L’hypertension artérielle (HTA) « blouse blanche » est définie comme la constatation d’une pression artérielle (PA) élevée en consultation (PAS ≥ 140 mmHg et/ou PAD ≥ 90 mmHg) associée à une PA normale en dehors du cabinet (PA diurne moyenne < 135/85 mmHg). Selon les recos HAS/SFHTA 2016, l’HTA « blouse blanche » ne requiert habituellement pas le recours à un traitement antihypertenseur, mais nécessite une surveillance tensionnelle annuelle et la mise en œuvre de mesures hygiénodiététiques, car le risque de passage à une HTA permanente est élevé.
Les estimations de sa prévalence varient, mais elle concernerait de 30 à 40 % des personnes ayant une HTA élevée mesurée en consultation. L’effet « blouse blanche » est plus fréquent avec l’âge (plus de 50 % chez les patients âgés), chez les femmes et chez les patients non tabagiques.
Contrairement à de précédents consensus, des recommandations récentes (américaines de 2017, européennes de 2018) soulignent que l’HTA « blouse blanche » a bien une importance clinique, car bien que le risque cardiovasculaire (CV) qui lui est associé soit inférieur à celui des patients ayant une HTA permanente, il n’est pas négligeable. Toutefois, il existe peu de données objectivant ce risque (par rapport aux sujets normotendus), et il n’y a pas de preuve solide concernant l’effet d’un éventuel traitement antihypertenseur dans ces cas. Celui-ci n’est en général recommandé qu’en présence d’une atteinte d’organe. Pour la première fois, cependant, une étude a montré que même en l’absence d’atteinte d’organes, une HTA « blouse blanche » s’accompagne tout de même d’une augmentation du risque de mortalité.
Cette étude italienne, publiée dans le journal Hypertension, avait pour objectif de comparer la mortalité CV et la mortalité toutes causes de sujets ayant une HTA « blouse blanche » à celle de sujets normotendus (en l’absence de lésions d’organes). Des comparaisons avec des patients hypertendus et avec des patients ayant des lésions cardiaques et rénales (qu’ils soient normotendus, hypertendus avérés ou « blouse blanche ») ont aussi été effectuées.
Les chercheurs ont recruté 1 423 participants, suivis pendant une durée médiane de 29 ans.
- Les sujets normotendus (N = 786) étaient définis comme ayant une PA < 140/90 mmHg mesurée au cabinet et < 130/80 mmHg et < 135/85 mmHg mesurées respectivement en MAPA (mesure ambulatoire de la pression artérielle) sur 24 heures et en automesure.
- Les sujets ayant une hypertension permanente (N = 240) étaient ceux pour lesquels les mesures au cabinet, en MAPA sur 24 heures et en automesure étaient supérieures ou égales à ces valeurs.
- Enfin, les sujets ayant une HTA « blouse blanche » (N = 397) étaient définis comme ayant une PAS ≥ 140 mmHg ou une PAD ≥ 90 mmHg mesurées au cabinet, mais < 130/80 mmHg en MAPA sur 24 heures, ou < 135/85 mmHg en automesure.
Dans chaque groupe, les participants étaient ensuite sous-divisés entre ceux n’ayant pas d’antécédents d’événements cliniques, d’hypertrophie ventriculaire gauche ou de diminution de la fonction rénale, et ceux ayant au moins l’une de ces conditions. Ces derniers patients, constituant les groupes « avec lésions d’organe », représentaient respectivement 10,6 %, 30,5 % et 43,8 % de chacun des groupes cités ci-dessus.
Pendant le suivi, 165 morts par cause CV ont été enregistrées (526 morts toutes causes). L’analyse a montré que les sujets du groupe « blouse blanche sans lésion d’organe » avaient un risque de mortalité (CV et toutes causes) plus faible que ceux du groupe « hypertension permanente sans lésion d’organe », mais significativement plus important que celui du groupe « normotendus sans lésion d’organe ». Après ajustement, les sujets « blouse blanche sans lésion d’organe » avaient un hazard ratio de 2,0 (IC95 % : 1,1-3,6) pour la mortalité CV, comparés au groupe « normotendus sans lésions d’organe » (HR : 1,2 pour la mortalité toute causes).
Par ailleurs, les chercheurs ont montré que, sur un suivi de 10 ans et comparés au groupe « normotendus sans lésions d’organe », les participants « blouse blanche sans lésion d’organe » avaient un risque significativement plus important de développer une hypertrophie ventriculaire gauche, une insuffisance rénale, et d’évoluer vers une hypertension permanente.
Pour les auteurs, ces résultats soulignent que, contrairement aux recommandations européennes actuelles, le risque CV d’une personne ayant une HTA « blouse blanche » sans atteinte d’organe associée ne peut pas être assimilé à celui d’une personne normotendue. Ils suggèrent donc de considérer l’HTA blouse blanche comme une entité cliniquement significative, et de mieux prendre en compte son importance pronostique.