Cancer de la prostate. Associer à la castration chimique une chimiothérapie ou une hormonothérapie de 2e génération semble bénéfique, que le cancer soit hormonosensible ou devenu résistant, mais il reste à définir quelle est la meilleure séquence de traitement pour chaque patient.
Le cancer de la prostate est fréquent puisqu’il représente en France le premier cancer chez l’homme en termes d’incidence, avec près de 54 000 nouveaux cas en 2011, et la troisième cause de mortalité, avec environ 8 700 décès en 2015. Les formes métastatiques, diagnostiquées d’emblée ou survenant au cours de l’évolution d’une tumeur localisée ou localement avancée, peuvent bénéficier d’un traitement à visée palliative mais restent associées à un taux de mortalité élevée. Depuis 1941 avec la mise en évidence de l’hormonodépendance du cancer de la prostate par Charles Huggins, l’hormonothérapie constitue la pierre angulaire du traitement de ses formes métastatiques. En effet, le cancer de la prostate est un cancer dont les cellules tumorales sont stimulées par les androgènes, essentiellement la testostérone produite par les testicules sous la dépendance de l’axe hypothalamo-hypophysaire. La testostérone est le principal androgène circulant, puisque seuls 5 à 10 % des androgènes sont produits par les glandes surrénales. Produite par les testicules, elle est ensuite convertie dans les cellules prostatiques en 5-alpha dihydrotestos- térone. Aujourd’hui, plusieurs types de stratégies thérapeutiques incluant dans tous les cas une suppression androgénique et une chimiothérapie ou une hormono- thérapie de 2e génération peuvent être proposées aux patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique avec deux situations cliniques différentes : le cancer de la prostate hormono-naïf hormonosensible et le cancer de la prostate résistant à la castration. Les données rapportées dans cet article concernent exclusivement les traitements ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) et disponibles en France.
Cancer de la prostate métastatique hormono-naïf
En Europe, il concerne environ 10 % des patients au moment du diagnostic de cancer de la prostate. Jusqu’en 2015, le traitement de 1re ligne de ces formes métastatiques d’emblée reposait sur une suppression androgénique, traitement systémique visant à bloquer l’action stimulante des androgènes sur les cellules prostatiques cancéreuses et à ralentir la croissance tumorale.
Suppression androgénique
L’objectif de ce traitement est de diminuer la testostéronémie circulante sous un taux de 50 ng/dL.1 Jusqu’en 2017, la castration chirurgicale (orchidectomie) ou chimique (agonistes ou antagonistes de l’hormone de libération des gonadotrophines hypophysaires [LH-RH]) associée ou non à des antiandrogènes non stéroïdiens constituait le traitement hormonal de référence des cancers de la prostate métastatique hormono-naïfs.
Castration chirurgicale
L’orchidectomie ou la pulpectomie bilatérale induisent une chute de la production de testostérone. Du fait de leur impact psychologique délétère, un traitement réalisant une castration chimique est plus souvent proposé aux patients.
Castration chimique
Un traitement injectable par des agonistes de la LH-RH ou des antagonistes de la LH-RH permet d’obtenir des effets comparables à la castration chirurgicale en bloquant l’axe hypothalamo-hypophysaire.
Les agonistes de la LH-RH (triptoréline, leuproréline, goséréline), utilisés depuis de nombreuses années, sont administrés par voie intramusculaire ou sous-cutanée, tous les mois ou tous les trois mois.
Les antagonistes de la LH-RH (dégarélix), développés plus récemment, n’induisent pas de pic initial de testostéronémie et exercent un effet plus rapide sur les taux de LH et de testostérone.
Les antiandrogènes non stéroïdiens sont aujourd’hui principalement utilisés sur une courte durée, de 30 jours, pour prévenir le risque de « flare up » associé aux agonistes de la LH-RH, élévation initiale rapide et transitoire de la testostéronémie parfois associée à une exacerbation des symptômes. Ils ne sont pas recommandés en monothérapie, et leur association au long cours aux agonistes de la LH-RH a fait l’objet de plusieurs études dont les résultats discordants ne permettent pas d’envisager cette stratégie thérapeutique de façon systématique.
