Dues à l’infection par des papillomavirus (HPV 2 surtout), les verrues palmoplantaires sont parfois difficiles à éradiquer, notamment lorsqu’elles sont de grande taille, douloureuses et résistantes aux traitements classiques. Quels sont les avantages et les inconvénients de chaque traitement ? Quelles nouvelles options thérapeutiques ? Le point avec le Dr Johan Chanal, dermatologue à l’hôpital Cochin, Paris.

Les verrues sont dues à des infections par des papillomavirus humains (HPV) dont il existe plus de 200 génotypes. Ce sont des virus à ADN non enveloppé, très résistants dans le milieu extérieur. Les verrues palmoplantaires, qui atteignent par définition la peau épaisse, sont principalement associées au génotype 2 mais les génotypes 1, 4, 27 et 57 ont été également décrits.

Les facteurs de risque les mieux identifiés sont la présence de verrues dans le cercle familial ou dans le milieu scolaire et les sports pratiqués pieds nus (sur tatami particulièrement).

Chez les moins de 12 ans, la moitié des verrues guérit spontanément dans les 13 semaines après leur apparition. « Il est donc inutile de surtraiter les enfants en bas âge ; on conseille d’appliquer un sparadrap sur la lésion pour éviter la dissémination des virions dans l’environnement », explique le Dr Johan Chanal.

Pour les verrues de l’adulte ou évoluant depuis plusieurs mois, le traitement de 1re intention repose sur les kératolytiques topiques à base d’acide salicylique qui ont le meilleur rapport bénéfice-risque ; la concentration (de 20 à 50 %) et la galénique varient selon les produits. Ce traitement est assez contraignant : le patient doit limer la verrue (avec une lime en carton jetable) et appliquer le produit tous les soirs, puis la couvrir par un pansement (un vernis protecteur doit être appliqué sur la peau saine adjacente au préalable). La cryothérapie par azote liquide (traitement physique) est parfois utilisée par les dermatologues mais elle est douloureuse et le protocole difficilement réalisable en pratique (toutes les 2 à 3 semaines, jusqu’à 4 applications). Cependant, ces traitements sont loin d’être constamment efficaces.

Que faire en cas de verrues résistantes à ces traitements, notamment lorsqu’elles sont de grande taille, douloureuses, gênant la marche ou tout simplement pouvant entraver les relations sociales ? « En 2e ligne on peut proposer le 5-fluoro-uracile topique (Efudix) parfois utilisé en oncodermatologie ou l’imiquimod (Aldara), qui stimule le système immunitaire inné au niveau local », précise le Dr Chanal. Ces 2 produits sont disponibles en pharmacie de ville mais n’ont pas d’AMM dans cette indication et leur efficacité est incomplètement démontrée. Les lasers (CO2, Er:Yag, Nd:Yag, colorants pulsés) sont aussi utilisés, mais ils entraînent des effets indésirables importants : douleurs, plaie et cicatrisation longue… et n’empêchent pas la récidive.

Y a-t-il d’autres traitements en développement ?

Plusieurs études sont en cours, sur l’association furosémide-digoxine, par exemple, ou sur une immunothérapie dite de contact par application d’acide squarique dibutylester.

Les vaccins anti-HPV quadrivalent ou nonavalent pourraient être une approche thérapeutique intéressante pour les verrues difficiles à traiter.

Des rapports de cas (répertoriés récemment par le Journal of the American Academy of Dermatology) et certaines séries indiquent que, chez des patients adultes atteints de verrues palmoplantaires, la vaccination contre les HPV serait efficace sur la disparition des lésions dans 50 % des cas.

Pour rappel, les vaccins anti-HPV sont utilisés pour la prophylaxie des dysplasies du col de l’utérus et des condylomes : ils comprennent les HPV 6, 11, 16 et 18 (pour Gardasil 4) ou les HPV 6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52 et 58 (pour le vaccin nonavalent, Gardasil 9). Comment peuvent-ils avoir un effet thérapeutique contre des HPV différents (ceux impliqués dans les verrues palmoplantaires étant les HPV 1 à 4 ou 26 à 29) ? Selon le Dr Chanal, « plusieurs hypothèses sont actuellement discutées : le vaccin pourrait assurer une protection croisée contre les autres HPV ; une autre possibilité serait que les vaccins ou leur adjuvant pourraient stimuler les réponses immunitaires de manière non spécifique, conduisant à une clairance virale via une hausse généralisée de l'immunité ».

Ces cohortes ayant évalué l’effet des vaccins anti-HPV en curatif sur les verrues résistantes sont rétrospectives. « Des biais sont possibles, tout comme un effet placebo, qui est parfois très important dans ce domaine, pouvant atteindre 30 % des cas », explique le Dr Chanal. « Nous avons donc mis en place un protocole national contre placebo pour évaluer l’effet de Gardasil 9 (3 injections à M0, M2, M6) chez 150 patients de plus de 15 ans et 3 mois ayant des verrues difficiles à traiter (résistant à l’azote liquide et à l’acide salicylique topique). Le recrutement est en cours (cf. ci-dessous). Il s’agit de la 1re étude de phase III randomisée multicentrique en double aveugle évaluant ce traitement ! »

Encadre

Etude VAC-WARTS

Pour inclure vos patients (étude VAC-WARTS) :

Critères d’inclusion : patient(e) de plus de 15 ans et 3 mois immunocompétent(e) (pas infecté(e) par le VIH, ni transplanté(e) ni traité(e) par immunosuppresseur) avec :

– ≥ 5 verrues palmoplantaires ou une surface atteinte ≥ 4 cm2 ;

– résistant à l’azote liquide et à l’acide salicylique topique ;

– ayant une gêne fonctionnelle ou une atteinte de la qualité de vie ou une EVA ≥ 4.

Contact (pour connaître le centre le plus proche de chez vous)

vacwarts@gmail.com

Investigateur principal : Dr Johan Chanal, hôpital Cochin-Paris.

Responsable scientifique : Pr Olivier Chosidow, hôpital Henri-Mondor, Créteil.

Pour en savoir plus :
Pham CT, Juhasz M, Sung CT, et al. The human papillomavirus vaccine as a treatment for human papillomavirus – related dysplastic and neoplastic conditions: A literature review. J Am Acad Dermatol 2020;82(1):202-12.
Waldman A, Whiting D, Rani M, et al. HPV Vaccine for Treatment of Recalcitrant Cutaneous Warts in Adults: A Retrospective Cohort Study. Dermatol Surg 2019;45(12):1739-41.
Chanal J, Merio L, Chosidow O. Traitements des verrues.Rev Prat 2020;70(1);7-9.