanée) ;
  • risque d’ostéonécrose de la mâchoire (similaire à celui observé avec les bisphosphonates) ;
  • risque de rebond du remodelage osseux à l’arrêt du traitement pouvant conduire à des fractures vertébrales multiples => attention à l’observance et prévoir un traitement par bisphosphonates à leur interruption. L’exposition préalable aux bisphosphonates limite l’effet rebond.

La Commission de la transparence a proposé que la prescription initiale soit réservée aux spécialistes (rhumatologues, gynécologues, gériatres et internistes).

Médicament d’exception.

Administration : 1 injection sous-cutanée (60 mg) tous les 6 mois.

CTJ : 0,97 € (non compris : coût de l’acte infirmier d’injection).

Raloxifène

Evista et Optruma(60 mg, comprimés)ont montré une efficacité seulement sur les fractures vertébrales.

Indication remboursable : patientes ayant une ostéoporose rachidienne à faible risque de fracture du col du fémur, de moins de 70 ans, sans facteur de risque thrombo-embolique veineux et dont la carence vitamino-calcique a été corrigée.

Précautions d’emploi :

  • contre-indiqué si : accident thrombo-embolique veineux (antécédent ou en évolution), antécédent de cancer de l’endomètre ou saignement génital inexpliqué ;
  • à utiliser avec précaution en cas d’antécédent d’AVC ou des facteurs de risque importants d’AVC (AIT, FA, etc.).

Administration : une prise par jour.

CTJ : 0,43 € (boîte de 28), 0,41 € (boîte de 84).

Romosozumab

Evenity (105 mg, solution injectable).

Indication : patientes ménopausées de < 75 ans atteintes d’ostéoporose sévère avec un antécédent de fracture sévère et sans antécédent de coronaropathie.

Précautions d’emploi :

  • CI si antécédent d’infarctus du myocarde ou d’AVC. Évaluer les facteurs de risque CV avant l’instauration du traitement (HTA, hyperlipidémie, diabète, tabagisme, IR sévère...) ;
  • l’arrêt doit être suivi d’un relais par bisphosphonates ;
  • la prescription est réservée aux gériatres et aux rhumatologues.

CTJ : non remboursable à ce jour.

Tériparatide

Forsteo (20 μg/80 μL, solution injectable)et ses biosimilaires sont réservés aux patients ayant eu au moins 2 fractures vertébrales.

Il est indiqué et remboursable en cas d’ostéoporose :

  • post-ménopausique pour réduire le risque de fracture vertébrale et périphérique, mais non de la hanche, chez les femmes ayant déjà eu 2 fractures vertébrales ;
  • chez les hommes avec déjà 2 fractures vertébrales ;
  • cortisonique compliquée d’au moins 2 fractures vertébrales chez les femmes et les hommes recevant une corticothérapie au long cours par voie générale.

Administration : 1 injection sous-cutanée/j.

Médicament d’exception. Durée maximale de 24 mois (remboursement limité à 18 mois).

CTJ : 7,52 € (boîte de 1 seringue préremplie).

Pour en savoir plus

HAS. Les médicaments de l’ostéoporose. 24 janvier 2023.
Fardellone P. Diagnostic et dépistage de l’ostéoporose.  Rev Prat 2020;70(9);1023-6.
Trojani MC, Breuil V. Traitement de l’ostéoporose.  Rev Prat 2020;70(10);1089-95.

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