Dans ces contextes, une résistance à la castration survient après 24 mois de traitement avec des médianes de survie de 2 à 3 ans. Au cours de ces dernières années, des résultats significatifs ont été obtenus avec des traitements plus ciblés, associant à la suppression androgénique une chimiothérapie ou l’acétate d’abiratérone.
Association suppression androgénique et chimiothérapie
Du fait des multiples mécanismes de résistance au traitement hormonal et de la grande hétérogénéité tumorale des cancers de la prostate, un protocole associant une chimiothérapie, le docétaxel (75 mg/m2 toutes les 3 semaines ; 6 cycles) et une suppression androgénique (agoniste de la LH-RH) comparé à la suppression androgénique seule, a été évalué en traitement de 1re ligne dans trois essais de phase III, l’essai français GETUG-AFU-15 et les études CHAARTED et STAMPEDE, chez des patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique hormono-naïf.2-4 Un avantage sur la survie sans progression et/ou sur la survie globale a été mis en évidence chez les patients traités par l’association suppression androgénique et chimiothérapie.
Une amélioration significative de la survie sans progression a été rapportée dans l’essai GETUG-15 (385 patients) avec une diminution de 25 à 28 % du risque de progression clinique ou biologique dans le groupe ayant reçu l’association des deux traitements ; en revanche, cet essai n’a pas démontré de différence significative sur la survie globale.2
Dans l’essai américain CHAARTED (790 patients), l’administration de docétaxel en association à une suppression androgénique a montré un impact bénéfique et significatif sur le critère principal, la survie globale, avec une réduction de 29 % du risque de décès et des médianes de survie globale de 57,6 mois dans le bras expérimental contre 47,2 mois sous suppression androgénique seule.3
L’essai STAMPEDE (bras C) a confirmé l’efficacité du docétaxel en association à une suppression androgénique comparé à la suppression andro- génique seule sur la survie globale avec des chiffres comparables à ceux de l’essai CHAARTED (médianes de survie globale de 60 vs 45 mois).4
Une méta-analyse réalisée à partir des données de ces essais a confirmé le bénéfice en survie globale obtenu avec l’association suppression androgénique et chimiothérapie par docétaxel.5 En termes de tolérance, le docétaxel a un profil de toxicité dominé par les neutropénies (fébriles) et la fatigue. Des événements indésirables de grade 3 ou 4 ont été rapportés chez environ 30 % des patients.
Au-delà de son efficacité, le choix de cette nouvelle alternative thérapeutique implique un suivi hématologique et le recours si nécessaire au granulocyte-colony stimulating factor (G-CSF). Les patients de l’étude CHAARTED ont été classés en fonction du volume tumoral, et c’est la raison pour laquelle une analyse en sous-groupe a été pratiquée. Les résultats ont montré que l’association suppression androgénique et docétaxel apporte un bénéfice significatif sur la survie globale chez les patients ayant un volume tumoral élevé (présence d’une maladie viscérale ou au moins quatre localisations osseuses) avec des médianes de survie globale de 51 mois contre 34 mois. En revanche, pour les patients (n = 277) ayant un faible volume tumoral, la survie était comparable dans les deux groupes de traitement (v. tableau).
Association suppression androgénique et hormonothérapie de 2e génération
Des progrès ont été réalisés dans le domaine de l’hormonothérapie avec le développement de deux hormonothérapies de 2e génération, l’acétate d’abiratérone et l’enzalutamide, plus puissantes que les hormonothérapies de 1re génération. L’acétate d’abiratérone, qui cible le cytochrome P450 (CYP17A1), est un puissant inhibiteur de la synthèse des androgènes ; déjà indiqué dans le traitement des cancers de la prostate métastatiques résistants à la castration, il a été développé plus en amont dans deux essais cliniques, LATITUDE et STAMPEDE (bras G), chez des patients porteurs d’un cancer de la prostate métastatique hormono-naïf.
L’essai LATITUDE est une étude de phase III randomisée en double aveugle contre placebo qui a évalué les effets d’une suppression androgénique associée à l’acétate d’abiratérone (1 000 mg/j) plus prednisone (5 mg/j), chez 1 199 patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique hormono-naïf au moment du diagnostic et à haut risque présentant au moins deux des trois critères de mauvais pronostic ci-dessous (score de Gleason ≥ 8, présence d’au moins 3 lésions sur la scintigraphie osseuse et/ou lésions viscérales mesurables).6 Après un suivi médian de 30,4 mois, un bénéfice significatif a été mis en évidence sur les co-critères principaux, la survie globale et la survie sans progression radiologique, en faveur de l’association suppression androgénique et acétate d’abiratérone plus prednisone.
