Les verrues sont un motif fréquent de consultation. Elles peuvent entraîner douleurs et gêne fonctionnelle et avoir un impact psychosocial. L’efficacité des traitements usuels n’est pas bien évaluée. Leur coût n’est pas négligeable, et des études de plus grande ampleur sont nécessaires pour déterminer les traitements les plus adaptés.

[Dernière mise à jour le 06 septembre 2023]

Les verrues sont secondaires à des infections par des papillomavirus humains (HPV) dont il existe plus de 200 génotypes. Ce sont des virus à ADN non enveloppé, donc très résistants dans le milieu extérieur. L’infection se fait par une brèche cutanée permettant l’infection des cellules basales de l’épiderme sous forme épisomale avec un assemblage viral et un relargage des virions se faisant progressivement de la couche basale vers l’extérieur.

Type de verrues usuelles

Il existe plusieurs types de verrues :
– les verrues vulgaires, affectant principalement les doigts, le dos des mains mais également les sites traumatisés (coudes et genoux par effet dit Koebner) [fig. 1]. Elles sont associées aux génotypes 1, 2, 4, 27 et 57 des papillomavirus. Ces verrues ont un aspect en dôme et peuvent être unique ou multiples, isolées ou coalescentes, avec un caractère assez bien limité ;
– les verrues palmo-plantaires, qui atteignent par définition la peau épaisse (fig. 2). Elles sont principalement associées au génotype 2. Les génotypes 1, 4, 27 et 57 ont également été associés avec ces verrues. Par ailleurs, le génotype 1 serait plutôt associé aux verrues plantaires chez l’enfant de moins de 12 ans qui guérissent spontanément dans les 6 mois ;
– les verrues planes, souvent associées aux génotypes 3 et 10, voire 28 et 29. Elles sont planes ou très légèrement palpables, souvent couleur chair ou brunâtres, affectant les mains et la face. Il s’agit également de lésions à caractère souvent linéaire, traduisant là aussi un effet Koebner.

Épidémiologie et facteurs de risque d’acquisition

Les verrues sont très fréquentes, notamment dans la population d’âge préscolaire ou scolaire ; cependant, leur incidence est mal évaluée dans la littérature scientifique. Les cohortes néerlandaises avancent le chiffre de 33 % chez les 3 à 12 ans dans une étude où 1 465 enfants étaient examinés.1 Il faut noter cependant que cette étude est celle où la prévalence est la plus élevée (à comparer avec le chiffre de 4,7 % publié par une équipe anglaise en 1997).
En consultation, beaucoup de parents pensent que leurs enfants « ont attrapé » des verrues à la piscine. Bien que la pratique de cette activité ait été notée comme facteur de risque dans une étude, elle n’a jamais été retrouvée dans les études postérieures. Ainsi, les facteurs de risque les mieux identifiés sont la présence de verrues dans le cercle familial, dans le milieu scolaire. Les sports pratiqués pieds nus (sports sur tatami particulièrement) ont également été incriminés.

Traitements

Dans cet article, seuls les traitements évalués sur des verrues cutanées palmo-plantaires seront évoqués. Les lésions génitales à papillomavirus ayant une épidémiologie et une explication scientifique différentes, leur traitement ne sera pas abordé.
Au préalable, il est important de noter que la moitié des verrues guérissent spontanément dans les 13 semaines après leur apparition chez les moins de 12 ans.
De nombreux traitements ont été évalués dans les verrues. Néanmoins, même si les études publiées sont nombreuses, les méthodologies utilisées ne comparent le plus souvent qu’un traitement contre un autre. Des études dites multibras, évaluant 4 ou 5 des thérapeutiques les plus utilisées, apporteraient une plus-value indéniable dans la réflexion d’une stratégie thérapeutique. La revue Cochrane la plus récente sur le sujet date de 2012.2 Il est important de noter, comme le rapportent les auteurs de cette méta-analyse, que la durée des traitements et le suivi sont très disparates entre les études. Enfin, l’effet placebo est parfois important, pouvant atteindre 30 % des cas.
En pratique clinique, les traitements les plus utilisés sont les traitements chimiques avec les kératolytiques, au premier rang desquels l’acide salicylique sous différentes formes mais aussi le 5-fluoro-uracile topique (Efudix), et un immunomodulateur topique, l’imiquimod (Aldara), agissant par une activation lymphocy­taire cytotoxique au niveau local. Les traitements non chimiques sont dits physiques avec, en pratique clinique, la cryothérapie par application d’azote liquide, la plus utilisée par les dermatologues. Les lasers font également parti de ces traitements physiques. Les injections de bléomycine dans les verrues ont également été utilisées et évaluées. Néanmoins, les effets indésirables potentiels (nécrose des extrémités) devraient être une contre-indication à l’utilisation de ce produit.
De manière pragmatique, on peut distinguer les traitements destructeurs appliqués par le patient lui-même et les traitements appliqués par le praticien.

