L’hypertension artérielle (HTA) au cours de la grossesse est définie par une pression artérielle systolique (PAS) ≥ 140 mmHg ou par une pression artérielle diastolique (PAD) ≥ 90 mmHg.
Elle est légère à modérée si : PAS = 140-159 mmHg ou PAD = 90-109 mmHg. Cette forme concerne 70 % à 80 % des femmes atteintes d’HTA chronique lors de leur grossesse. Elle est sévère quand la PAS est ≥ 160 mmHg ou la PAD est ≥ 110 mmHg.
L’HTA au cours de la grossesse peut se manifester sous l’un des 3 aspects cliniques suivants :
- HTA chronique : préexistante à la grossesse ou constatée avant la 20e semaine d’aménorrhée (SA) ; fréquence : 1-5 % des grossesses ;
- HTA gestationnelle sans élévation pathologique de la protéinurie, constatée après la 20e SA (5-6 %) ;
- Prééclampsie, définie par une HTA (contrôlée ou non ; chronique ou non) associée à une protéinurie pathologique découverte après la 20e SA (1-2 %, la fréquence étant nettement accrue en cas de facteur de risque). Lorsqu’elle survient avant 34 SA, elle est qualifiée de précoce.
L’HTA complique 5 à 10 % des grossesses (dont 10 % aboutissent à une prééclampsie).
Poser le diagnostic
Les conditions de mesure sont importantes à respecter : repos depuis 5 minutes, en position assise, brassard de taille adapté, sur au moins 2 mesures.
En cas d’HTA légère à modérée, elle doit être confirmée par des mesures hors milieu médical, afin s’affranchir d’un effet blouse blanche, fréquent chez la femme enceinte :
– automesure selon « la règle des 3 », soit 3 mesures à 1 minute d’intervalle, matin et soir, pendant 3 jours de suite, avec un appareil huméral (cependant leur nombre est restreint), la moyenne des 18 mesures étant retenue ;
– ou moyenne diurne de la mesure ambulatoire de la PA (MAPA) sur 24 heures.
Dans les 2 cas, des moyennes de PAS ≥ 135 ou PAD ≥ 85 mmHg permettent d’affirmer le diagnostic.
Traiter l’HTA modérée ?
Alors que le traitement de la femme enceinte atteinte d’HTA chronique sévère est déjà recommandé, il n’y a pas de consensus international concernant l’HTA modérée. Faut-il attendre de dépasser le seuil de l’hypertension sévère pour traiter, afin de limiter les risques que pourraient causer les médicaments sur le fœtus ?
Le consensus français préconise en effet de traiter toutes les HTA sévères et, en cas d’HTA légère à modérée, d’initier un traitement antihypertenseur si le risque cardiovasculaire est élevé (antécédents personnels de risque cardio-neurovasculaire, association de plusieurs facteurs de risque, maladie rénale ou encore diabète prégestationnel). Dans ces cas, 4 molécules peuvent être prescrites en première intention, au choix en fonction du terrain : alphaméthyldopa, labétalol, nicardipine, nifédipine (les IEC, ARAII et l’aliskiren ne doivent pas être utilisés quel que soit le terme de la grossesse car ils sont tératogènes et/ou fœtotoxiques). Il est suggéré de viser un objectif tensionnel inférieur à 160 mmHg pour la PAS et compris entre 85 et 100 mmHg pour la PAD.
Les résultats d’une étude multicentrique randomisée, parue récemment dans le NEJM, montrent cependant que traiter une HTA chronique modérée chez la femme enceinte – sans attendre le dépassement du seuil de sévérité ni la présence d’autres facteurs de risque – améliore les chances d’accouchement réussi, sans pour autant exposer le fœtus à plus de risques.
Les auteurs de cette étude ont enrôlé 2 408 femmes enceintes de moins de 23 semaines et atteintes d’une HTA chronique modérée. Ils les ont ensuite assignées au hasard à une prise en charge standard, qui consistait à ne pas traiter sauf en cas d’hypertension sévère, ou alors à un traitement visant à faire baisser la pression au-dessous de 140/90 mmHg (en utilisant des hypertenseurs indiqués en première intention dans l’HTA gravidique comme le labétalol et la nifédipine à la dose maximale recommandée).
Conclusions : les patientes ayant reçu un traitement antihypertenseur avaient moins de risques de développer une prééclampsie : à l’issue du traitement, la proportion de prééclampsies était de 24,4 % dans le groupe traité et 31,1 % dans le groupe contrôle, soit un risk ratio (RR) significativement différent de 1 (0,79 dans le groupe traité, intervalle de confiance (IC) à 95 % = [0,69 ; 0,89]). Même conclusion positive du côté du fœtus : la proportion de naissances prématurées était de 27,5 % dans le groupe traité, contre 31,4 % dans le groupe standard soit un RR significativement différent de 1 (RR = 0,87, IC à 95 % = [0,87 ; 0,99]) ; quant au petit poids de naissance (< 2 500 g), il a été observé dans 19,2 % des enfants de femmes traitées versus 23,1 % de ceux dans le groupe contrôle.
Ainsi, traiter toutes les patientes atteintes d’hypertension chronique, quelle que soit sa gravité, réduirait le nombre de complications de grossesse sans compromettre la croissance fœtale.
À lire aussi :
Madika AL, Mounier-Vehier C. HTA de la grossesse et devenir maternel.Rev Prat Med Gen 2017;31(982):419-24.
Haddad B, Lecarpentier E, Tsatsaris V. HTA et grossesse.Rev Prat Med Gen 2016;30(967):627-9.
Bottero C, Hedon B. Item 24 (ancien 23). Principales complications de la grossesse. Partie : Hémorragies génitales, HTA gravidique, menace d’accouchement prématuré.Rev Prat 2017;67(5):3229-37.