Le microbiote intestinal humain est l’ensemble des microorganismes (bactéries, virus, archées, parasites, champignons) vivant dans le tube digestif. Composé en grande majorité par des bactéries (1014),2 il est spécifique de chaque individu et évolue tout au long de la vie. Ses fonctions sont multiples : métaboliques (synthèse des vitamines, fermentation des résidus alimentaires…) ; immunitaires ; barrière intestinale et lutte contre les pathogènes (compétition et/ou production de facteurs antimicrobiens). Lorsqu’il est altéré, dans sa composition ou ses fonctions, on parle de dysbiose. Cette dernière peut être à l’origine de certaines maladies ou les favoriser.
En pratique
Initialement, seule la préparation sous forme de solution liquide était utilisée et administrée par sonde nasogastrique ou coloscopie. Dans un deuxième temps, des gélules orales contenant des selles congelées ou lyophilisées ont été développées, facilitant ainsi l’administration et l’acceptabilité.
La TMF est considérée comme un médicament et est sous la responsabilité des pharmacies hospitalières à usage interne, à la différence des produits sanguins par exemple, qui sont régis par l’Établissement français du sang.
Pour qui ?
La principale indication, et la seule reconnue en soins courants, est l’infection à C. difficile (
Les autres applications demeurent expérimentales et doivent s’effectuer soit dans des protocoles de recherche clinique, soit dans le contexte d’un usage compassionnel.
En France, le GFTF a mis en place une commission consultative permettant de donner un avis sur la pertinence des transplantations fécales hors soins courants et recherche clinique. Les indications compassionnelles actuellement retenues et discutées sont :
– décolonisation de portage de bactéries hautement résistantes émergentes (entérobactéries productrices de carbapénémases [EPC], Acinetobacter baumannii résistant à l’imipénem [ABRI], entérocoques résistants aux glycopeptides [ERG]) ;
– réaction du greffon contre l’hôte (GVH) digestive chez les allogreffés de cellules souches hématopoïétiques ;
– maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (Mici), lors des poussées.
Il n’y a à ce jour aucune contre-indication à la TMF mais une voie d’abord digestive est indispensable. Cette procédure est toutefois réservée aux indications reconnues ou aux situations graves ou rares, en échec de toute autre ligne thérapeutique et à condition d’avoir un argumentaire pour en justifier l’usage.
Qui peut donner ?
Un screening exhaustif est réalisé : autoquestionnaire, consultation médicale, bilan biologique sanguin, examens de selles afin de prévenir toute transmission de pathogène et de facteurs favorisant de maladies digestives, auto-immunes, cancéreuses, dysmétaboliques. Et ce d’autant plus qu’un grand nombre de patients receveurs est immunodéprimé.
Après validation médicale (examen clinique et résultats du screening négatif), des dons multiples sur plusieurs jours peuvent être effectués, à chaque fois accompagnés d’un questionnaire clinique, à compléter par le donneur.
Quelles procédures ?
En cas d’infection récidivante à C. difficile, un traitement antibiotique d’induction est débuté par vancomycine per os, 125 mg, 4 x/j pendant 4 jours. Une préparation d’évacuation colique par PEG est réalisée entre 6 et 72 heures après son arrêt et 24 heures avant la TMF. Dans les autres indications, une antibiothérapie n’est pas nécessaire.
La TMF est ensuite effectuée par voie haute ou basse :
– par voie haute, 3 options :
. per os : 15 gélules par jour, 2 jours consécutifs le matin à jeun ;
. administration d’une suspension d’environ 500 mL par sonde nasogastrique lestée dont la position doit être vérifiée sur une radiographie thoracique debout de face et après un traitement par inhibiteur de la pompe à protons, le sujet devant être à jeun ;
. via une gastro-/jéjunostomie si celle-ci était déjà présente ;
– par voie basse :
. lavement rectal à l’aide d’une canule ; la suspension doit alors être gardée 2 h en décubitus latéral proclive à 30° ;
. coloscopie jusqu’en amont de l’angle colique gauche à l’aide d’une insufflation faible.
Les complications sont rares mais possibles : diarrhée, constipation, ballonnements, douleurs abdominales, fièvre. D’autres sont liées au mode d’administration : pneumopathie d’inhalation, œdème aigu pulmonaire (lors de la préparation colique). Un décès a eu lieu aux États-Unis à la suite de la transmission d’une bactérie multirésistante au cours de la procédure, mais le portage digestif de BMR n’avait pas été vérifié chez le donneur. En France, ce dépistage est recommandé de façon systématique.
Où en est-on en 2020 ?
Dans le futur proche, de nouvelles pathologies seront ciblées. Des essais sont en cours dans de nombreux domaines : Mici, troubles fonctionnels intestinaux, obésité, maladies métaboliques (diabète) et auto-immunes, désordres neuropsychiatriques(autisme, maladie de Parkinson…), entérites post-radiques, maladies chroniques du foie.
La TMF n’est toutefois pas un traitement miracle. Les données de tolérance à long terme sont pour le moment parcellaires ou inexistantes. La validation de nouvelles indications passe par des essais cliniques contrôlés de bonne qualité. Le GFTF et l’ensemble des professionnels de santé sont guidés par ces exigences de sécurité et d’efficacité.
Transplantation fécale : les principales étapes
• Validation de l’indication
• Recueil du consentement du patient
• Sélection du donneur
• Choix de la voie d’administration
• Préparation des selles du donneur, adaptée à la voie choisie
• Procédure d’administration
2. Transplantation fécale dans les colites à
Une dizaine d’études randomisées contrôlées publiées depuis 2013 ont confirmé l’efficacité de la transplantation fécale dans les colites à C. difficile récidivantes avec des taux de guérison (absence de diarrhée et recherche de toxine négative). sans rechute de l’ordre de 80 à 94 %, sans différence notable entre les voies d’abord, haute ou basse, les volumes administrés (de 50 à 500 mL), l’utilisation de selles congelées ou non, le type de donneur, unique ou multiple.3 Par ailleurs, il n’y a, à l’heure actuelle, pas de données permettant de cibler un « superdonneur » (dont la flore serait plus efficace)…
2. ANSM. La transplantation de microbiote fécal et son encadrement dans les essais cliniques. Mars 2014.
3. Cammarota G, Ianiro G, Tilg H, et al. European consensus conference on faecal microbiota transplantation in clinical practice. Gut 2017;66:569-80.
4. Sokol H, Galperine T, Kapel N, et al. Faecal microbiota transplantation in recurrent Clostridium difficile infection: Recommendations from the French Group of Faecal microbiota Transplantation. Dig Liver Dis 2016;48:242-7.