Les taux de survie globale à 3 ans étaient de 66 % dans le bras traité par l’association contre 49 % sous suppression androgénique seule avec une réduction significative du risque de décès de 38 %.
Les résultats obtenus sur la survie sans progression radiologique vont dans le même sens, avec une réduction significative du risque de progression radiologique de 53 % dans le groupe « association ».
Le profil de tolérance globale était acceptable, et les événements indésirables les plus fréquents avec l’association des deux hormonothérapies étaient une hypertension artérielle, une hypokaliémie et une élévation des enzymes hépatiques. Dans l’essai multi-étapes STAMPEDE, 1 917 patients débutant une suppression androgénique ont été inclus et randomisés dans deux bras de traitement, suppression androgénique seule ou suppression androgénique associée à l’acétate d’abiratérone plus prednisone.7 La population de cette étude était très hétérogène, puisque 52 % des patients avaient une atteinte métastatique, 20 % une atteinte ganglionnaire ou un statut ganglionnaire non défini, et 28 % avaient une maladie non métastatique.
Après un suivi médian de 40 mois, cette étude a mis en évidence une amélioration significative de la survie globale, critère principal, dans le groupe traité par l’association des deux hormonothérapies avec un hazard ratio (HR) de 0,63 et des taux de survie globale à 3 ans de 83 % dans le groupe « suppression androgénique associée » contre 76 % dans le groupe « suppression androgénique seule ». Chez les patients ayant une atteinte métastatique, HR = 0,61 en faveur du bras traité par l’association.
La survie sans rechute, définie par une progression radiologique ou clinique ou un décès, était également améliorée avec l’association suppression androgénique et acétate d’abiratérone, en population globale et chez les patients métastatiques.
Quelles indications ?
L’ensemble de ces résultats indiquent une amélioration très significative du pronostic des patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique hormono-naïf traité par l’une ou l’autre de ces associations, suppression androgénique et chimiothérapie ou suppression androgénique et acétate d’abiratérone. Cependant, à ce jour, leur application respective en pratique reste à préciser en l’absence de biomarqueur prédictif validé et d’essais prospectifs comparatifs permettant de répondre concrètement à la question : à quels patients proposer une suppression androgénique seule, une association suppression androgénique et chimiothérapie ou une combinaison suppression androgénique et acétate d’abiratérone ? Plusieurs aspects doivent être pris en considération pour guider le choix du traitement de première ligne de ces formes métastatiques hormonosensibles.
Volume tumoral
Dans les essais CHAARTED et GETUG- AFU 15, le bénéfice de l’association suppression androgénique et docétaxel a été obtenu en cas de volume tumoral élevé. Dans les essais menés avec l’acétate d’abiratérone, cette sous-analyse n’a pas été réalisée. De ce fait, le docétaxel semble plutôt indiqué en cas de masse tumorale importante alors que l’acétate d’abiratérone peut être recommandé chez tous les patients indépendamment du volume tumoral.
Profil de toxicité
Dans les deux essais, l’incidence des événements indésirables était plus élevée avec les associations de traitement que sous suppression androgénique seule, avec des effets indésirables spécifiques pour chaque traitement.
Durée du traitement
Avec un bénéfice des deux associations qui semble comparable, les durées de traitement sont aussi un aspect à prendre en compte : période de 18 semaines de traitement avec le docétaxel ; traitement jusqu’à progression pour l’acétate d’abiratérone associé à la prednisone avec le risque de toxicité chronique liée aux corticoïdes et à la suppression androgénique maximale au long cours.
En résumé, l’association suppression androgénique et docétaxel peut être proposée aux patients éligibles à une chimiothérapie souhaitant un traitement plus court (mais poursuite au long cours d’une suppression androgénique) et en présence d’un volume tumoral élevé. L’association suppression androgénique et acétate d’abiratérone peut s’adresser à tous les patients (sauf en cas de comorbidités ou de contre- indications particulières) y compris en cas de faible volume tumoral, et elle permet d’éviter les toxicités et les aspects contraignant de la chimiothérapie. De nouvelles molécules sont en développement parmi lesquelles plusieurs hormonothérapies de nouvelle génération comme l’enzalutamide, déjà indiqué dans les cancers de la prostate métastatiques résistants à la castration, l’apalutamide ou le darolutamide. Par ailleurs, des essais évaluent l’intérêt d’un traitement local de la tumeur primitive par prostatectomie totale ou radiothérapie.
