La transplantation est l’une des grandes avancées médicales de la fin du XXe siècle. Néanmoins, un certain nombre de problèmes ne sont pas résolus. La pénurie d’organes est de plus en plus criante car, d’une part, les succès grandissants incitent de plus en plus de patients à s’inscrire sur liste d’attente, d’autre part, le nombre d’organes prélevés augmente peu, en particulier parce que le taux de refus de prélèvement reste élevé en France (30-35 %). L’âge des donneurs augmente régulièrement, et la part des donneurs « à critères élargis » atteint presque 50 %. Les organes doivent être évalués avant transplantation et pourraient subir des traitements pharmacologiques et immunologiques pour en conserver ou en améliorer la qualité. La tendance est d’évoluer d’une conservation statique à 4 °C vers une conservation dynamique hypo- ou normothermique avec des machines de perfusion. Le déficit immunitaire du patient greffé augmente sa susceptibilité aux infections et aux cancers. À titre d’exemple, l’infection à SARS-CoV-2 est plus fréquente et plus grave chez le transplanté (20-25 % de décès) dont la réponse vaccinale est, par ailleurs, le plus souvent faible, voire inexistante (d’où la nécessité de répéter les doses pour éviter une infection grave) ; l’efficacité de l’administration précoce, après le contact ou dès les premiers jours de l’infection, d’anticorps monoclonaux anti-spike constitue un espoir pour ces patients non répondeurs. Le rejet chronique, caractérisé par une inflammation des microvaisseaux, est la principale cause de perte de greffons à long terme. Il est le plus souvent dû à des anticorps dirigés contre les antigènes HLA du donneur, présents à la surface de l’endothélium du greffon. L’activation consécutive du complément, ou un phénomène de cytotoxicité lié à la fixation de cellules possédant un récepteur pour le fragment Fc des IgG (ADCC), entraîne progressivement ces lésions microvasculaires et la perte du greffon. Un nouveau mécanisme de rejet chronique a été mis en évidence par Olivier Thaunat chez les patients sans donor-specific antibodies (DSA). Il s’agit d’une « non-reconnaissance du soi » par les cellules natural killer (NK) qui, non inhibées, agressent l’endothélium en empruntant une voie dépendante de mTor (NDLR : protéine kinase qui contribue à réguler différents processus cellulaires). Ce mécanisme pourrait donc être sensible aux inhibiteurs de mTor. Les traitements immunosuppresseurs ont considérablement amélioré les résultats de la transplantation. Néanmoins, peu de progrès ont été accomplis ces vingt dernières années car dans leur presque totalité les nouvelles molécules étudiées ont été abandonnées en raison d’une efficacité insuffisante ou d’effets secondaires inacceptables (FTY720 [fingolimod], FK778 [manitimus], inhibiteurs de JAK [Janus kinases], anti-CD40…). Des rejets chroniques liés à l’apparition de DSA rendent nécessaire la recherche de nouveaux traitements ciblant la production d’anticorps par les lymphocytes B et les plasmocytes à vie longue. Des stratégies utilisant les anti-IL-6 et les anti-CD38 sont en cours d’évaluation. Par ailleurs, les inhibiteurs de la costimulation comme le bélatacept et les anti-CD28 non agonistes pourraient diminuer la production de DSA. Enfin, la mise en évidence de nouveaux mécanismes de rejet chronique, comme la non- reconnaissance du soi par les NK et l’allo-activation dans le greffon par les cellules dendritiques du receveur ayant capté les antigènes HLA du donneur, offre de nouvelles perspectives thérapeutiques.
Yvon Lebranchu, Tours, membre de l’Académie nationale de médecine
30 novembre 2021