Si les traumatismes orthopédiques pédiatriques nécessitent souvent une prise en charge hospitalière, certaines situations plus simples peuvent être gérées en ville – notamment, la pronation douloureuse, les fractures en motte de beurre et certaines entorses.
Pronation douloureuse du coude
Lésion spécifique de l’enfant, la pronation douloureuse est l’atteinte du coude la plus fréquente chez les < 6 ans, en particulier avant 2 ans. Elle est le fruit d’un mouvement de traction de l’avant-bras dans l’axe, coude en extension, alors que la main est en pronation – par exemple lorsqu’un adulte essaye de soulever l’enfant par la main ou de le rattraper lorsqu’il s’élance dans une direction (pas de notion de traumatisme).
Le mécanisme de cette lésion est le passage de la tête du radius sous le ligament annulaire. Chez les jeunes enfants, ce dernier est très élastique et la tête radiale cartilagineuse est souple : une extension soudaine et forcée peut donc faire sortir la tête radiale sous le ligament, le coude restant alors bloqué dans la position où la lésion s’est produite (pronation et extension). Après l’âge de 5 ans, la tête radiale s’est agrandie et calcifiée et peut moins facilement glisser en dehors de sa loge.
L’interrogatoire suffit au diagnostic : incident de traction, à la suite duquel l’enfant est douloureux et garde le membre en pronation, inerte le long du corps. Lorsque l’examen suit immédiatement l’incident, le membre n’a pas de déformation, d’œdème ou d’hématome, mais on peut noter à distance une petite augmentation du volume du coude. Hors de toute manipulation, le membre n’est pas douloureux.
La radiographie est normale lors d’une pronation douloureuse : elle n’est donc pas indiquée devant ce tableau typique. Elle l’est lorsque le mécanisme est atypique ou inconnu, ou l’examen clinique difficile. Dans ce cas, avant d’envisager toute manœuvre, demander une radiographie de l’avant-bras en entier et du coude de face et de profil afin d’écarter les diagnostics différentiels tels qu’une fracture de l’extrémité inférieure de l’humérus de type supracondylienne à faible déplacement ou une fracture de l’extrémité discale du radius en motte de beurre. Elle est également recommandée quand deux tentatives de réduction (v. ci-dessous) se sont soldées par un échec.
Pour réduire une pronation douloureuse :
- mettre d’abord de la supination : prendre, d’une main, la main du patient en pronation et, de l’autre, placer les doigts en regard de la tête radiale puis progressivement faire tourner la main en supination ;
- faire fléchir le coude, toujours en supination. La main située près de la tête radiale permet de percevoir un ressaut, témoin de la réduction, soit lors de la supination soit lors de la flexion.
La manœuvre peut être douloureuse (mais elle l’est d’autant moins qu’elle est faite précocement), requérant une anesthésie par mélange équimolaire oxygène-protoxyde d’azote. Dans les minutes qui suivent, l’enfant n’est plus douloureux et remobilise normalement son bras.
Aucune immobilisation n’est indispensable. Il n’y a pas de séquelles, mais il existe un risque de récidive (bien expliquer aux parents les mouvements à éviter).
Adresser au spécialiste si la mobilité du bras n’est pas satisfaisante après plusieurs tentatives de réduction.
#Fractures en motte de beurre
Chez l’enfant, les fractures métaphysaires les plus fréquentes sont les tassements en motte de beurre. Elles n’existent que chez le nourrisson et le petit enfant, en raison du caractère très spongieux et peu corticalisé de l’os durant cette période de croissance. Un mécanisme de compression peut entraîner une rupture de l’une des corticales encore fines et le tassement de l’os spongieux voisin.
L’extrémité inférieure du radius est la localisation la plus touchée.
Le tableau clinique se caractérise par une douleur intense localisée, associée parfois à une tuméfaction.
Une radiographie de face et de profil permet de poser le diagnostic ; la rupture corticale peut être visible sur une seule de deux incidences.
Traitement : immobilisation par attelle protectrice pendant 10 jours, associée à un traitement antalgique. L’attelle peut être retirée par les parents. L’enfant est ensuite dispensé d’activités sportives pendant 1 mois.
Une consultation de contrôle n’est pas nécessaire, puisque la consolidation est constante et il n’y a pas de déplacement secondaire.
Entorses
Entorses de la cheville
L’entorse latérale (traumatisme en varus forcé de la cheville) est la plus courante. La fréquence des entorses augmente avec l’âge de l’enfant.
