Il s’agit de 80 % des traumatismes crânio-cérébraux (TCC) pris en charge dans les services d’urgence et en ville. Ils sont responsables de séquelles à long terme dans environ 20 % des cas, avec un retentissement sur la vie personnelle et professionnelle.
Principales causes en France : les accidents de la voie publique (motos, vélos, piétons) dans 70 % des cas, suivis des chutes lors d’activités domestiques (fréquence en hausse actuellement en raison du vieillissement de la population), sportives ou de loisir, des accidents du travail et des agressions. Chaque année, environ 150 000 personnes sont concernées par ce qu’on appelle aussi une « commotion cérébrale ».
La définition du traumatisme crânio- cérébral léger repose sur des critères internationaux : score compris entre 13 et 15 à l’échelle de coma de Glasgow 30 minutes après l’accident, associé à au moins un parmi ces éléments :
– phase d’altération de la conscience (confusion ou désorientation) ;
– perte de connaissance < 30 minutes,
– amnésie post-traumatique de moins de 24 heures.
Deux points sont à relever :
– une perte de connaissance n’est pas un critère obligatoire pour affirmer le diagnostic ;
– des lésions sur l’imagerie cérébrale ne l’excluent pas.
Certains facteurs de gravité (encadré 1) imposent une TDM cérébrale. En leur absence et après une surveillance clinique de 6 heures au minimum, la plupart des patients regagnent leur domicile, avec des consignes de vigilance accrue pendant au moins 24 heures (repos strict, puis reprise progressive des activités).
L’évolution est généralement favorable, et les symptômes initiaux – céphalées, nausées, vertiges, fatigue – disparaissent spontanément en quelques jours ou semaines. Toutefois, 10 à 20 % ont un syndrome post-commotionnel. Autrefois appelé « syndrome subjectif des traumatisés crâniens » (terminologie aujourd’hui désuète et à éviter), il regroupe un ensemble de manifestations d’ordre somatique (céphalées, vertiges, fatigue, vomissements, photophobie, phonophobie, insomnie, anosmie, agueusie), cognitif (difficultés de concentration ou de mémoire, fatigabilité) et psychologique (anxiété, dépression, labilité émotionnelle, irritabilité). Au moins 3 doivent être présents pour affirmer le diagnostic. Si ces symptômes persistent plusieurs mois après le traumatisme (1 mois selon la CIM-10, 3 d’après le DSM-IV), on parle de syndrome post-commotionnel avec un retentissement sur la vie sociale ou professionnelle. Même s’ils ne sont pas spécifiques, ils ont une fréquence accrue après un TCC léger. L’évaluation neuro- psychologique, si réalisée, peut montrer un déficit, notamment en attention soutenue, ou divisée, ainsi que des difficultés exécutives (inhibition : par ex. tendance à la précipitation, double tâche, mémoire de travail), le plus souvent intriquées avec des troubles psychologiques (anxieux, thymiques et phobiques).
Les patients victimes d’un stress aigu peuvent également développer un état de stress post-traumatique (répétitions, syndrome d’évitement, phobies et hypervigilance) dont les symptômes peuvent se surajouter aux troubles aigus ou au syndrome post-commotionnel, aggravant le pronostic de récupération. Selon le DSM-IV, sa définition est la suivante : « apparition de divers symptômes psychiques survenant dans les semaines suivant l’exposition à l’événement traumatisant ». Le DSM-V y a ajouté la composante « altérations cognitivo-comportementales » (notamment attentionnelles et mnésiques), fréquentes chez les victimes.

Imagerie : quelles anomalies ?

Ces patients ont des altérations au niveau du système nerveux central, souvent non visibles en imagerie de routine (TDM ou IRM cérébrale morphologique). L’IRM fonctionnelle ou par tenseur de diffusion a permis de corréler des anomalies de substance blanche avec des déficits attentionnels, mnésiques et exécutifs constatés 1 mois après le traumatisme.1 L’utilisation de biomarqueurs pouvant prédire le pronostic, comme les protéines S100B, PrPC (Plasma-soluble prion protein), Tau et phospho-Tau2 est encore en cours d’étude.
Certains facteurs (cohorte UPFRONT)3 seraient associés à un pronostic défavorable à 6 mois : sociodémographiques (âge entre 40 et 64 ans, niveau d’éducation plus faible), lésionnels (Glasgow initial bas, longue durée d’amnésie post- traumatique) et comorbidités (antécédents psychiatriques, de traumatisme crânien, intoxication éthylique le jour de l’accident). Les patients en situation de « litige » cherchant une compensation financière auraient une moins bonne récupération. Mais les résultats des études divergent. Dans la survenue du syndrome post-commotionnel sont intriqués des facteurs lésionnels organiques, psychologiques, démographiques, et liés à la personnalité du blessé.

Quelle orientation après les urgences ?

