La transplantation de microbiote fécal (TMF) pour soigner les syndromes dysentériques remonte au IVe siècle en Chine. En 1958, les premières colites pseudomembraneuses ont été efficacement prises en charge par antibiotiques et TMF. Depuis 1983, date du premier cas traité pour une infection à Clostridioides difficile avérée, de nombreuses expérimentations ont été publiées. Mais il faudra attendre 2013 et le premier essai clinique randomisé contrôlé pour enfin valider son utilisation dans les infections récidivantes à C. difficile.1
Le microbiote intestinal humain est l’ensemble des microorganismes (bactéries, virus, archées, parasites, champignons) vivant dans le tube digestif. Composé en grande majorité par des bactéries (1014),2 il est spécifique de chaque individu et évolue tout au long de la vie. Ses fonctions sont multiples : métaboliques (synthèse des vitamines, fermentation des résidus alimentaires…) ; immunitaires ; barrière intestinale et lutte contre les pathogènes (compétition et/ou production de facteurs antimicrobiens). Lorsqu’il est altéré, dans sa composition ou ses fonctions, on parle de dysbiose. Cette dernière peut être à l’origine de certaines maladies ou les favoriser.

En pratique

La technique consiste en l’introduction d’un filtrat fécal provenant d’un donneur sain dans le tube digestif d’un receveur malade ayant une anomalie du microbiote intestinal, afin de rééquilibrer celui-ci. Pour cela, les selles sont homogénéisées, filtrées, puis conditionnées (encadré 1).3
Initialement, seule la préparation sous forme de solution liquide était utilisée et administrée par sonde nasogastrique ou coloscopie. Dans un deuxième temps, des gélules orales contenant des selles congelées ou lyophilisées ont été développées, facilitant ainsi l’administration et l’acceptabilité.
La TMF est considérée comme un médicament et est sous la responsabilité des pharmacies hospitalières à usage interne, à la différence des produits sanguins par exemple, qui sont régis par l’Établissement français du sang.

Pour qui ?

Le Groupe français de transplantation fécale (GFTF ; www.gftf.fr), créé fin octobre 2014,4 regroupe les professionnels de santé (médecins, pharmaciens) activement impliqués dans la pratique et/ou la recherche sur la TMF. L’objectif est d’harmoniser et sécuriser cette technique dans les indications reconnues, d’informer les praticiens et le grand public, et de favoriser la recherche afin d’évaluer son intérêt potentiel dans d’autres pathologies.
La principale indication, et la seule reconnue en soins courants, est l’infection à C. difficile (encadré 2), à partir de la deuxième récidive (épisodes de colites confirmées par la présence de toxines dans les selles et avec un intervalle de moins de 8 semaines entre eux, malgré un traitement bien conduit par fidaxo­micine et/ou vancomycine).
Les autres applications demeurent expérimentales et doivent s’effectuer soit dans des protocoles de recherche clinique, soit dans le contexte d’un usage compassionnel.
En France, le GFTF a mis en place une commission consultative permettant de donner un avis sur la pertinence des transplantations fécales hors soins courants et recherche clinique. Les indications compassionnelles actuellement retenues et discutées sont :
– décolonisation de portage de bactéries hautement résistantes émergentes (entérobactéries productrices de carbapénémases [EPC], Acinetobacter baumannii résistant à l’imipénem [ABRI], entérocoques résistants aux glycopeptides [ERG]) ;
– réaction du greffon contre l’hôte (GVH) digestive chez les allogreffés de cellules souches hématopoïétiques ;
– maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (Mici), lors des poussées.
Il n’y a à ce jour aucune contre-indication à la TMF mais une voie d’abord digestive est indispensable. Cette procédure est toutefois réservée aux indications reconnues ou aux situations graves ou rares, en échec de toute autre ligne thérapeutique et à condition d’avoir un argumentaire pour en justifier l’usage.

Qui peut donner ?

Les personnes majeures sans pathologie chronique, n’ayant aucun trouble digestif depuis 3 mois, ne prenant pas de traitement au long cours. Le donneur ne doit pas avoir voyagé en zone intertropicale dans les 3 derniers mois, ni séjourné dans cette zone pendant plusieurs années, ni avoir été hospitalisé à l’étranger plus de 24 heures dans les 12 derniers mois.4
Un screening exhaustif est réalisé : autoquestionnaire, consultation médicale, bilan biologique sanguin, examens de selles afin de prévenir toute transmission de pathogène et de facteurs favorisant de maladies digestives, auto-immunes, cancéreuses, dysmétaboliques. Et ce d’autant plus qu’un grand nombre de patients receveurs est immunodéprimé.
Après validation médicale (examen clinique et résultats du screening négatif), des dons multiples sur plusieurs jours peuvent être effectués, à chaque fois accompagnés d’un questionnaire clinique, à compléter par le donneur.