Le principal diagnostic différentiel à écarter est le décollement épiphysaire non déplacé de l’extrémité inférieure de la fibula. Dans ce cas, la douleur est maximale au-dessus de la malléole latérale (au niveau du cartilage de croissance), alors que dans une véritable entorse elle se situe sur l’un des trois faisceaux du ligament latéral externe. La radiographie est inutile pour distinguer ces deux lésions ; la rupture ligamentaire peut toutefois être observée à l’échographie. Véritable fracture, ce décollement épiphysaire est traité par immobilisation stricte avec botte plâtrée durant 3 semaines.
Le traitement des authentiques entorses de la cheville diffère selon le niveau de gravité : simple distension ligamentaire, déchirure partielle d’un ou plusieurs faisceaux du ligament latéral externe, rupture ligamentaire complète d’un ou plusieurs faisceaux.
Au moment du traumatisme, il n’existe pas de critère suffisamment fiable pour distinguer ces trois niveaux de gravité. C’est pourquoi une seconde consultation est préconisée une semaine après : si la douleur a alors disparu, l’entorse peut être considérée bénigne. Entre les deux consultations, appliquer le protocole RICE, associé éventuellement aux antalgiques et aux AINS topiques :
- Rest : repos avec mise en décharge entre cannes anglaises, lorsque l’enfant est en mesure de les porter.
- Ice : glaçage de l’hématome, 15 à 20 minutes plusieurs fois par jour, notamment les 72 premières heures suivant le traumatisme.
- Compression : attelle amovible ou bandage débutant aux orteils et remontant vers la cheville en « huit » ; la compression doit être douce, et ôtée pour la nuit.
- Elevation : élever le membre atteint le plus possible, en particulier la nuit.
Les entorses bénignes (non douloureuses au bout d’une semaine) ne nécessitent ensuite aucun traitement particulier. La mobilisation de la cheville, dès la disparition de la douleur et essentiellement en flexion extension, permet une récupération rapide (éviter les manœuvres de varus).
Les entorses moyennes et graves, dont la fréquence augmente avec l’âge, font normalement l’objet d’un traitement fonctionnel. Néanmoins, en raison du risque du manque d’observance, l’immobilisation stricte par botte plâtrée durant 3 semaines garde toute sa place – avec anticoagulation préventive chez les adolescents pubères dont le risque thrombogène rejoint celui de l’adulte. L’appui est autorisé dès que la douleur a cédé. Chez l’adolescent, repos sportif et rééducation sont recommandés à la sortie du plâtre, notamment pour éviter les récidives.
Il n’y a pas d’indication chirurgicale dans les entorses de la cheville en population pédiatrique, hormis cas exceptionnels d’arrachements osseux déplacés.
Entorses du genou
De nombreux traumatismes du genou sont bénins chez l’enfant. En l’absence de signes de gravité, les examens complémentaires ne sont pas nécessaires : on prescrit une immobilisation par attelle amovible, du repos, du glaçage, et des antalgiques si besoin. L’enfant est revu 10 jours plus tard.
Deux éléments de gravité sont toutefois à rechercher (sachant qu’un choc direct lors de l’accident engendre souvent une fracture alors qu’un mécanisme indirect occasionne plutôt une lésion ligamentaire) :
- Présence d’une hémarthrose : augmentation du volume du genou, volontiers à la suite d’un choc rotulien. Des radiographies standard de face et de profil du genou permettent de déceler la présence d’une fracture, qui impose un avis spécialisé voire une prise en charge chirurgicale. La difficulté principale est de ne pas négliger une fracture ostéochondrale parfois difficile à visualiser sur les clichés. Si les radios sont normales : immobilisation par attelle puis nouvelle consultation à 15 jours ; l’examen clinique recherchera alors une instabilité sagittale (signant une rupture du ligament croisé antérieur) ou des signes d’une lésion méniscale ; une IRM est plus facile à interpréter à ce stade. Chez l’enfant, quel que soit l’âge, une rupture du croisé antérieur doit toujours être prise en charge en milieu spécialisé, à défaut de laquelle des lésions méniscales peuvent se surajouter.
- Un blocage du genou, le plus souvent en flexion, évoque une lésion méniscale, probablement une anse de seau méniscale. L’IRM permet de visualiser la lésion. Un avis chirurgical est nécessaire.
À lire aussi :
Daniel N, Le Gal JM. Pronation douloureuse du coude : fréquente mais facile à réduire. Rev Prat Med Gen 2002;16(568):446.
Fourcade L, Vacquerie V. Item 364 (ancien Q 237). Fractures chez l’enfant : particularités épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques. Rev Prat 2013;63(3):423.
Nobile C. Entorses de la cheville. Rev Prat (en ligne) 2 décembre 2022.