Il est recommandé d’évaluer les symptômes et leur évolution à l’aide d’échelles (celle de Rivermead est la plus utilisée).4 Il faut également rassurer les personnes lésées et leur donner des explications simples sur le lien entre traumatisme et symptômes éventuels, ainsi que des conseils pour limiter leur survenue ou majoration : on parle de psycho- éducation. Différents livrets peuvent être remis au patient en complément, comme celui réalisé par l’association France traumatisme crânien (cf. bit.ly/2JC3p7l).5 Certaines équipes ont récemment mis en place un rappel systématique des sujets pris en charge aux urgences et « à risque » de syndrome post-commotionnel. Buts : vérifier la régression des troubles, rechercher des facteurs de risque, rassurer, proposer une consultation rapide en cas de persistance de symptômes. Une expérimentation sur cette procédure est en cours en Île-de-France.
Si les troubles cognitifs et psychologiques ne régressent pas en quelques semaines, on peut combiner soutien psychologique et remédiation cognitive. Cette dernière vise à rééduquer les troubles persistants, souvent attentionnels et exécutifs, alors que le suivi psychologique est axé sur la réduction de l’anxiété, de la dépression et sur la prise en charge éventuelle de l’état de stress post-traumatique, notamment grâce à la thérapie cognitivo-comportementale. Cependant, les études ne sont pas nombreuses, et leurs résultats parfois discordants.
** En dehors de ces situations, elle doit être faite entre la 4e et la 8e heure après le TCC.
Encadre

1 Quand pratiquer un scanner ?*

• Déficit neurologique focal

• Amnésie rétrograde supérieure à 30 minutes

• Score de Glasgow inférieur à 15 à 2 heures du traumatisme

• Perte de conscience ou amnésie des faits associée à : un âge > 65 ans, ou un des mécanismes traumatiques suivants : piéton renversé par un véhicule motorisé, éjecté d’un véhicule ou chute d’une hauteur de plus de 1 mètre

• Suspicion de fracture ouverte du crâne ou d’embarrure

• Tout signe de fracture de la base du crâne (hémotympan, ecchymose périorbitaire bilatérale), otorrhée ou rhinorrhée de liquide cérébrospinal

• Plus d’un épisode de vomissement chez l’adulte

• Convulsion post-traumatique

• Trouble de la coagulation (traitement anticoagulant, antiagrégant)

Certains de ces facteurs doivent faire réaliser la TDM dans l’heure suivant sa demande** :

• Déficit neurologique focal

• Score de Glasgow inférieur à 15 à 2 heures du traumatisme

• Suspicion de fracture de la base du crâne (hémotympan, ecchymose périorbitaire bilatérale), otorrhée ou rhinorrhée de liquide cérébrospinal

• Plus d’un épisode de vomissement chez l’adulte

• Convulsion post-traumatique

• Traitement par AVK

* Selon les recommandations de la Société française de médecine d’urgence, 2012. Les Québécois ajoutent la chute d’une hauteur de plus de 5 marches et l’existence d’une coagulopathie. Les Américains : céphalées, prise de toxiques (drogue ou alcool) et âge > 60 ans.
** En dehors de ces situations, elle doit être faite entre la 4e et la 8e heure après le TCC.
Encadre

2 Consignes après retour au domicile

Durant quelques jours, repos et calme vous permettront de reprendre progressivement vos activités :

• N’essayez pas de forcer jusqu’à la fatigue : il est important de respecter des moments de pause

• Reprenez vos activités de façon progressive, en les adaptant à ce que vous ressentez

• Soyez attentifs à ne faire qu’une seule chose à la fois

• Évitez l’alcool : votre cerveau le supporterait moins bien

• Veillez à vous sentir pleinement capable avant de reprendre la conduite automobile et le sport.

Références
1. Oehr L, Anderson J. Diffusion-Tensor Imaging Findings and Cognitive Function Following Hospitalized Mixed-Mechanism Mild Traumatic Brain Injury: A Systematic Review and Meta-Analysis. Arch Phys Med Rehabil 2017;98:2308-19.
2. Kim HJ, Tsao JW, Stanfill AG. The current state of biomarkers of mild traumatic brain injury. JCI Insight 2018;3:pii97105.
3. Van der Naalt J, Timmerman ME, de Koning ME, et al. Early predictors of outcome after mild traumatic brain injury (UPFRONT): an observational cohort study. Lancet Neurol 2017;16:532-40.
4. King NS, Crawford S, Wenden FJ, et al. The Rivermead Post Concussion Symptoms Questionnaire: a measure of symptoms commonly experienced after head injury and its reliability. J Neurol 1995;242:587-92.
5. Ponsford J. Rehabilitation interventions after mild head injury. Curr Opin Neurol 2005;18:692-7.

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essentiel

Trois critères : Glasgow entre 13 et 15 ; perte de connaissance < 30 minutes et/ou amnésie post-traumatique < 24 heures.

Dans 80 à 90 % des cas, les symptômes initiaux régressent spontanément en quelques jours à quelques semaines.

Si les troubles persistent, le patient est adressé en consultation spécialisée.