Traitements appliqués par le patient

Acide salicylique topique

Le produit existe sous différentes galéniques et concentration (pommade MO Cochon, Duofilm solution, Transversid sous forme de pastilles à appliquer…).
L’analyse des différentes études comparant l’acide salicylique à un placebo est en faveur de l’acide salicylique (risque relatif [RR] : 1,56 ; intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,20-2,03). Cet effet semble être supérieur sur les verrues des mains que sur celles des pieds (RR : 2,67 ; IC à 95 % : 1,43-5,01 pour les mains ; RR : 1,29 et IC à 95 % : 1,07-1,55 pour les pieds), sans toutefois que cette différence ne soit significative. L’un des biais à prendre en compte pour l’évaluation de ces études est que la concentration d’acide salicylique peut varier selon le produit utilisé (de 20 à 50 %). Néanmoins, il s’agit du traitement ayant fait le plus la preuve de son efficacité.
Les applications d’acide salicylique sont souvent réalisées de manière irrégulière par le patient car elles sont contraignantes. Ce dernier devant limer la verrue avec une lime en carton jetable (pour éviter la recontamination par dépôts de virions sur celle-ci) et appliquer le produit tous les soirs, puis le couvrir par un pansement.* Par ailleurs, l’acide salicylique, quelle que soit la concentration, peut induire des dermites caustiques sur la peau saine adjacente nécessitant une application de vernis protecteur sur la peau périlésionnelle avant l’application du produit.
 

Imiquimod et 5-fluorouracile

Ces deux traitements topiques sont largement utilisés par les dermato­logues en cas de verrues résistantes aux traitements par acide salicylique et cryothérapie. Néanmoins, il existe peu d’études contrôlées, et toutes ont des effectifs limités en taille.

Traitements appliqués par le praticien

Cryothérapie

La supériorité de la cryothérapie sur le placebo n’a pas été établie dans les différentes méta-analyses (RR : 1,45 ; IC à 95 % : 0,65-3,23). Par ailleurs, dans de nombreuses études, l’application d’azote liquide se fait toutes les deux à trois semaines jusqu’à quatre applications, ce qui, en pratique clinique, n’est pas réalisable. Un essai randomisé a comparé deux durées de cryothérapie, mais la durée la plus longue est associée à une douleur plus importante et n’est pas réalisable en pratique.
Les études sur l’association des deux techniques (cryothérapie et acide salicylique) sont peu nombreuses même si cette association est très souvent pratiquée en consultation (la cryothérapie permettant d’éliminer en partie l’hyperkératose de surface).
Il est important de rappeler que les produits à type de cryothérapie auto-appliqués par les patients n’ont jamais fait preuve d’efficacité. Par ailleurs, l’Agence nationale de sécurité du médicament a demandé le retrait de plusieurs de ces produits en raison du risque de brûlures accidentelles.
 