Cancer de la prostate métastatique résistant à la castration
La progression chez un patient traité par hormonothérapie pour un cancer de la prostate traduit le développement d’une résistance à la castration, en lien avec différents mécanismes, notamment la survenue d’anomalies du récepteur des androgènes et/ou de sa voie de signalisation.
Le diagnostic de résistance à la castration est affirmé chez un patient dont la testostéronémie est inférieure à 50 ng/dL, qui a une progression biologique avec une élévation du taux d’antigène spécifique de la prostate (PSA) de plus de 50 % (confirmée à 3 reprises et à 1 semaine d’intervalle), un taux supérieur à 2 ng/mL et/ou une progression radiologique (au moins 2 nouvelles lésions osseuses à la scintigraphie osseuse et/ou augmentation de la taille d’une lésion viscérale). Des progrès remarquables ont été réalisés dans le traitement des cancers métastatiques résistants à la castration avec le développement de deux hormonothérapies de 2e génération, l’acétate d’abiratérone et l’enzalutamide, et de deux molécules de chimiothérapie, le docétaxel et le cabazitaxel. D’autres traitements visent spécifiquement les métastases osseuses.1, 8
Traitement de 1re ligne
Deux études de phase III ont mis en évidence un bénéfice significatif sur la survie globale et la survie dans progression radiologique en faveur des hormonothérapies de 2e génération comparées à un placebo.
Acétate d’abiratérone
L’efficacité et la tolérance de l’acétate d’abiratérone associé à une suppression androgénique ont été évaluées dans l’étude de phase III COU-AA-302, randomisée en double aveugle contre placebo, qui a inclus 1 088 patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration n’ayant pas reçu antérieurement de chimiothérapie.9 Dans cette étude, les patients tous traités par une suppression androgénique ont reçu soit de l’acétate d’abiratérone (1 000 mg) et de la prednisone (5 mg x 2/j), soit de la prednisone seule (+ placebo), et les critères principaux étaient la survie sans progression radiologique et la survie globale.
Les médianes de survie sans progression radiologique étaient de 16,5 mois sous acétate d’abiratérone contre 8,3 mois sous placebo avec une réduction du risque de progression radiologique de 47 % (p < 0,001).
Une amélioration significative de la survie globale a été mise en évidence sous acétate d’abiratérone avec des médianes de 34,7 mois (vs 30,3 mois dans le groupe « placebo »).
Le délai avant initiation d’une chimiothérapie, le recours à des opiacés pour calmer les douleurs, le temps jusqu’à progression du taux de PSA et le délai avant détérioration des capacités fonctionnelles des patients (performance status) étaient aussi significativement améliorés dans le groupe « acétate d’abiratérone ».
La tolérance était acceptable, avec comme principaux événements indésirables de grade 3 ou 4 des troubles cardiaques rapportés dans 8 % des cas (vs 4 % sous placebo), une élévation des enzymes hépatiques dans 6 % des cas (vs < 1 % dans le groupe « placebo ») et une hypertension artérielle dans 5 % des cas (vs 3 % sous placebo).
Enzalutamide
L’enzalutamide est une hormonothérapie de 2e génération dont le mode d’action est différent de celui de l’acétate d’abiratérone puisqu’il agit en aval du récepteur des androgènes en inhibant sa voie de signalisation.
L’enzalutamide à la posologie de 160 mg/j a fait l’objet d’un essai de phase III, PREVAIL, randomisé en double aveugle, chez 1 717 patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration non antérieurement traités par chimiothérapie et recevant tous une suppression androgénique.10
Après un suivi médian de 31 mois, un bénéfice significatif sur la survie sans progression a été mis en évidence dans le groupe « enzalutamide », avec une réduction du risque de progression radiologique de 68 % et des médianes de 20 mois dans le groupe « enzalutamide » contre 5,4 mois sous placebo.