Quelles procédures ?

Une information sur le caractère expérimental du traitement et des risques encourus doit être délivrée, et le consentement écrit du patient receveur doit être recueilli de manière libre et éclairée.
En cas d’infection récidivante à C. difficile, un traitement antibiotique d’induction est débuté par vancomycine per os, 125 mg, 4 x/j pendant 4 jours. Une préparation d’évacuation colique par PEG est réalisée entre 6 et 72 heures après son arrêt et 24 heures avant la TMF. Dans les autres indications, une antibiothérapie n’est pas nécessaire.
La TMF est ensuite effectuée par voie haute ou basse :
– par voie haute, 3 options :
. per os : 15 gélules par jour, 2 jours consécutifs le matin à jeun ;
. administration d’une suspension d’environ 500 mL par sonde nasogastrique lestée dont la position doit être vérifiée sur une radiographie thoracique debout de face et après un traitement par inhibiteur de la pompe à protons, le sujet devant être à jeun ;
. via une gastro-/jéjunostomie si celle-ci était déjà présente ;
– par voie basse :
. lavement rectal à l’aide d’une canule ; la suspension doit alors être gardée 2 h en décubitus latéral proclive à 30° ;
. coloscopie jusqu’en amont de l’angle colique gauche à l’aide d’une insufflation faible.
Les complications sont rares mais possibles : diarrhée, constipation, ballonnements, douleurs abdominales, fièvre. D’autres sont liées au mode d’administration : pneumopathie d’inhalation, œdème aigu pulmonaire (lors de la préparation colique). Un décès a eu lieu aux États-Unis à la suite de la transmission d’une bactérie multirésistante au cours de la procédure, mais le portage digestif de BMR n’avait pas été vérifié chez le donneur. En France, ce dépistage est recommandé de façon systématique.

Où en est-on en 2020 ?

Le nombre de TMF en soins courants a considérablement augmenté ces dernières années. Les pharmacies des centres préparateurs (cf. www.gftf.fr) peuvent produire les transplants et fournir les centres alentour, une fois l’indication validée. À l’heure actuelle, la France manque de centre public académique de production mais la situation s’améliore (p. ex., celui de l’AP-HP ouvrira en 2020). Le bilan de screening des donneurs est lourd et complexe à organiser, et des filières restent à créer. Enfin, la production est certes simple, mais prenante, et nécessite des compétences spécifiques.
Dans le futur proche, de nouvelles pathologies seront ciblées. Des essais sont en cours dans de nombreux domaines : Mici, troubles fonctionnels intestinaux, obésité, maladies métaboliques (diabète) et auto-immunes, désordres neuropsychiatriques(autisme, maladie de Parkinson…), entérites post-radiques, maladies chroniques du foie.
La TMF n’est toutefois pas un traitement miracle. Les données de tolérance à long terme sont pour le moment parcellaires ou inexistantes. La validation de nouvelles indications passe par des essais cliniques contrôlés de bonne qualité. Le GFTF et l’ensemble des professionnels de santé sont guidés par ces exigences de sécurité et d’efficacité.
Encadre

Transplantation fécale : les principales étapes

• Validation de l’indication

• Recueil du consentement du patient

• Sélection du donneur

• Choix de la voie d’administration

• Préparation des selles du donneur, adaptée à la voie choisie

• Procédure d’administration

Encadre

2. Transplantation fécale dans les colites à

Une dizaine d’études randomisées contrôlées publiées depuis 2013 ont confirmé l’efficacité de la transplantation fécale dans les colites à C. difficile récidivantes avec des taux de guérison (absence de diarrhée et recherche de toxine négative). sans rechute de l’ordre de 80 à 94 %, sans différence notable entre les voies d’abord, haute ou basse, les volumes administrés (de 50 à 500 mL), l’utilisation de selles congelées ou non, le type de donneur, unique ou multiple.3 Par ailleurs, il n’y a, à l’heure actuelle, pas de données permettant de cibler un « superdonneur » (dont la flore serait plus efficace)…

Références
1. van Nood E, Vrieze A, Nieuwdorp M, et al. Duodenal infusion of donor feces for recurrent Clostridium difficile. N Engl J Med 2013;368:407-15.
2. ANSM. La transplantation de microbiote fécal et son encadrement dans les essais cliniques. Mars 2014.
3. Cammarota G, Ianiro G, Tilg H, et al. European consensus conference on faecal microbiota transplantation in clinical practice. Gut 2017;66:569-80.
4. Sokol H, Galperine T, Kapel N, et al. Faecal microbiota transplantation in recurrent Clostridium difficile infection: Recommendations from the French Group of Faecal microbiota Transplantation. Dig Liver Dis 2016;48:242-7.

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essentiel

La transplantation fécale est le traitement de référence des infections récidivantes à Clostridioides difficile.

les complications rares.