Laser

Les lasers (CO2, Er:Yag, Nd:Yag, colorants pulsés) pourraient avoir un intérêt, avec des taux de réussite approchant les 100 % dans certaines séries, mais les études comparant les lasers aux traitements de référence de type acide salicylique ou cryothérapie manquent (et les quelques études disponibles n’ont pas montré un bénéfice en faveur du laser). Par ailleurs, il s’agit de techniques coûteuses, pouvant entraîner des effets indésirables importants pour les lasers ablatifs type CO2 (douleurs, cicatrisation longue nécessitant des arrêts de travail quelquefois de longue durée chez les adultes).3
 

Autres traitements en cours d’évaluation

Il existe quelques cas dans la littérature de régression totale des verrues après vaccination par vaccin anti-HPV quadrivalent ou nonavalent alors qu’il s’agit d’un vaccin prophylactique ne couvrant pas les géno­types des papillomavirus des verrues. Il convient d’évaluer cette thérapeutique par un essai randomisé contrôlé car le biais de publication est possible tout comme un effet placebo.4
Des études associant le furosémide et la digoxine sous forme topique (afin de permettre une réduction de l’influx potassique nécessaire à la réplication de l’ADN viral) ont montré une efficacité en termes de taille de la verrue et de production de virions, dans le cadre d’une phase II versus placebo. Ces résultats doivent néanmoins être prouvés par un essai de plus grande envergure.5
Une étude évaluant une immunothérapie dite de contact par application d’acide squarique dibutylester a montré une réponse en faveur du produit dans une étude sur 18 patients versus placebo avec un taux de guérison de 42 % dans le groupe intervention contre 12,5 % dans le groupe placebo à 8 semaines. À noter qu’il s’agit d’un traitement également utilisé dans d’autres indications en dermatologie mais non disponible en France et donnant des réactions locales importantes.6
En conclusion, les verrues sont fréquentes. Il est inutile de surtraiter les enfants en bas âge, les thérapeutiques pouvant être douloureuses et les verrues pouvant disparaître spontanément. Il est conseillé d’appliquer un sparadrap sur la lésion pour éviter la dissémination des virions dans l’environnement. Pour les verrues de l’adulte ou évoluant depuis plusieurs mois, le traitement de première intention est fondé sur les topiques d’acide salicylique, qui ont le meilleur rapport bénéfice-risque. En seconde intention, la place des traitements est moins codifiée. L’expérience ne plaide plus pour l’utilisation large de l’azote liquide. Aldara ou Efudix sont souvent utilisés car ces deux produits sont disponibles en pharmacie de ville, mais ils n’ont pas l’autorisation de mise sur le marché dans cette indication, et leur efficacité est incomplètement démontrée. 
* Aubin F, Gheit T, Prétet JL, Tommasino M, Mougin C, Chosidow O. Presence and persistence of human papillomavirus types 1, 2, and 4 on emery boards after scraping off plantar warts. J Am Acad Dermatol 2010;62:151-3.
Encadre

Verrues et immunodépression

Les populations immunodéprimées (particulièrement les patients transplantés d’organes solides) sont plus sensibles aux infections à papillomavirus et donc aux verrues palmoplantaires que la population générale. Chez ces patients, les verrues peuvent être particulièrement profuses ce qui rend les différents traitements topiques d’autant plus difficiles à utiliser.

Références
1. van Haalen FM, Bruggink SC, Gussekloo J, Assendelft WJJ, Eekhof JAH. Warts in primary schoolchildren: prevalence and relation with environmental factors. Br J Dermatol 2009;161:148-52.
2. Kwok CS, Gibbs S, Bennett C, Holland R, Abbott R. Topical treatments for cutaneous warts. Cochrane Database Syst Rev 2012;9:CD001781.
3. Nguyen J, Korta DZ, Chapman LW, Kelly KM. Laser treatment of nongenital verrucae: a systematic review. JAMA Dermatol 2016;152:1025-34.
4. Daniel BS, Murrell DF. Complete resolution of chronic multiple verruca vulgaris treated with quadrivalent human papillomavirus vaccine. JAMA Dermatol 2013;149:370-2.
5. Rijsbergen M, Niemeyer-van der Kolk T, Hogendoorn G, et al. A randomized controlled proof-of-concept trial of digoxin and furosemide in adults with cutaneous warts. Br J Dermatol 2019;180:1058-68.
6. Dall’Oglio F, Luca M, Barresi S, Micali G. Treatment of multiple-resistant and/or recurrent cutaneous warts with squaric acid dibutylester: a randomized, double-blind, vehicle-controlled clinical trial. Dermatitis 2017;28:308-12.

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