L’enzalutamide a permis de réduire significativement de 23 % le risque de décès (vs placebo) avec des médianes de 35,3 mois dans le groupe « enzalutamide » et de 31,3 mois sous placebo.
Un impact significatif de l’enzalutamide a également été rapporté sur l’ensemble des critères secondaires, délai avant instauration d’une chimiothérapie, taux de réponse objective, délai avant initiation d’une chimiothérapie, temps jusqu’à progression du taux de PSA, et taux de réponse biologique.
Les principaux événements indésirables rapportés sous enzalutamide étaient une fatigue, des douleurs dorsales, une constipation, des arthralgies et une hypertension artérielle ; la survenue de crises d’épilepsie chez 5 patients mais qui avaient des facteurs de risque (métastases cérébrales, traitement par lidocaïne et atrophie cérébrale) a conduit l’Agence européenne des médicaments à déconseiller l’utilisation de l’enzalutamide chez les patients ayant déjà eu des convulsions ou à risque.
Les données de ces deux études, COU-AA-302 et PREVAIL, ont permis l’AMM de l’acétate d’abiratérone et de l’enzalutamide en France dans le traitement des cancers de la prostate métastatiques résistants à la castration non antérieurement traités par docétaxel.
Docétaxel
Deux études de phase III, SWOG 9916 et TAX-327, ont recherché l’intérêt de la chimiothérapie dans le traitement des cancers de la prostate résistants à la castration.
L’étude TAX-327 est une étude de phase III multicentrique randomisée qui a inclus 1 006 patients ayant un cancer de la prostate métastatique et qui a comparé l’association docétaxel-prednisone à l’association de référence à l’époque, mitoxantrone-prednisone.11 Cette étude a mis en évidence un gain significatif sur la survie globale dans le groupe « docétaxel » (toutes les 3 semaines) contre mitoxantrone, avec une réduction de 24 % du risque de décès. Les critères secondaires comme le taux de réponse en termes de douleur, la qualité de vie et le taux de diminution du PSA (> 50 %) étaient aussi significativement améliorés dans le bras « docétaxel ».
Les effets du docétaxel associé à l’estramustine ont été comparés à la combinaison mitoxantrone-prednisone dans l’étude de phase III SWOG 9916, auprès de 770 patients.12 Les résultats ont de nouveau démontré un bénéfice significatif en faveur du bras docétaxel-estramustine, avec une amélioration significative de la survie globale (17,5 vs 15,6 mois), du temps jusqu’à progression (6,3 vs 3,2 mois), du taux de diminution du PSA supérieur à 50 % sous traitement (50 vs 27 %) et du taux de réponse objective (17 vs 11 %). Le docétaxel a obtenu une AMM en France en association à la prednisone ou la prednisolone dans le traitement de première ligne des cancers de la prostate métastatiques résistants à la castration.
Traitement de 2e ligne
Les effets de deux hormonothérapies de 2e génération, l’acétate d’abiratérone et l’enzalutamide, ont été évalués dans deux études de phase III, dans le traitement du cancer de la prostate métastatique résistant à la castration chez des patients ayant déjà reçu une chimiothérapie par docétaxel.
Acétate d’abiratérone
L’étude COU-AA-301 a inclus et randomisé 1 195 patients qui ont reçu un traitement par acétate d’abiratérone (1 000 mg/j) et prednisone (5 mg x 2 par jour).13 Après un suivi médian de 12,8 mois, une amélioration signifi- cative de la survie globale, critère principal de l’étude, a été rapportée dans le groupe traité par acétate d’abiratérone, et les médianes étaient de 14,8 mois dans le bras acétate d’abiratérone contre 10,9 mois dans le bras contrôle. Ce bénéfice a été confirmé sur les critères secondaires, temps jusqu’à progression du PSA, survie sans progression et taux de réponse biologique (PSA). La tolérance a été acceptable, avec des toxicités de grade 3 ou 4 peu fréquentes : rétention hydrique (2,3 %), hypokaliémie (3,8 %), anomalies de la fraction ventriculaire gauche (3,5 %), hypertension artérielle (1,3 %) et troubles cardiaques (4,1 %).
