Les causes de tremblement – motif de consultation fréquent – sont nombreuses. Le diagnostic, essentiellement clinique, s’appuie sur un interrogatoire et un examen clinique minutieux. Comment s’orienter dans la démarche étiologique ? Quels examens complémentaires ? Quelle prise en charge ?
Le tremblementse caractérise par une activité rythmique responsable d’une oscillation régulière d’une partie du corps autour d’un point d’équilibre. On le décrit par ses caractéristiques cliniques (mode d’activation, fréquence, topographie) ainsi que par les circonstances d’installation.
Ainsi, l’interrogatoire doit préciser :
- les antécédents personnels et familiaux de tremblement ou de maladie neurologique ;
- les prises médicamenteuses ;
- les circonstances d’apparition (aiguë, subaiguë ou chronique) ;
- sa localisation : chef, face, voix ; le caractère proximal ou distal, uni- ou bilatéral.
L’examen clinique doit comporter :
- un examen de la marche, au repos (sujet assis, avant-bras posé sur les cuisses) et une épreuve de calcul mental qui peuvent mettre en évidence un tremblement de repos ;
- les manœuvres des bras tendus et du bretteur qui peuvent révéler un tremblement postural ;
- l’épreuve « doigt-nez », une épreuve d’écriture avec réalisation d’une spirale, et l’épreuve du verre, qui objectivent un tremblement intentionnel ;
- la recherche de signes associés : neurologiques (signes parkinsoniens ou cérébelleux notamment) et généraux.
Tremblement de repos
Il est présent lorsque les muscles sont totalement relâchés et disparaît lors de la contraction musculaire ou lors du sommeil ; il est potentialisé par le calcul mental, et par la marche lorsqu’il touche les membres supérieurs. Le plus souvent localisé à la partie distale des membres, il peut toucher la mandibule, la langue ou les lèvres, mais épargne généralement le chef. Il est lent : 4 à 6 Hz.
Pur, il est quasiment pathognomonique d’une maladie de Parkinson, ou d’un autre syndrome parkinsonien. La recherche d’une cause médicamenteuse – prise de neuroleptiques (classiques ou cachés) notamment – doit être systématique.
Pour rappel, ce symptôme n’est pas indispensable pour le diagnostic de la maladie de Parkinson (il est absent chez 40 à 50 % des patients) ; les autres symptômes évocateurs doivent être recherchés pour conforter ce diagnostic (akinésie, hypertonie extrapyramidale).
Le traitement dépend de la cause. En cas de tremblement iatrogène : exclusion des neuroleptiques si possible. En cas de maladie de Parkinson ou d’autre syndrome parkinsonien dégénératif : traitement spécifique de la maladie.
Tremblement d’action
Il survient lorsque les muscles sont activés. Au sein des tremblements d’action, on distingue ceux d’attitude ou posturaux (lors du maintien de la posture) de ceux apparaissant au cours du mouvement. Le tremblement postural est révélé par la manœuvre des bras tendus, ou du bretteur : il est absent au repos, présent au maintien de l’attitude. Le tremblement intentionnel apparaît lors de la réalisation des mouvements, et peut être testé par l’épreuve des verres, l’écriture, la réalisation d’une spirale.
Exagération du tremblement physiologique
C'est la première cause à éliminer. Il s’agit en général d’un tremblement essentiellement postural. Il peut être :
- lié à la prise de médicaments : corticoïdes, bêtastimulants, surdosage en hormones thyroïdiennes (v. encadré 1);
- de substances excitantes (café, nicotine) ;
- d’origine endocrinienne ou métabolique : hyperthyroïdie, troubles ioniques, sevrage éthylique, alcoolisme, maladie de Wilson à évoquer chez le sujet jeune (avant 50 ans)…
La prise en charge consiste essentiellement à supprimer les facteurs favorisants.
Tremblement essentiel
Il est évoqué devant un tremblement d’installation progressive sur plusieurs années, le plus souvent symétrique, de fréquence rapide (de 8 à 12 cycles/s), touchant en général les membres supérieurs, mais parfois aussi le chef, la mandibule ou la voix.
Initialement postural, il s’aggrave progressivement, devenant également intentionnel : il perturbe alors la réalisation des mouvements volontaires (écriture, dessin de spirale, manipulation d’un verre, etc.). Il est volontiers amélioré par l’alcool et survient (mais ce n’est pas toujours le cas) dans un contexte familial.
