Neurologie. Le tremblement est le mouvement anormal involontaire le plus courant et l’un des motifs de consultation les plus fréquents en neurologie. Le diagnostic étant clinique et de nombreuses causes de tremblements existant, il est indispensable de le caractériser par un interrogatoire et un examen clinique minutieux.
Mise au point
Le tremblement est un mouvement involontaire en rapport avec une activité rythmique, responsable d’une oscillation régulière d’une partie du corps autour d’un point d’équilibre.
Trois éléments permettent de décrire un tremblement : son mode d’activation (repos, posture/attitude, intention), sa fréquence, et sa topographie (membres supérieurs, inférieurs, tronc, chef, voix). Récemment, de nouveaux critères ont été proposés en fonction des caracté- ristiques cliniques et étiologiques.1

Un diagnostic clinique

Le tremblement essentiel est la cause la plus fréquente de tremblement. Il affecte environ 1 % de la population mondiale et 5 % des personnes de plus de 60 ans.2 En France, on estime qu’il y a environ 500 000 à 600 000 personnes atteintes de tremblement essentiel.
Trente à 70 % des patients ont une histoire familiale et plus de 80 % des sujets débutant leur tremblement essentiel avant 40 ans ont un parent du premier degré affecté. Le mode de transmission est de type auto- somique dominant à pénétrance variable. Récemment, des gènes candidats ont été identifiés dans des familles à tremblement essentiel.3 La diversité des phénotypes et des génotypes laisse à penser qu’il y aurait en fait plusieurs types de tremblement essentiel. La physio- pathologie du tremblement essentiel reste mal connue mais de nombreux arguments (génétique, imagerie fonctionnelle, stimulation magnétique transcrânienne et réponse théra- peutique à la stimulation du noyau ventral intermédiaire du thalamus) suggèrent la mise en jeu de voies cérébello-thalamo-corticales anormalement actives ainsi qu’une réduc- tion du contrôle inhibiteur GABA- ergique du cortex cérébelleux, notam- ment des cellules de Purkinje sur les noyaux profonds du cervelet (noyau dentelé).
Le tremblement essentiel est cliniquement défini comme un tremblement isolé bilatéral (± symétrique) des membres supérieurs existant depuis au moins 3 années, avec ou sans tremblement dans d’autres parties du corps (tête [de type « non-non »], voix chevrotante, plus rarement membres inférieurs [1/3 des cas]) et qui n’est pas associé à d’autres signes neurologiques, tels que la dystonie, l’ataxie, le parkinsonisme. Le tremblement est présent dans la posture (attitude du serment et/ou du bretteur) mais aussi dans l’action (écriture, dessin de spirale, manipulation d’un verre, etc.). C’est un tremblement rapide de 6 à 12 Hz. Il est majoré par le stress mais souvent calmé par la prise d’alcool (50-70 % des cas).
On relève deux pics de survenue du tremblement essentiel, l’un lors de la deuxième décennie et l’autre lors de la sixième décennie. L’évolution est lentement progressive mais, lorsqu’il devient intense, le tremblement essentiel peut être une source de handicap social et fonctionnel majeur en particulier chez le sujet âgé, sa fréquence diminuant et son amplitude augmentant au cours du temps. Le diagnostic de tremblement est un diagnostic clinique mais, dans certaines situations diagnostiques difficiles, on peut être amené à compléter l’examen clinique par un enregistrement du mouvement anormal afin de caractériser précisément le tremblement (condition de survenue, fréquence, muscles impliqués, distractibilité…). Dans certains cas, on parle de tremblement essentiel « plus » en raison de la présence de signes associés mineurs cités plus haut, tels que le parkinsonisme. On peut notamment retrouver un signe de Froment ou une roue dentée pouvant rendre difficile le diagnostic car évoquant un parkinsonisme tel qu’une maladie de Parkinson. Cependant, l’absence d’akinésie ne permet pas de retenir cette hypothèse et, en cas de doute, un avis neurologique spécialisé doit être demandé. Si le doute persiste, la présence d’une dénervation dopaminergique en imagerie nucléaire (par Dat-scan) est, dans ce contexte, en faveur d’un syndrome parkinsonien dégénératif, et l’absence d’une telle dénervation est en faveur du tremblement essentiel