Enzalutamide
L’étude de phase III AFFIRM, randomisée en double aveugle contre placebo, a évalué les effets de l’enzalutamide (160 mg/j) chez 1 199 patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration, prétraités par docétaxel.14 Après un suivi médian de 20,2 mois, la médiane de survie globale était de 18,4 mois dans le groupe « enzalutamide » et de 13,6 mois sous placebo, avec une diminution significative de 27 % du risque de décès. Des résultats significatifs ont été également rapportés sur l’ensemble des critères secondaires, réduction du taux de PSA, taux de réponse chez les patients ayant des métastases viscérales, qualité de vie, temps jusqu’à progression du PSA, survie sans progression radiologique et délai avant la survenue d’un événement osseux. La fatigue, les diarrhées et les bouffées de chaleur ont été plus fréquentes sous enzalutamide que sous placebo.
Cabazitaxel
Le cabazitaxel est une chimiothérapie qui appartient à la classe des taxanes et qui a été développée dans l’essai TROPIC, en traitement de 2e ligne chez 755 patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration et en progression pendant ou après une chimiothérapie par docétaxel.15 Tous les patients inclus poursuivaient une suppression androgénique, recevaient de la prednisone (10 mg/j) et étaient traités soit par cabazitaxel (25 mg/m2), soit par mitoxantrone (12 mg/m2), avec un maximum de 10 cycles de traitement. La survie globale, critère principal, a été significativement améliorée dans le bras cabazitaxel (médianes de 15,1 mois vs 12,7 mois sous mitoxantrone) ; HR : 0,30. Les neutropénies fébriles et les diarrhées ont été significativement plus fréquentes sous cabazitaxel. La comparaison de deux doses de cabazitaxel (25 et 20 mg/m2) dans l’essai PROSELICA suggère la possibilité d’utiliser une dose inférieure, de 20 mg/m2, avec une efficacité comparable et une diminution des toxicités.
En résumé, les traitements de référence de 1re ligne des cancers de la prostate métastatiques résistants à la castration sont à ce jour soit une hormonothérapie de 2e génération (acétate d’abiratérone, enzalutamide), soit une chimiothérapie par docétaxel. Chez les patients ayant reçu une hormonothérapie de 2e génération en 1re ligne, le traitement de 2e ligne consiste en une chimiothérapie par docétaxel tandis que le cabazitaxel est indiqué chez les patients en échec d’un traitement par docétaxel. Dans tous les cas, la suppression androgénique doit être poursuivie en association à ces différentes alternatives thérapeutiques
Agents antirésorptifs osseux
Les métastases osseuses sont fréquentes chez les patients atteints d’un cancer de la prostate, à l’origine de complications (douleurs, fractures pathologiques, compressions mé- dullaires) et d’une dégradation de la qualité de vie.
Les bisphosphonates, et en parti- culier l’acide zolédronique et l’acide pamidronique administrés par voie intraveineuse, sont indiqués en cas de métastase osseuse, dans le traitement des hypercalcémies malignes et/ou de la douleur et pour prévenir le risque de survenue de complications osseuses (fractures pathologiques, compressions médullaires).
Le dénosumab, dont les effets ont été comparés avec succès à ceux du zolédronate chez 1 901 patients atteints d’un cancer de la prostate avec des métastases osseuses, permet de prévenir et de retarder la survenue d’un premier événement osseux (fracture pathologique, recours à une radiothérapie palliative, compression médullaire, douleur).16 Cependant, les protocoles thérapeutiques des cancers de la prostate métastatiques ont beaucoup évolué ces derniers temps et, ces agents n’ayant pas été évalués en association aux hormo- nothérapies de 2e génération, leur utilisation n’est pas systématique.
Quelle meilleure séquence thérapeutique ?
L’arsenal thérapeutique des cancers de la prostate métastatiques, hormonosensibles et résistants à la castration, s’est donc considérablement enrichi depuis une dizaine d’années. Ces progrès thérapeutiques soulèvent une nouvelle problématique, qui fait l’objet de nombreux débats et analyses complémentaires : sélectionner la meilleure séquence de traitement pour chaque patient. À ce jour, aucun effet prospectif randomisé n’a permis de comparer les effets des différentes molécules indiquées aux stades hormonosensibles et résistants à la cas- tration, qu’il s’agisse de la 1re ou de la 2e ligne, et la question de la meilleure séquence thérapeutique en fonction du profil de la maladie et des caractéristiques des patients reste posée.
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