Lorsque, voilà près de soixante-dix ans, d’audacieux pionniers, Thomas Starzl, René Küss ou Christiaan Barnard, exécutaient les premières transplantations d’organes, ils n’accomplissaient pas seulement un exploit technique, ils ouvraient la voie à une aventure humaine unique, aux multiples implications scientifiques, philosophiques, éthiques et socioculturelles. La transplantation hépatique (TH) consiste à remplacer un foie déficient par un foie sain, entier ou partiel, issu d’un donneur décédé ou plus rarement d’un donneur vivant. Elle a connu un essor extraordinaire en France (de 699 TH en 1999 à 1 337 en 2019) grâce à l’avènement des immunosuppresseurs, aux progrès de la technique chirurgicale et de l’anesthésie-réanimation qui ont transformé ses résultats : survie moyenne à un an de 86 % et à cinq ans de 74 %. 
Mais la transplantation hépatique est bien plus qu’une intervention chirurgicale complexe, elle est le fruit d’une révolution idéologique et philosophique posant des questions essentielles et existentielles de la définition du soi biologique et psychique, de la mort, de la légitimité de l’usage du corps, du don et de son libre consentement. La TH exprime la solidarité humaine, le civisme, l’entraide, l’abnégation, à travers le don d’organe anonyme et gratuit, et l’implication dans l’urgence de dizaines de soignants de disciplines différentes. La dimension éthique de la transplantation a été majeure et reste un aspect actuel fondamental dont témoignent la loi Caillavet de 1976 et les lois de bioéthique de 1994 qui ont dessiné le cadre strictement public (CHU), établi des règles et procédures, validées dans le respect de valeurs de justice, équité et transparence.

Laurence Chiche, service de chirurgie digestive et de transplantation hépato-biliaire, Bordeaux

23 novembre 2021