Diagnostics différentiels

Il est physiologique d’avoir un tremblement postural de faible amplitude et rapide des doigts (8-12 Hz). Certains facteurs favorisent ce tremblement physiologique exagéré : l’anxiété, le stress, la fatigue musculaire, le sevrage alcoolique, certains toxiques (café, nicotine), les corticoïdes, les bêtastimulants, un surdosage en hormones thyroïdiennes, la thyrotoxicose...
Le tremblement physiologique n’étant le plus souvent pas gênant, il ne nécessite pas de traitement. Dans le cas contraire, la prise en charge thérapeutique dépend de sa cause.
L’iatrogénie est une des causes les plus fréquentes d’induction de mouvements anormaux quel que soit leur type et doit par conséquent être suspectée devant tout tremblement. La relation temporelle entre la prise d’un médicament, la probabilité de son imputabilité et l’évolution à l’arrêt du médicament suspecté sont les facteurs les plus importants pour le diagnostic. Le recours systématique au Dictionnaire Vidal, à la recherche d’une imputabilité, est indispensable. On peut notamment citer les neuroleptiques, les bêtamimétiques et les corticoïdes.
Le tremblement fonctionnel (psychogène) peut mimer un tremblement essentiel. Il existe de nombreux arguments en faveur de cette cause, notamment un début soudain, un contexte psychologique difficile, une fréquence variable du tremblement, une variabilité de la localisation du tremblement avec une éventuelle suggestibilité, une distractibilité et/ou un phénomène d’entraînement lors de tâches mentales ou motrices

Prise en charge thérapeutique du tremblement essentiel

À ce jour, les deux traitements (v. figure) médicamenteux les plus efficaces (1re ligne) sont le propranolol, bêtabloquant qui passe la barrière hémato-encéphalique, à la dose de 40-240 mg/j, ou les barbituriques comme la primidone (125-750 mg/j). Ils permettent de contrôler le tremblement lorsqu’il n’est pas trop intense. En cas d’échec (30 % des cas), une seconde ligne de traitements médicamenteux a montré une effi- cacité au cas par cas : les antiépileptiques (topiramate [150-400 mg/j], gabapentine [800-3 600 mg/j]), les bêtabloquants (aténolol [50-150 mg/j] , sotalol), et les benzodia- zépines (clonazépam [0,5-4 mg/j], alprazolam [0,125-3 mg/j]). La toxine botulique peut être utile pour trai- ter les tremblements du chef (muscles rotateurs) ou laryngés (cordes vocales). L’instauration des traitements se fait progressivement par paliers et en l’absence de contre- indication. Le choix et la dose du médicament anti-trémorigène doivent également tenir compte des interactions médicamenteuses et des antécédents des patients. Il faut garder à l’esprit qu’un patient non gêné ne doit pas être traité par respect du rapport bénéfices-risques.
Dans les cas sévères et résistants au traitement médicamenteux, un traitement neurochirurgical (stimulation thalamique du noyau ventral intermédiaire [VIM]) peut être discuté avec une amélioration supérieure à 50 %. Des études récentes ont confirmé l’efficacité de la thalamotomie par radiochirurgie (Gamma knife)4 et une action bénéfique à confirmer de la thalamotomie par les ultrasons focalisés.5
Références
1. Bhatia KP, Bain P, Bajaj N, et al. Tremor task force of the International Parkinson and Movement Disorder Society. Consensus statement on the classification of tremors from the task force on tremor of the International Parkinson and Movement Disorder Society. Mov Disord 2018;33:75-87.
2. Louis ED, Ferreira JJ. How common is the most common adult movement disorder? Update on the worldwide prevalence of essential tremor. Mov Disord 2010;25:534-41.
3. Liu X, Hernandez N, Kisselev S, et al. Identification of candidate genes for familial early-onset essential tremor. Eur J Hum Genet 2016;24:1009-15.
4. Witjas T, Carron R, Krack P, et al. A prospective single-blind study of Gamma Knife thalamotomy for tremor. Neurology 2015;85:1562-8.
5. Elias WJ, Lipsman N, Ondo WG, et al. A randomized trial of focused ultrasound thalamotomy for essential tremor. N Engl J Med 2016;375:730-9.

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Résumé

Le tremblement essentiel est très fréquent dans la population générale avec souvent une histoire familiale. C’est un tremblement postural familial survenant à l’âge adulte, évoluant très progressivement et dont la sévérité peut varier d’un individu à un autre. Une réponse positive du tremblement à l’alcool est classiquement rapportée. Sa physiopathologie reste mal connue mais des gènes candidats ont été identifiés dans quelques familles. D’un point de vue thérapeutique, un traitement de première ligne à base de propranolol ou de primidone peut être prescrit en cas de gêne. En cas d’inefficacité ou d’intolérance, des traitements de seconde ligne sont disponibles mais leur effet anti-trémorigène est très aléatoire au niveau interindividuel. En cas de pharmacorésistance, la stimulation du noyau ventral intermédiaire du thalamus est une option neurochirurgicale très efficace. En cas de contre-indication à la stimulation, la thalamotomie par Gamma knife (radiochirurgie) peut également être envisagée. Récemment, il a été mis en évidence que la thalamotomie par ultrasons pourrait être une thérapie prometteuse dans le tremblement essentiel.