L’examen neurologique est, en dehors du tremblement, strictement normal (aucun signe parkinsonien de type akinéto-rigide associé ; v. tableau).
Le traitement repose, en fonction du terrain et des contre-indications, sur le propranolol (de 40 à 160 mg), la primidone (125 à 750 mg/j), ou en 2e ligne le topiramate (de 25 à 75 mg). Dans les formes sévères et résistantes, la stimulation cérébrale profonde du noyau ventro-intermédiaire (VIM) du thalamus ou la thalamotomie par Gamma Knife peuvent être discutées. La thalamotomie par ultrasons focalisés est en cours d’étude. L’injection de toxine botulique est envisageable pour traiter les tremblements du chef (muscles rotateurs) ou laryngés (cordes vocales).
Tremblement cérébelleux
Le tremblement cérébelleux est principalement intentionnel, souvent de grande amplitude et proximal, de fréquence basse (4 cycles/s). Il traduit un syndrome cérébelleux dont les causes peuvent être :
- toxiques (intoxication alcoolique aiguë ou chronique, iatrogène (v. encadré 2) ;
- lésionnelles (sclérose en plaques, séquelles d’AVC ou de traumatisme crânien…) ;
- dégénératives ou génétiques (ataxies héréditaires).
Aucun traitement n’a fait la preuve de son efficacité. La stimulation du noyau ventral intermédiaire du thalamus peut être discutée.
Autres tremblements (plus rares)
Le tremblement spécifique d’une tâche n’apparaît que lors de la réalisation d’une tâche spécifique (écriture par exemple). Pas d’examens complémentaires si le reste de l’examen clinique est normal. Les possibilités thérapeutiques sont limitées, mais les traitements du tremblement essentiel peuvent être tentés.
Le tremblement orthostatique n’est présent qu’en position debout et concerne les membres inférieurs. En général, le patient ne se plaint pas de tremblement mais de troubles de l’équilibre et de la marche. L’examen des cuisses à l’orthostatisme montre un tremblement des quadriceps. L’enregistrement électrophysiologique en position debout enregistre au niveau des quadriceps un tremblement extrêmement rapide (de 15 à 17 cycles/s).
La prise en charge, souvent décevante, repose sur les antiépileptiques (gabapentine, clonazépam) et antitrémoriques (propranolol, primidone).
Les tremblements fonctionnels ou psychogènes sont évoqués en cas de tremblement irrégulier en fréquence ou amplitude, associant de manière inhabituelle une composante de repos, posturale et d’action ; de début brutal, avec parfois un événement déclenchant ; survenant dans un contexte psychologique difficile.
Quels examens complémentaires ?
En cas d’installation récente ou subaiguë de tremblement, faire un dosage de la TSHus.
Avant l’âge de 50 ans, un dosage du cuivre échangeable et de la céruléoplasmine permet d’exclure une rare maladie de Wilson.
L’enregistrement électrophysiologique peut être utile : en cas de tremblement psychogène ; de tremblement orthostatique (pour affirmer le diagnostic) ; pour faire le diagnostic différentiel avec des myoclonies rythmiques. Une imagerie cérébrale est indiquée en cas de tremblement cérébelleux.
Causes médicamenteuses de tremblement d'action
Antiarythmiques
- amiodarone
- mexilétine
Antidépresseurs
- amitriptyline
- lithium
- inhibiteurs de la recapture de la sérotonine
Antiépileptiques
- acide valproïque
Bronchodilatateurs
- salbutamol
Traitement gastro-entérologique
- métoclopramide
- cimétidine
Chimiothérapie
- tamoxifène
- cytarabine
- ifosfamide
Immunosuppresseurs
- tacrolimus
- cyclosporine
- interféron alpha
Autres
- théophylline
- caféine
Causes iatrogènes de tremblement cérébelleux
Psychotropes
- lithium
Antiépileptiques
- phénytoïne
Antibiotiques
- vidarabine
Chimiothérapie
- cytarabine
- ifosfamide
Immunosuppresseurs
- tacrolimus
- ciclosporine
Bereau M, Tranchant C. Item 107. Mouvements anormaux. Rev Prat 2022;72(1);93-100.
Mongin M, Degos B. Tremblement : quelle prise en charge ? Rev Prat Med Gen 2019;33(1022);409-14.
Degos B. Tremblement essentiel. Rev Prat Med Gen 2020;34(1050);773-4.